PLFSS pour 2024 : "un excédent temporaire" pour la branche Autonomie
Malgré un déficit qui se creuse et qui pourrait atteindre 17,5 milliards d’euros en 2027, le projet de budget de la sécurité sociale présente des économies pour 2024, notamment sur les soins de ville. La branche Autonomie se voit doter de moyens nouveaux, qui seront vite dépensés au regard des mesures prévues pour l’accompagnement à domicile et les établissements. Sur le financement des Ehpad, les départements pourront expérimenter, dès 2025, la section unique soins-dépendance entièrement prise en charge par la sécurité sociale.
Le budget de la sécurité́ sociale serait de 640 milliards d’euros en 2024, selon le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 qui a été dévoilé le 27 septembre 2023. Cela comprend 252 milliards d’euros pour l’assurance maladie, 294 milliards pour les retraites, 58 milliards pour la branche famille et 40 milliards pour l’autonomie.
Le déficit de la sécurité sociale devrait atteindre 8,8 milliards d’euros en 2023 et est estimé à 11,2 milliards pour 2024. La trajectoire financière "reste maitrisée", malgré cette "dégradation" imputable essentiellement à "l’inflation qui engendre des dépenses supplémentaires pour revaloriser les prestations sociales et les retraites", selon le compte-rendu du conseil des ministres du 27 septembre 2023. Selon le dossier de presse présentant le PLFSS pour 2024, "le déficit atteindrait 17,5 milliards d’euros en 2027", cela dans un scénario de "normalisation de l’inflation" à partir de 2025.
Santé : 3,5 milliards d’euros d’économies, un scénario jugé "optimiste"
L’Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est établi à 254,9 milliards d’euros pour 2024, soit "2,8 milliards d’euros supplémentaires par rapport au montant voté au printemps dernier en loi de financement rectificative" pour 2023. L’objectif 2024 comprend 200 millions d’euros au titre des dépenses de crise sanitaire, après une dépense estimée à 900 millions pour 2023 qui est donc "conforme à ce qui était prévu dans le précédent PLFSS". Hors dépenses de crise, la hausse affichée de l’Ondam est de + 3,2% en 2024, après + 4,8% en 2023 selon le Haut conseil des finances publiques (HCFP). A + 4,6%, c’est l’Ondam relatif aux établissements et services pour personnes âgées qui augmente le plus.
Pour réduire le déficit public, "le redressement des comptes sociaux est un impératif", selon le gouvernement qui présente pour 2024 3,5 milliards d’euros d’économies "[passant] notamment par un effort de maîtrise des dépenses de soins de ville et par une responsabilisation de l'ensemble des acteurs". Le HCFP juge ce scénario "optimiste" : "un tel montant d’économies a déjà été atteint par le passé, mais paraît plus difficile à réaliser dans un contexte de tensions, notamment dans le secteur hospitalier et sur l’offre de médicaments", estime-t-il dans son avis sur les projets de lois de finances pour 2024. "L’accent mis sur la prévention en santé doit permettre de poursuivre cette dynamique", justifie le gouvernement.
La réforme du financement des établissements de santé à partir de 2025
A son article 23, ce PLFSS pour 2024 pose les fondements de la réforme du financement des établissements de santé annoncée par le président de la République en janvier 2023 (voir notre article) – réforme "dont l’application se fera pour l’essentiel à compter du 1er janvier 2025". Les activités répondant à des objectifs de santé publique – prévention, coordination des parcours de soins, santé de la femme et de l’enfant… - seront dans ce nouveau cadre financées par des dotations annuelles forfaitaires. Les activités "standard" - chirurgie ou médecine - seront toujours financées selon le modèle de la tarification à l’activité (T2A). Et "les activités de soins aiguës, spécifiques", telles que les urgences, "se verront nouvellement financées par un financement mixte", cela "afin de garantir l’accès aux soins pour ces activités partout sur le territoire et indépendamment du niveau d’activité réalisé".
Le budget 2024 de la Sécurité sociale devrait entériner des revalorisations salariales annoncées en 2023, en particulier le 1,1 milliard d’euros destiné à mieux rémunérer le travail de nuit à l’hôpital (voir notre article).
Branche Autonomie : "un excédent temporaire", vite consommé par les nombreuses dépenses
Dans le PLFSS pour 2024, une dépense de 39,9 milliards d’euros et une recette de 41,2 milliards d’euros sont affichées pour la branche Autonomie. "Comme prévu par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, la branche bénéficiera en effet en 2024 de l’apport d’une fraction supplémentaire de 0,15 point de CSG (soit environ 2,6 milliards d'euros) en provenance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades)", est-il expliqué dans le dossier de presse. "Ce surcroît de recettes, consommé à moitié dès 2024, devrait générer un excédent temporaire, amené à se réduire avec la montée en charge progressive des mesures nouvelles."
Cette hausse des moyens de la cinquième branche doit permettre de couvrir l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) – qui passerait de 1,4 à 1,6 million entre 2021 et 2030, soit + 15% -, la création de 25.000 places de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) de plus d’ici 2030 – pour permettre le "virage domiciliaire" - ou encore les 50.000 nouveaux postes promis pour les Ehpad. Sur ces 50.000 postes, 3.000 devaient être créés en 2023. Autres dépenses à venir pour la branche Autonomie : la mise en place d’ici à 2030 de 50.000 nouvelles solutions médico-sociales pour les personnes en situation de handicap et leurs proches (coût estimé à 1,5 milliards d’euros) et le financement des "deux heures de soutien supplémentaires à domicile par des professionnels, consacrées exclusivement à l’accompagnement et au lien social". Cette mesure entrera en vigueur en 2024, auprès des personnes âgées qui bénéficient d’un plan d’aide à domicile.
Un "service de repérage, de diagnostic et d’accompagnement précoce pour toutes les situations de handicap" sera également créé en 2024 ; le financement annoncé est de 170 millions d’euros sur quatre ans.
Financement des Ehpad : la section unique soins-dépendance expérimentée à partir de 2025
Enfin, suite au rapport de la députée Christine Pirès-Beaune sur le reste à charge en Ehpad (voir notre article), le gouvernement souhaite "ouvrir la voie au transfert de financement des Ehpad vers la branche autonomie". Ainsi les départements volontaires pourront, à partir de 2025, expérimenter une section unique regroupant soins et dépendance et relevant uniquement de la sécurité sociale. "Cette mesure s’accompagnera dans les prochaines lois financières d’un transfert de recettes entre les conseils départementaux concernés et la CNSA" (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), est-il précisé.
"Nous attendons des actes et des décisions fortes en particulier sur la réforme des concours de la CNSA", a réagi François Sauvadet, président de Départements de France, dans un communiqué alertant plus globalement sur le risque, pour les départements, de ne plus "pouvoir faire face" dans un contexte de diminution de leurs ressources et d’"explosion des dépenses sociales".