Handicap - Réforme de l'AAH : polémique sur le principe du décideur-payeur
Le comité d'entente des associations représentatives de personnes handicapées et de parents d'enfants handicapés - qui regroupe l'ensemble des grandes organisations du secteur - dénonce vigoureusement un projet de décret relatif à la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi d'un demandeur de l'allocation adulte handicapé (AAH). En dépit de son intitulé ambigu, ce texte est favorable aux personnes handicapées. Il s'agit en effet de la suite de la réforme de l'AAH, entrée en vigueur le 1er janvier. Le projet de décret a pour objet de préciser la définition de la "restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi", qui permet aux personnes ayant un taux d'incapacité permanente de 50 à 79% de bénéficier de l'AAH (cette condition étant supposée remplie pour celles présentant un taux d'incapacité d'au moins 80%).
Les associations claquent la porte
Ce qui fait bondir les 66 associations regroupées au sein du comité d'entente figure à l'article 3 du projet de décret. Il est vrai que son objet ne semble pas vraiment en rapport avec le reste du texte. Cet article donne en effet la majorité des voix aux représentants de l'Etat au sein des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), lorsque celles-ci examinent une demande d'AAH (prestation financée par l'Etat et versée par les caisses d'allocations familiales). Le comité d'entente estime que cette instauration du principe du décideur-payeur remet "gravement en cause le rôle de ces commissions et l'intérêt d'y participer pour les représentants des personnes handicapées, si leurs voix ne comptent plus pour l'attribution des prestations sociales". Le comité se dit donc "fermement opposé" à une telle évolution et "refuse, tant que cet article ne sera pas retiré, de poursuivre la discussion sur les autres articles de ce projet de décret". Plusieurs associations, membres du comité, sont d'ailleurs aussitôt passées à l'acte en quittant ostensiblement, le 28 janvier, une réunion organisée sur le projet de décret par le ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale. Au-delà de la question de principe, les associations redoutent qu'à terme l'attribution du droit à l'AAH ne soit "déterminée qu'en fonction des moyens financiers disponibles". Les associations représentent au moins un tiers des membres au sein des CDAPH, le reste de la commission étant constitué de représentants des services de l'Etat, du département, des organismes de protection sociale, des organisations syndicales et des associations de parents d'élèves. La position du comité d'entente a été reprise par Chroniques Associés, qui regroupe les associations de personnes touchées par une maladie chronique (Aides, Association française des diabétiques, Association française des hémophiles...), dont certaines peuvent prétendre au bénéfice de l'AAH.
Pourquoi la PCH et pas l'AAH ?
Si l'on peut comprendre la réaction des associations en découvrant cet article dans un projet de décret qui n'est pas supposé traiter de la question, il n'est pas inutile de rappeler qu'une disposition similaire figure déjà dans la loi Handicap du 11 février 2005. Son article 66 - devenu l'article L.241-5 du Code de l'action sociale et des familles - prévoit en effet que "lorsque la décision porte sur l'attribution de la prestation de compensation, la majorité des voix est détenue par les représentants du conseil général". Le projet de décret transpose donc à l'AAH et au profit de l'Etat une disposition qui existe déjà depuis le 1er janvier 2006 pour la PCH et au profit des départements.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : projet de décret relatif à la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi d'un demandeur de l'allocation adulte handicapé (en cours de concertation).