Handicap - Loi du 11 février 2005 : le CNCPH distribue bons et mauvais points
Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a remis à Roselyne Bachelot-Narquin son rapport 2010. Comme chaque année, celui-ci procède à une analyse de la situation des personnes handicapées et évalue l'état d'avancement de la mise en oeuvre de la loi Handicap du 11 février 2005. L'édition 2010 se situe clairement dans la perspective de la prochaine conférence nationale du handicap, en juin 2011, et est assortie de nombreuses propositions. Le Conseil est également chargé d'établir un état des lieux annuel de la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées, en s'appuyant notamment sur les travaux des conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées (CDCPH). Pour la préparation du rapport 2010, le CNCPH n'a toutefois reçu que 38 comptes rendus, "ce qui témoigne d'un intérêt médiocre pour la question du handicap et de la quasi-inexistence de ces instances".
Accessibilité : les collectivités toujours à la traîne
En matière d'accessibilité, le rapport procède à une distribution de bons et de mauvais points, en prenant comme point de départ le rapport du gouvernement sur la question en février 2009. Côté avancées, le CNCPH relève une dizaine d'éléments, comme la création d'un Observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle, l'organisation de journées territoriales de l'accessibilité (JTA) au printemps 2010 ou encore la publication récente d'un état des lieux actualisé des démarches d'accessibilité, "qui gagnerait à être enrichi d'éléments qualitatifs".
Côté mauvais points, on ne compte que cinq items, mais qui témoignent d'un retard évident : 30% des communes et intercommunalités n'ont toujours pas créé de commission de l'accessibilité et les 70% de commissions existantes ne sont pas forcément très actives ; 95% des communes n'ont toujours pas élaboré leur plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE) pourtant obligatoire depuis le 23 décembre 2009 ; 47% des autorités organisatrices de transports (AOT) n'ont pas finalisé leur schéma directeur d'accessibilité...
Sur le chapitre des ressources, le rapport observe que le chef de l'Etat a tenu ses engagements sur la revalorisation de l'AAH et sur les conditions d'attribution de cette prestation (suppression de la condition d'inactivité). Mais "la loi du 11 février 2005 n'apporte cependant qu'une réponse très partielle à la problématique des ressources des personnes handicapées". Le bilan est également plutôt positif en matière d'éducation des enfants handicapés et de scolarisation en milieu ordinaire. L'un des principaux points faibles en la matière reste toutefois "la formation actuelle des enseignants, tant en ce qui concerne la formation initiale que la formation spécialisée". Le CNCPH émet également des réserves sur la situation de l'accompagnement individuel, qui souffre d'un manque de coordination entre les acteurs et devrait être "repensé".
Sur le chapitre de l'emploi et de la formation, le rapport ne prend pas vraiment position et se contente de lister les différents avis et rapports rendus par le Conseil. Curieusement, il n'évoque pratiquement pas la mise en œuvre de l'obligation d'emploi de 6% de travailleurs handicapés, sauf pour rappeler sa motion contre le report de l'entrée en vigueur des sanctions aggravées pour les entreprises de 20 à 49 salariés qui ne respectent pas cette obligation.
Sur les établissements et services, le rapport considère qu'il y a encore du "chemin à parcourir". Il en veut notamment pour preuve que l'amendement Creton reste toujours utilisé, plus de 22 ans après l'adoption de cette disposition qui devait être provisoire.
Des éclairages originaux
Sur l'organisation institutionnelle de la politique en faveur des personnes handicapées, le rapport rappelle que, depuis juin 2008, "le contexte a considérablement évolué", sous l'effet de la crise économique et financière et de la montée du chômage. Il cite également d'autres éléments, comme la réforme de l'Etat, la création des agences régionales de santé ou la réforme des collectivités territoriales. Le Conseil en profite pour recenser les demandes et les attentes en vue de la conférence nationale de juin 2011. Au passage, il se prononce pour "la suppression des barrières d'âge et la mise en place d'un cinquième risque et/ou d'une cinquième branche de protection sociale". L'amélioration du fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et le renforcement du rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) sont également au programme.
A noter : le rapport consacre plusieurs chapitres à des sujets peu traités et intéressants, comme la "détresse psychologique des personnes en situation de handicap" - avec en particulier un premier état des lieux sur les travaux menés en la matière -, la "vie affective, sexualité et parentalité", la "situation des personnes en grand déficit d'autonomie" ou encore la "vie à domicile". Ce dernier point est complété par un chapitre sur les métiers au service des personnes handicapées, qui s'efforce de procéder à une classification descriptive de ces derniers.
Dans la conclusion de son rapport, le CNCPH - après avoir constaté que la phase de production des textes réglementaires est désormais quasiment achevée - "réitère auprès de l'Etat et des collectivités locales, la nécessité qu'il y a de garantir la soutenabilité budgétaire des engagements contenus dans la loi".
Jean-Noël Escudié / PCA
Concrétiser la mise en accessibilité des sites internet publics
Garantir la mise en accessibilité des sites internet des collectivités territoriales et des établissements publics (tout en incluant les appels téléphoniques des services publics), ou encore concrétiser la mise en accessibilité de tous les sites internet, qu'ils soient publics ou privés (et notamment dans le domaine artistique et culturel) sont quelques-unes des préconisations en matière d'accessibilité de ce rapport 2010 du CNCPH. Les règles d'accessibilité numérique concernant plus particulièrement les services de communication publique en ligne, ont été fixées par le décret d'application du 14 mai 2009 et l'arrêté du 21 octobre 2009 approuvant le référentiel général d'accessibilité pour les administrations (RGAA). Les échéances de mise en conformité des sites internet publics avec le RGAA sont fixées par le décret à mai 2011 (pour les services de l'Etat) et mai 2012 (pour les collectivités territoriales). En début d'année 2011, un collectif baptisé "article 47" et composé d'acteurs du monde associatif, de consultants, d'enseignants, et d'experts exerçant dans le domaine de l'accessibilité numérique, a adressé une lettre ouverte aux ministres pour les alerter de l'imminence des échéances et de la nécessité d'engager les actions concrètes. La conférence nationale du handicap qui se déroulera en juin prochain sera l'occasion de faire un nouveau point d'étape.
E. Barbry / Cabinet Alain Bensoussan