Loi SRU : devant un bilan triennal médiocre, Guillaume Kasbarian mise sur le logement intermédiaire
Alors que 1.022 communes, sur les quelque 2.100 soumises à la loi SRU, n’ont pas encore atteint l’objectif fixé par la loi, le ministre délégué au logement a de nouveau fait l’éloge ce 11 avril, lors d'une visite à Bussy-Saint-Georges en Seine-et-Marne, du logement intermédiaire, confirmant que celui-ci "pourra être utilisé par les communes déficitaires en logements sociaux". Mais, a-t-il promis, "il ne sera pas un blanc-seing pour les maires qui ne veulent pas construire".
Ce n’est certainement pas un hasard : c’est par la visite d’un appartement en LLI (logement locatif intermédiaire) que Guillaume Kasbarian a débuté sa visite de la ZAC du Sycomore, à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), ce jeudi 11 avril 2024. Une manière, pour le ministre délégué chargé du logement, de réaffirmer, trois semaines après la signature d’un pacte sur le sujet (voir notre article), le rôle central que doit, à ses yeux, jouer le LLI dans le fameux "choc d’offre" qu’il appelle de ses vœux. Mais aussi de confirmer la prochaine prise en compte de ce dernier dans l’évaluation des actions des villes déficitaires en logements sociaux au titre de la loi SRU. "Dans le projet de loi que je présenterai en conseil des ministres au mois de mai, et qui sera discuté au Sénat en juin, le LLI sera encouragé et pourra être utilisé par les communes déficitaires en logements sociaux", a-t-il confirmé. Dans quelles proportions ? Pour quelles communes ? "Cela sera l’objet des discussions au Parlement", s’est-il contenté de répondre, précisant toutefois : "Nous voulons encourager les maires bâtisseurs et non donner un blanc-seing à ceux qui ne veulent pas construire."
L’aménagement en cours, par l’établissement public d’aménagement Epamarne, de la ZAC du Sycomore, démontre les attraits du LLI, estime-t-il. "Le T4 en construction que je viens de visiter se louera 15 à 20% moins cher qu’un logement libre, et permettra donc de loger la classe moyenne qui travaille. Le LLI facilite la mixité sociale, et permet aussi à des opérations comportant des logements sociaux de voir plus facilement le jour", a-t-il déclaré. À ses yeux, l’opération, menée par Vinci, Quartus, Legendre et Valophis, en témoigne : elle comprend 460 logements, dont 79 en LLI et 115 sociaux. "Je veux féliciter la commune, qui est assez modèle pour répondre à la très forte demande de logements. Sur le dernier bilan triennal, elle a construit 602 logements sociaux et 275 logements intermédiaires."
Au niveau national, le bilan triennal de la loi SRU est moins convaincant : "Sur les 2.100 communes soumises à la loi, 1.100 n’ont pas encore atteint l’objectif et 711 n’ont pas rempli leur objectif triennal. 340 ont été considérées comme carencées et devront donc verser des pénalités", a résumé le ministre, rappelant que ces dernières servent à aider les communes qui décident de construire et à alimenter le budget de l’aide à la pierre.
Un bilan triennal décevant
Certes, la barre était haute : les 1.022 communes qui, en 2020, n’avaient pas atteint le taux de 20 ou 25%, selon le cas, de logements sociaux, devaient combler de moitié ce déficit avant la fin de 2022. Ce taux n’atteignait que 33% lors de la période précédente (2017-2019). Autrement dit, il leur fallait construire 276.508 logements, avec un mix équilibré entre les différents types de logements sociaux, contre 196.671 lors de la période précédente. Mais le médiocre bilan dévoilé jeudi 11 avril par le ministère (en lien ci-dessous) - qui confirme une partie des constats de la fondation Abbé-Pierre qui avait publié son propre bilan triennal en décembre dernier (voir notre article) - n’est qu’en partie imputable à ces objectifs ambitieux : en effet, non seulement les communes concernées n’ont atteint que 67% de leurs objectifs quantitatifs (contre 106% entre 2017 et 2019) , mais elles ont, en valeur absolue, moins construit de logements que précédemment : 185.651 logements, contre 228.959.
Dans le détail, 311 communes, soit 30%, ont rempli leurs objectifs quantitatifs et qualitatifs (au moins 30% de PLAI, au plus 20 ou 30%, selon le cas, de PLS), contre 47% sur la période 2017-2019. 73 communes ont rempli leurs objectifs quantitatifs mais pas qualitatifs, tandis que 357 ont fait l’inverse. Et 281 n’ont fait ni l’un ni l’autre. In fine, les préfets ont décidé de prendre des arrêtés de carence à l’encontre de 341 communes, dont 52 pour la première fois alors que 141 ont été carencées plus de trois fois.
La carence s’accompagne de la majoration, jusqu’à cinq fois, du prélèvement initial dû par les communes, du transfert au préfet du droit de préemption urbain de la commune, d’une part minimale de 30% de logements PLUS-PLAI dans les opérations de taille significative et de la possibilité, optionnelle, pour le préfet, de reprendre la délivrance des autorisations d’urbanisme sur tout ou partie de la commune. À l’issue du bilan, le taux de majoration est de 127% en moyenne en raison de l’instauration d’un taux plancher par la loi 3DS.
Début 2024, 4 arrêtés de carence ont d’ores et déjà été levés : les communes avaient réalisé en 2023 la totalité de leur objectif 2023-2025.
Géographiquement, quelques régions se montrent particulièrement mauvaises élèves. Ainsi, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 157 des 165 communes soumises à objectifs ne les ont pas respectés, et 95 sont carencées. Arrive ensuite l’Auvergne-Rhône-Alpes avec 94 des 126 communes prises en défaut, et 55 déclarées carencées. L’Occitanie affiche des chiffres de, respectivement, 98 défauts d’atteinte d’objectifs sur 131 communes concernées, et 47 carencées. En Île-de-France, 123 des 229 communes soumises à objectif ne les atteignent pas, et 67 sont déclarées carencées. Si les chiffres sont bien inférieurs, aucune des communes qui n’atteignaient pas les pourcentages requis de logements sociaux en 2020 en Martinique, Guadeloupe ou encore Bourgogne-Franche-Comté n’ont atteint leurs objectifs triennaux. À l’inverse, en Normandie et dans les Hauts-de-France, plus de la moitié des communes ont tenu leurs objectifs.
Pendant la nouvelle période triennale, les communes devront combler 33% de leur retard et donc construire un peu moins de 200.000 logements sociaux. Grâce aux nouveaux contrats de mixité sociale, les communes peuvent en outre réduire jusqu’à un maximum de 25% leurs objectifs.