Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 : quels moyens nouveaux pour le soutien à l’autonomie ?

Promulguée fin 2023, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 contient un chapitre intitulé "Renforcer les politiques de soutien à l’autonomie". Deux nouveautés ne se concrétiseront qu’en 2025 : la création d’un service de repérage précoce et d’accompagnement du handicap et l’expérimentation d’un forfait unique soins-dépendance pris en charge par la sécurité sociale pour financer les Ehpad. En 2024, les départements bénéficieront d’une rallonge des concours de la CNSA pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), pourront financer des "heures de convivialité" afin de lutter contre l’isolement des personnes âgées à domicile et auront des crédits supplémentaires pour promouvoir l’habitat inclusif.  

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a été publiée le 27 décembre 2023 au Journal officiel. Six jours plus tôt, le Conseil constitutionnel avait validé dans sa décision l’essentiel de la loi, censurant toutefois tout ou partie de onze articles dont huit "cavaliers sociaux". Il n’a notamment pas retenu "le grief d’insincérité" des trajectoires mis en avant dans l’un des deux recours, celui des parlementaires de droite qui avaient porté cet argument pendant les discussions notamment au Sénat (voir notre article du 9 novembre 2023)

Les objectifs de recettes et de dépenses de la LFSS aboutissent à une prévision de déficit de la sécurité sociale de 11,3 milliards d’euros en 2024, dont un déficit de 8,5 milliards pour la branche maladie et de près de 6 milliards pour la branche vieillesse et un excédent de l’ordre de 1 milliard pour chacune des branches AT/MP (accidents du travail / maladies professionnelles), famille et autonomie.

Handicap des enfants : création d’un service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce

La LFSS pour 2024 "marque un tournant résolu en faveur de la prévention", s’est félicité le ministère de la Santé (direction de la sécurité sociale) dans son communiqué, citant en particulier "la mise en place de bilans de prévention tout au long de la vie, le financement de campagnes de vaccination contre le papillomavirus au collège, la prise en charge intégrale des préservatifs pour les moins de 26 ans sans prescription et le remboursement de protections menstruelles durables pour les jeunes et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire".

En matière de soutien à l’autonomie, cette loi "accélère les engagements consacrés à la construction d’une société du bien vieillir et à la pleine inclusion des personnes en situation de handicap", souligne encore le ministère de la Santé. Ce dernier fait notamment référence à l’évolution de l’allocation journalière du proche aidant, qui pourra être perçue à plusieurs reprises au titre de différentes personnes aidées (un "droit renouvelable" dont l’entrée en vigueur sera "au plus tard le 1er janvier 2025"). Mais également à la création d’un "service de repérage, de diagnostic et d'intervention précoce" (art. 83) sur le handicap pour les enfants de moins de six ans, avec les acteurs sanitaires et médico-sociaux, les médecins, la protection maternelle et infantile (PMI) et l’Éducation nationale, selon un "parcours" coordonné par l’agence régionale de santé (ARS) qui sera précisé par décret (entrée en vigueur "au plus tard le 1er janvier 2025").

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) dispose en 2024 de 200 millions d’euros pour la mise en œuvre des mesures qui avaient été annoncées lors de la Conférence nationale du handicap (voir notre article du 27 avril 2023) : ce service de repérage précoce, mais également la création de pôles d’appui à la scolarité renforcés de personnels médicosociaux et la mise en œuvre de l’objectif de création de "50.000 solutions médico-sociales".

Deux vagues d’expérimentation du forfait unique de financement des Ehpad 

Pour les départements, la véritable nouveauté de cette LFSS est énoncée à l’article 79 : l’expérimentation "dans au plus vingt départements volontaires", à partir du 1er janvier 2025 et pendant quatre ans, d’"un régime adapté de financement" des Ehpad. L’expérimentation de ce "forfait global unique relatif aux soins et à l'entretien de l'autonomie", qui sera versé par l’Assurance maladie à l’établissement selon un montant fixé chaque année par l’ARS, consiste pour le département à se désengager du financement de la part "dépendance" qu’il assumait jusque-là. Cela impliquera pour ce département expérimentateur de reverser à l’État ou à la sécurité sociale "la somme correspondant au transfert de charges". Cette somme correspond au cumul "de la moyenne des dépenses relatives à l'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes accueillies dans un établissement" réalisées par le département sur les trois dernières années et "de la valorisation financière, définie par décret, des emplois qui cessent d'être affectés à la tarification".

Les départements ont jusqu’au 30 avril 2024 pour se porter candidat à la "première vague de l'expérimentation" qui débutera dans un an, ou jusqu’au 30 avril 2025 pour rejoindre une "seconde vague" à partir de début 2026.

Rallonge pour les concours APA et l’habitat inclusif

Est inscrite également dans la LFSS le complément exceptionnel de 150 millions d’euros que la CNSA versera aux départements en 2024. Il s’agit de "rehausser le taux de couverture des dépenses" d’APA, cela "dans une logique d’équité, et en amont de la réforme des concours de la Caisse aux départements, travaillée pour 2025", indique la CNSA dans son communiqué de présentation du budget 2024 de la branche autonomie.

2024 est également l’année de démarrage du financement des deux heures de "convivialité". Ces heures supplémentaires de soutien aux bénéficiaires de l’APA à domicile doivent être dédiées "exclusivement à l’accompagnement et au lien social, afin de lutter contre l’isolement, mieux prévenir la perte d’autonomie et repérer les fragilités". Mesure qui avait été inscrite dans la LFSS pour 2023 (voir notre article du 26 septembre 2022).

La CNSA insiste également sur une montée en puissance des crédits dédiés à l’habitat inclusif (67 millions d’euros pour 2024, après 37 millions prévus au deuxième budget rectificatif 2023) et sur un financement de 2,2 millions d’euros consacré à la préfiguration du service public départemental de l’autonomie (voir notre article du 9 janvier 2024). Lors de l’adoption du budget de la branche autonomie, des membres du conseil de la CNSA ont aussi fait part de leur "inquiétude quant aux difficultés financières persistantes des établissements et services sociaux et médico-sociaux", soulignant "l’urgence à agir" notamment pour résoudre la crise de recrutement que connaît le secteur de l’autonomie.

Référence : loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, publiée au Journal officiel du 27 décembre 2023.