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Loi Blanquer : toutes les dispositions concernant les collectivités

La loi "pour une école de la confiance" est promulguée. Elle a été publiée au JO du 28 juillet 2019. "Dimension territoriale", instruction obligatoire à 3 ans et formation jusqu'à 18 ans, inscription sur la liste scolaire, rôle de la PMI, formation des Atsem, gratuité, instruction à domicile, école inclusive, établissements publics locaux d'enseignement international... Antisèche : voici toutes les mesures concernant de près les collectivités, dans l’ordre d’apparition dans la loi.

TITRE PREMIER - GARANTIR LES SAVOIRS FONDAMENTAUX POUR TOUS

Chapitre 1 - L'engagement de la communauté éducative

Exemplarité - "L'engagement et l'exemplarité des personnels de l'Éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l'établissement et contribuent au lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l'éducation." Cela ne concerne pas que les enseignants. En effet : "Ce lien implique le respect des élèves et de leur famille à l'égard des professeurs, de l'ensemble des personnels et de l'institution scolaire." Dans "ensemble des personnels", on peut y inclure les Atsem ou encore les personnels de nettoyage. 

Territoriale - Le code de l'éducation imposait que "la répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique et sociale" des élèves. À la dimension "économique et sociale" est ajoutée la dimension "territoriale".

Drapeau - L'emblème national de la République française, le drapeau tricolore, le drapeau européen, la devise de la République et les paroles de l'hymne national sont affichés dans chacune des salles de classe des établissements du premier et du second degrés, publics ou privés sous contrat.

Carte de France - Lorsqu'une carte de France est affichée dans une salle de classe d'un établissement du premier ou du second degré, elle représente les territoires français d'outre-mer.

Formules et formulaires - Les formulaires administratifs destinés aux parents donnent le choix entre les termes "père, mère ou représentant légal" et "tiennent ainsi compte de la diversité des situations familiales". 

Citoyenneté - La formation scolaire favorise l'éducation à l'environnement et au développement durable qui débute dès l'école primaire. Elle a pour objectif de sensibiliser les enfants aux enjeux environnementaux et à la transition écologique.

Endoctrinement aux abords - Les pressions sur les croyances des élèves et les tentatives d'endoctrinement sont interdits dans les écoles publiques et les établissements publics locaux d'enseignement, "à leurs abords immédiats" et pendant toute activité liée à l'enseignement.

Chapitre 2 - L'extension de l'instruction obligatoire aux plus jeunes et l'obligation de formation jusqu'à la majorité

Instruction obligatoire à 3 ans - L'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de 3 ans (au lieu de 6 ans jusqu'à maintenant) et jusqu'à l'âge de 16 ans. Entrée en vigueur à la rentrée scolaire 2019.

Liste scolaire - En cas de refus d'inscription sur la liste scolaire de la part du maire "sans motif légitime" (comme cela peut arriver si l'enfant est Rom, clandestin ou encore SDF), le directeur académique des services de l'Éducation nationale (Dasen), agissant sur délégation du préfet, procède à cette inscription, après en avoir requis le maire. 

Médecine scolaire - Une visite médicale est organisée à l'école pour tous les enfants âgés de 3 ans à 4 ans, en vue de dépister un large spectre de troubles de la santé (les "dys", le surpoids…). Elle est effectuée par les professionnels de santé du service départemental de protection maternelle et infantile (PMI) ou, s'il "n'est pas en mesure de la réaliser", par les professionnels de santé de l'Éducation nationale.

Formation Atsem - Afin d'acquérir une expertise et une culture communes et dans le cadre de l'accomplissement de leurs fonctions, les professionnels intervenant auprès d'enfants de moins de 6 ans bénéficient de modules de formation continue communs. L'expérience acquise par les personnels non enseignants travaillant dans les écoles maternelles peut être validée par VAE (validation des acquis de l'expérience), en vue de l'obtention d'un diplôme national ou d'un titre professionnel. Le contenu des modules de formation et les modalités de cette validation sont fixés par décret. La mise en place de ces modules peut donner lieu à une convention entre l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, l'agence régionale de santé, le département et les communes.

