Loi Vieillissement : une mise en œuvre "hétérogène" du volet domicile dans les départements
L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale de l'administration (IGA) viennent de remettre leur rapport sur "L'évaluation de la mise en œuvre de la loi d'adaptation de la société au vieillissement pour le volet domicile". Si le déploiement des mesures issues de la loi du 28 décembre 2015 a déjà donné lieu à un bilan quantitatif sur la publication des textes d'application (voir notre article ci-dessous du 16 juin 2016), c'est la première fois qu'un rapport se consacre ainsi à un bilan qualitatif de son volet domicile. Et le résultat, s'appuyant sur des investigations menées dans 17 départements, apparaît assez mitigé, moins sur le fond des mesures que sur leurs modalités de mise en œuvre.
La réforme de l'APA victime de sa complexité
Ainsi, les mesures de revalorisation de l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) "ont rencontré des limites dans leur mise en œuvre". Les rapporteurs soulignent en particulier le "caractère progressif et hétérogène" de cette dernière selon les départements. Il apparaît notamment que la saturation des plans d'aide est souvent théorique. Ces difficultés tiennent à différents facteurs : délais très courts prévus par les textes d'application, difficultés d'adaptation des systèmes d'information des départements, démarches complexes pour mettre à jour les ressources des bénéficiaires, lourdeur de la réévaluation des plans d'aide saturés... Le rapport ne cache pas la complexité de la réforme, qui est en outre "très peu lisible pour les aidants et les bénéficiaires".
Conséquence : "Les financements prévus pour compenser le coût de mise en œuvre des mesures APA à domicile de la loi Vieillissement n'ont pas été mobilisés à hauteur des prévisions." Toujours sur la réforme de l'APA, le rapport pointe aussi les difficultés de concrétisation du libre choix laissé aux personnes âgées.
Satisfecit pour les Saad et les Spasad
La réforme des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) semble poser moins de problème. Elle fait basculer les Saad dans le champ de l'autorisation par les départements - "ce qui constitue une avancée potentielle" -, mais ces derniers ont peu de marge de manœuvre et la mission estime qu'une simplification apparaît nécessaire. En outre, la question du financement des Saad se pose "de façon accrue", de même que celle de la contractualisation avec ces services, quel que soit leur statut.
La possibilité d'expérimenter, avec l'accord conjoint du président du conseil départemental et du directeur général de l'ARS, un modèle intégré d'organisation, de fonctionnement et de financement des services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad) est également jugée de façon positive, malgré certains freins à une coordination plus aboutie, comme l'absence de fongibilité des crédits de l'assurance maladie.
Conférences des financeurs : du potentiel, mais peut mieux faire
Autre constat mitigé pour la conférence des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie. D'un côté, il s'agit d'"un signal fort visant à asseoir la légitimité du département [qui préside la conférence, ndlr] dans le champ de la prévention de la perte d'autonomie et pas seulement celui de la prise en charge de la dépendance" et les crédits alloués par la CNSA pour financer ces actions ont atteint 102 millions d'euros en 2016 et 140 millions en 2017. Mais, de l'autre, la mise en place de la conférence des financeurs s'est faite "de façon inégale dans les départements". En outre, la nature des aides individuelles éligibles est "peu lisible" et les conditions d'octroi de ces aides sont fondées "sur des critères discutables, qui doivent être simplifiés".
Enfin, sur le renforcement de l'accompagnement des proches aidants, ce premier bilan apparaît plutôt positif, même si "la plupart des départements consultés par la mission avaient mis en œuvre des mesures en faveur des aidants avant la publication de la loi Vieillissement, dans le cadre d'une convention avec la CNSA".
Au final, la mission Igas-IGA constate que malgré l'intérêt suscité par plusieurs des mesures de la loi Vieillissement, il subsiste des difficultés sur le terrain, liées à la conjonction de trois phénomènes : le caractère insuffisant des délais de mise en œuvre, la complexité des mesures, "qui peut freiner leur mise en œuvre et limiter leur impact effectif sur les personnes âgées", et l'hétérogénéité du déploiement par les départements, "qui s'explique à la fois par des politiques différentes de prise en charge des personnes âgées avant la loi et par des différences démographiques et économiques".