1 milliard d'euros mobilisés en faveur du logement intermédiaire
Pour répondre à la crise du logement, le gouvernement a annoncé jeudi 14 mars près d'un milliard d'euros d'investissement public et privé en faveur du logement intermédiaire, en s'appuyant sur l'engagement des assureurs et du groupe Caisse des Dépôts.
Près d'un milliard d'euros vont être mobilisés "dans les mois qui viennent" pour réaliser 10.000 logements intermédiaires, ont fait savoir le 14 mars les ministres de l'Économie et du Logement.
Sur ce milliard, 400 millions d'euros seront "fournis par 14 assureurs" et "250 millions d'euros fournis par la Caisse des Dépôts", tandis que l'État "mobilisera des fonds propres", a précisé le ministre de l'Économie Bruno Le Maire à l'issue d'une réunion avec la fédération des assureurs et la Caisse des Dépôts. L'objectif, selon Bruno Le Maire, est de "développer massivement l'offre de logements intermédiaires qui permet aux classes moyennes de se loger à des tarifs inférieurs de 10 à 15% aux tarifs du marché".
Le logement locatif intermédiaire (LLI) se destine en effet à des ménages des classes moyennes dont le revenu est trop élevé pour prétendre à un logement social. En retour, ceux qui investissent dans la construction de ces habitations à loyers plafonnés bénéficient d'avantages fiscaux.
"Pour ça il faut des investissements et il faut les investisseurs", a ajouté le ministre. Pour l'État, "ce n'est pas de la dépense budgétaire, je tiens à le préciser, c'est de l'investissement", a-t-il insisté. "Les assureurs s'engagent à apporter plus de 400 millions de fonds propres en faveur du financement du secteur du logement intermédiaire", selon le communiqué du gouvernement, citant AG2R La Mondiale, Allianz France, Assurances du Crédit Mutuel, Axa, BNP Paribas Cardif, BPCE Assurances, CNP Assurances, Crédit Agricole Assurances, Groupama, Groupe MAIF, SMABTP, Société Générale Assurances, Suravenir et Groupe VYV.
"Le logement intermédiaire est une catégorie d'investissement sur laquelle les assureurs sont déjà massivement engagés", a indiqué Florence Lustman, présidente de la fédération France Assureurs, en rappelant que les assureurs s'étaient notamment engagés à améliorer les qualités énergétiques de ces logements.
Dès le printemps dernier, le groupe Caisse des Dépôts et le groupe Action Logement "ont mis en place de vastes plans de rachat de logements abordables, pour près de 50.000 logements, dont une large part de logements locatifs intermédiaires", production "soutenue par une enveloppe de prêts exceptionnelle de la Banque des Territoires", rappelle le gouvernement. En outre, au second semestre 2023, celui-ci avait acté une augmentation de capital de 250 millions d'euros au sein de la Société pour le logement intermédiaire, pour construire rapidement 4.000 logements supplémentaires, indique Bercy. Après une phase de croissante constante, la production a atteint un peu plus de 15.000 logements intermédiaires par an, "portés par les groupes CDC Habitat et Action Logement, par la Société pour le logement intermédiaire, fonds d’investissement public créé par l’Etat, ainsi que par des fonds d’investissement privés", rappelle le communiqué du gouvernement, qui veut "doubler d'ici 2026 la production de logements intermédiaires afin d'accélérer la mobilité résidentielle, notamment depuis le logement social".
"Nous allons booster le LLI", a confirmé le ministre délégué au logement, Guillaume Kasbarian, qui a annoncé la signature la semaine prochaine d'un accord avec Action Logement, la Caisse des Dépôts et les banques avec l'ambition de produire "75.000 logements pour les trois prochaines années". Notre volonté est "de mieux lier ces logements au travail, à la réindustrialisation, aux projets énergétiques, je pense notamment à celui des EPR", a souligné le ministre délégué.
Guillaume Kasbarian a également rappelé qu'un projet de loi relatif au logement sera présenté "dans les semaines qui viennent (...) en vue d'un examen fin juin". La loi de finances pour 2024 a déjà permis d'étendre le régime du logement locatif intermédiaire à de nouveaux territoires, à la rénovation de l'habitat ancien, et aux résidences gérées à destination des étudiants, des jeunes actifs ou des seniors.
"On dit toujours que c'est le besoin dans les secteurs les plus tendus, où très souvent il peut y avoir un écart important entre les loyers du parc social et le parc privé, où les prix des loyers comme de l'accession peuvent s'emballer", explique Hélène Joinet, chercheuse à l'Institut Paris Région. "Ça vient occuper un maillon manquant, qui avant était occupé par les investisseurs institutionnels", comme les assureurs et banques, qui s'en sont désengagés dans les années 1990-2000, ajoute-t-elle. S'il existe depuis des décennies, le logement intermédiaire qui se développe actuellement est assis sur un dispositif créé en 2014. Les bailleurs bénéficient d'un double avantage fiscal : un taux de TVA réduit à la construction (10% au lieu de 20%) et une exonération de taxe foncière pendant vingt ans. En contrepartie, ils doivent appliquer un loyer réduit et louer à des ménages en deçà d'un certain plafond de revenus.
Pour une personne seule, le revenu fiscal annuel doit être inférieur à 43.529 euros dans les zones les plus tendues (Paris, Lyon, Lille, Montpellier et leurs périphéries, Côte d'Azur, frontière suisse). Pour un couple sans enfants, c'est 65.057 euros dans les mêmes zones. Les loyers par exemple pratiqués par in'li, bailleur intermédiaire en Île-de-France, oscillent entre 12 et 18 euros le mètre carré, contre 5 à 12 euros dans le parc social et 18 à 30 euros sur le marché, détaille son président, Damien Robert. Les procédures de sélection des locataires, tout comme les contrôles une fois ceux-ci entrés dans le logement, sont moins encadrés qu'en HLM, relève Marianne Louis, directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat
Depuis 2017, Emmanuel Macron et tous ses ministres en charge du logement ont fait du développement du logement intermédiaire l'une de leurs priorités. L'objectif affiché, a résumé jeudi Guillaume Kasbarian, est de loger "ceux qui ne bénéficieront pas, dans leur vie, de logement social, et qui pour autant (...) n'arrivent pas à se loger dans le marché libre dans les zones sous forte tension", en particulier dans les territoires en voie de réindustrialisation.
Cette critique, très relayée à gauche et chez les défenseurs du logement social, est récurrente, alors que 2,6 millions de ménages sont en attente d'un HLM. Elle a redoublé d'intensité depuis que Gabriel Attal a évoqué la possibilité d'inclure "pour une part" le logement intermédiaire dans le calcul des quotas SRU. Une brèche qui devrait être incluse dans un projet de loi "pour le logement des classes moyennes" attendu avant l'été. "Il n'y a pas de raison que ça se phagocyte !", a voulu rassurer mercredi Guillaume Kasbarian, assurant qu'on pouvait "rester sur des objectifs ambitieux de construction de logement social et favoriser le LLI". |