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Handicap - Le Sénat adopte enfin la réforme des MDPH

Interrompu faute de temps le 24 juin dernier, l'examen par le Sénat de la proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées a finalement repris quatre mois plus tard. Il a abouti à son adoption en première lecture le 25 octobre 2010. Une première étape pour un texte très attendu par les départements, mais qui n'est pas encore au bout de ses peines.

Dès les premiers mois de mise en oeuvre de la loi Handicap du 11 février 2005 - autrement dit depuis le 1er janvier 2006 -, il est apparu des points faibles dans le statut, le financement et le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ceux-ci n'ont certes pas empêché le déploiement et la montée en charge des MDPH, mais tous les acteurs concernés - à commencer par les départements - ont très vite été convaincus de la nécessité d'apporter des aménagements législatifs au dispositif. Cette prise de conscience a tardé à se concrétiser. L'Etat - peu à l'aise avec la question compte tenu des conditions dans lesquelles s'est déroulée la mise à disposition des personnels et des financements correspondants (voir par exemple nos articles ci-contre du 7 août et du 2 décembre 2009) - s'est gardé de prendre l'initiative, malgré divers rapports sur le sujet. De leur côté, les départements ont eu du mal à adopter une position commune.

Un début de parcours chaotique

Le Parlement s'est donc emparé du dossier à travers une proposition de loi de Paul Blanc - sénateur des Pyrénées-Orientales, qui fut le rapporteur de la loi Handicap - suivi par une centaine de ses collègues de la majorité. Celle-ci tend "à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et [porte] diverses dispositions relatives à la politique du handicap". Déposé en décembre 2009, le texte a connu un début de parcours erratique. Inscrit à l'ordre du jour en juin, il n'a en effet pu être examiné dans son entier en raison de l'encombrement du calendrier parlementaire. Les sénateurs se sont donc arrêtés à l'article 5 lors de la séance du 24 juin dernier (voir notre article ci-contre du 22 juillet 2010). L'examen de la proposition de loi a finalement repris le 25 octobre. Le texte, voté le même jour par le Sénat, diffère assez fortement de la proposition de loi initiale. Outre les modifications introduites par la commission (voir ci-contre notre article du 22 juillet 2010), plusieurs amendements ont été adoptés en séance plénière.
Pour mémoire, on rappellera que les cinq premiers articles, adoptés en juin dernier, portent principalement sur les moyens de remédier à l'instabilité des personnels et aux difficultés engendrées par la diversité des statuts. L'article 2 précise ainsi le statut des différents personnels des MDPH et autorise ces dernières à recruter des agents en contrat de droit public à durée indéterminée afin de leur offrir de meilleures perspectives de carrière. L'article 4 autorise le Centre national de la fonction publique territoriale à ouvrir ses formations - normalement réservées aux agents territoriaux - à tous les personnels de la MDPH et à prélever les cotisations en conséquence. Enfin, les articles 2 et 5 aménagent le régime de la mise à disposition des personnels de l'Etat en portant sa durée de trois à cinq ans, avec un préavis plus long de six mois, et en instaurant un système de mise à disposition contre remboursement. L'Etat demeure donc l'employeur et la MDPH lui rembourse les rémunérations des personnels effectivement mis à disposition. Dans le même temps, l'Etat s'engage, par le biais d'une convention triennale, à verser à la MDPH une subvention de fonctionnement couvrant au minimum les montants remboursés par cette dernière au titre des rémunérations des personnels mis à disposition, majorée d'une contribution aux frais généraux. Si elle est définitivement adoptée, cette disposition devrait clarifier les relations financières entre l'Etat, les départements et les MDPH.

Durée d'accueil uniforme et décisions en formation restreinte

Quatre autres articles concernent directement les MDPH. L'article 6 fixe une durée hebdomadaire minimale de 35 heures pour l'accueil physique et téléphonique avec, pour ce dernier, l'obligation de mettre à disposition "un numéro téléphonique en libre appel gratuit pour l'appelant, y compris depuis un terminal mobile". L'article 7 autorise la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) à siéger en formation restreinte - sauf opposition de la personne handicapée ou de son représentant légal - et à adopter une procédure simplifiée de prise de décision (pratique déjà mise en oeuvre dans certaines MDPH, mais jusqu'alors sans base légale). Un amendement en séance précise que les formations restreintes comportent obligatoirement un tiers de représentants des personnes handicapées et de leurs familles.
Pour sa part, l'article 8 précise les modalités d'élection de domicile de secours, tandis que l'article 8 bis supprime l'obligation pour la MDPH de disposer d'une "équipe de veille pour les soins infirmiers", dont l'intérêt est très vite apparu discutable. En revanche, le Sénat n'est pas revenu sur la suppression, décidée par la commission des affaires sociales, de l'article 9 du texte initial, qui prévoyait d'ériger le fonds départemental de compensation en budget annexe de la MDPH et d'ouvrir ses aides à des personnes handicapées non bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Dérogations à l'accessibilité : le retour

Comme son intitulé l'indique, la proposition de loi ne se limite pas aux MDPH mais comporte également un titre consacré à diverses dispositions relatives à la politique du handicap. Cette partie s'est même fortement étoffée lors de l'examen du texte en commission et de la discussion en séance plénière. La disposition qui ne manquera pas de susciter la plus vive polémique figure à l'article 14 bis (nouveau). Après que le gouvernement a échoué par deux fois à introduire des dérogations, pourtant très limitées, au principe d'accessibilité généralisée du cadre bâti (voir nos articles ci-contre du 5 août 2009 et du 5 janvier 2010), le Sénat revient à la charge. Il abandonne toutefois l'idée de dérogations à un principe jugé intangible au profit de celle - plus subtile - de "mesures de substitution". Celles-ci pourront être prises "afin de répondre aux exigences de mise en accessibilité prévues à l'article L.111-7 [du Code de la construction et de l'habitation, ndlr], lorsque le maître d'ouvrage apporte la preuve de l'impossibilité technique de les remplir pleinement, du fait de l'implantation du bâtiment, de l'activité qui y est exercée ou de sa destination". Pour être applicables, ces mesures de substitution devront recueillir l'accord du préfet de département, après avis conforme de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité. Malgré ces précautions et l'impossibilité bien réelle d'assurer l'accessibilité dans certaines situations, cette disposition pourrait subir le même sort que les tentatives précédentes.

Priorité à l'insertion professionnelle

Parmi les autres dispositions adoptées par le Sénat - très centrées sur l'insertion professionnelle -, plusieurs revêtent également une importance certaine. C'est le cas notamment de celle qui autorise les instances du contentieux technique de la Sécurité sociale saisies d'un recours contre une décision de CDAPH à faire appel - outre à celle d'un médecin - à l'expertise "d'une ou plusieurs personnes qualifiées dans le domaine concerné par la décision mise en cause" (éducation, formation, emploi...).
Autre innovation : le texte adopté par le Sénat introduit dans le Code du travail une section consacrée au "pilotage des politiques de l'emploi en faveur des personnes handicapées" qui s'efforce de clarifier les responsabilités des différents acteurs en la matière (article 11). Il en ressort que "l'Etat assure le pilotage de la politique de l'emploi des personnes handicapées" et en fixe les objectifs et les priorités. La principale nouveauté est la mise en place d'une convention d'objectifs et de moyens pluriannuelle et pluripartenariale, conclue entre l'Etat, Pôle emploi, l'Agefiph, le fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Cette convention détermine les actions et les moyens mis en oeuvre pour faciliter l'insertion professionnelle des personnes handicapées, ainsi que "les modalités du partenariat que les maisons départementales des personnes handicapées mettent en place" avec le service public de l'emploi, l'Agefiph et le FIPHFP, et les moyens qui leur sont alloués dans ce cadre pour leur permettre de s'acquitter de leur mission d'évaluation et d'orientation professionnelles. La proposition de loi prévoit d'ailleurs des déclinaisons régionales et locales de la convention nationale, associant les MDPH.
La proposition de loi adoptée en première lecture par le Sénat apporte aussi des aménagements au FIPHFP, en élargissant les concours de ce dernier aux organismes et associations contribuant à l'insertion professionnelle des personnes handicapées avec lesquels le fonds a conclu une convention. Elle "sanctuarise" également l'utilisation des crédits affectés à l'insertion professionnelle des personnes handicapées ainsi qu'à la formation et l'information des agents participant à la réalisation de cet objectif (article 11 bis nouveau).
Dans un souci de clarification, le texte donne un cadre législatif aux organismes de placement spécialisés dans l'insertion professionnelle des personnes handicapées, à l'image du réseau Cap emploi. Dans le même esprit, il précise les obligations des entreprises adaptées et des centres de distribution de travail à domicile (article 12 bis nouveau). Pour être reconnus, ceux-ci devront compter au moins 80% de travailleurs handicapés orientés par la CDAPH et mettre en oeuvre un "accompagnement spécifique" favorisant la réalisation du projet professionnel. Le même article précise les modalités de financement de ces structures à travers une aide au poste forfaitaire et une subvention destinée à couvrir le coût du suivi et de l'accompagnement social.

Pas de modification dans l'immédiat pour la PCH et sa péréquation

Si nombre de dispositions du texte se sont enrichies au cours du débat, d'autres ont en revanche disparu. Le gouvernement a en effet demandé et obtenu, par des scrutins publics, la suppression de deux articles qui figuraient dans le texte adopté par la commission des affaires sociales. Le premier (article 13) élargissait la prise en charge des aides humaines par la PCH. Outre l'invocation de l'article 40 de la Constitution, Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la Famille et de la Solidarité, a fait valoir que "l'article ne serait pas soutenable pour les départements" dans la mesure où "il leur en coûterait 150 millions pour une heure par jour d'aide ménagère cinq jours par semaine - et c'est une hypothèse optimiste". Pour sa part, l'article 14 mettait en place le principe d'une péréquation - en fin d'exercice - du concours aux départements versé par la CNSA au titre de la participation au financement de la PCH. Pour obtenir - sans difficultés - la suppression de cet article, Nadine Morano a fait valoir que le groupe de travail mis en place par le gouvernement dans le prolongement du débat sur le projet de loi de finances pour 2010 "a jugé, dans ses conclusions provisoires, que la PCH n'avait pas achevé sa montée en charge et qu'il n'était pas possible de déterminer si les disparités constatées entre départements résultaient de la situation structurelle de tel ou tel ou d'un rythme de montée en charge différent".
En dépit de ces deux allègements, c'est donc un texte conséquent qui va poursuivre son cheminement parlementaire dans des délais que tous les départements espèrent désormais plus rapides. Seul manque finalement dans ce texte ce qui était pourtant à l'origine de la demande d'une réforme des MDPH : la question de leur statut. Contesté dès la mise en place de ces derniers, le statut de groupement d'intérêt public (GIP) est en définitive apparu comme un moindre mal. Paul Blanc, auteur de la proposition de loi, estime ainsi que le statut de GIP a finalement été "acté par les conseils généraux" et que les MDPH "y voient l'avantage d'une certaine souplesse de fonctionnement et un signal positif quant au maintien de la participation financière de l'Etat"...

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap (adoptée en première lecture par le Sénat le 25 octobre 2010).

 

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