Plan départemental accueil moins de 3 ans - Un plan départemental d'accueil du jeune enfant et de soutien à la parentalité est élaboré conjointement avec le conseil départemental. Son objet est de piloter et favoriser la mutualisation des moyens consacrés à l'accueil des enfants de moins de 3 ans, quel que soit le type de structure où ils sont accueillis, et des dispositifs d'accueil et de soutien à l'intention de leurs parents, notamment au bénéfice des familles vivant dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne

Siestes - L'autorité de l'État compétente en matière d'éducation peut, sur demande des responsables légaux de l'enfant et après avis du directeur de l'école, autoriser un aménagement du temps de présence à l'école maternelle des enfants scolarisés en petite section. Les conditions seront définies par décret.

Gratuité - Il est réaffirmé que "l'enseignement public dispensé dans les écoles maternelles et élémentaires est gratuit". Ce rappel viserait à contrer les demandes déraisonnables de certains enseignants en matière de fournitures scolaires.

Classe unique - La scolarisation des enfants de moins de 6 ans peut être assurée dans des classes maternelles ouvertes dans une école élémentaire. Cette possibilité permet de maintenir des classes uniques allant de la maternelle au CM2.

Formation obligatoire jusqu'à 18 ans - À partir de la rentrée scolaire 2020, la formation sera obligatoire pour tout jeune jusqu'à l'âge de sa majorité. Entre 16 ans (âge de l'instruction obligatoire) et 18 ans, le jeune remplit cette obligation s'il poursuit sa scolarité dans un établissement d'enseignement public ou privé, lorsqu'il est apprenti ou stagiaire de la formation professionnelle ou lorsqu'il occupe un emploi ou effectue un service civique ou bénéficie d'un dispositif d'accompagnement ou d'insertion sociale et professionnelle. Le contrôle est assuré par les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, qui bénéficient à cet effet d'un dispositif de collecte et de transmission des données placé sous la responsabilité de l'État.

Indemnisation aux communes - L'État attribue aux communes "de manière pérenne" les ressources rendues nécessaires par l'abaissement à 3 ans, dès la rentrée scolaire 2019, de l'âge à partir duquel l'instruction est obligatoire. Le montant de l'indemnisation correspond à l'augmentation des dépenses obligatoires prises par la commune concernée, au titre de l'année scolaire 2019-2020 par rapport à l'année scolaire 2018-2019, "dans la limite de la part d'augmentation résultant directement de l'abaissement à 3 ans de l'âge de l'instruction obligatoire". Ces dépenses sont celles qui bénéficient aux écoles publiques et aux établissements d'enseignement privés ayant passé un contrat d'association avec l'État. L'indemnisation par l'État est différente selon que les communes finançaient ou non des classes maternelles avant l'abaissement à 3 ans de l'âge de l'instruction obligatoire.
 
Indemnisation aux communes qui ne finançaient pas de classe maternelle - Ces communes bénéficient d'une compensation financière de l'État correspondant à la totalité des charges résultant de l'abaissement à 3 ans de l'âge de l'instruction obligatoire. 
Indemnisation aux communes qui finançaient déjà une ou plusieurs classes maternelles, publiques ou privées sous contrat. Ce cas concerne les communes qui avaient déjà financé des classes maternelles, soit au sein d'une école élémentaire publique, soit en créant une école maternelle publique, soit en donnant leur accord à la conclusion du contrat liant une école maternelle privée et l'État. Ces communes bénéficient d'une compensation à hauteur des charges résultant de deux situations : l'augmentation du nombre d'élèves scolarisés dans les maternelles déjà existantes et l'obligation de financer les écoles privées dont le contrat d'association n'avait auparavant pas été approuvé par la commune. (Voir aussi la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 2019).

Réévaluation de l'indemnisation - La réévaluation des ressources attribuées par l'État aux communes du fait de l'abaissement à 3 ans de l'âge d'instruction obligatoire, pourra être demandée par une commune au titre des années scolaires 2020-2021 et 2021-2022. 

Période transitoire avant la suppression des jardins d'enfants - L'instruction obligatoire peut être donnée aux enfants de 3 à 6 ans dans les "jardins d'enfants" qui était déjà ouverts à la date d'entrée en vigueur de la loi, par dérogation, et uniquement jusqu'à l'année scolaire 2023-2024.

Déclaration d'instruction - Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation d'instruction (dès 3 ans donc) doivent déclarer au maire mais aussi à l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, qu'elles l'inscrivent dans un établissement. L'État prescrit le contrôle de ces établissements afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte "les normes minimales de connaissances requises" et que les élèves ont accès au "droit à l'éducation".

Chapitre 3 - Le renforcement du contrôle de l'instruction

Contrôle de l'instruction à domicile - L'autorité de l'État compétente en matière d'éducation doit, au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d'instruction par les personnes responsables de l'enfant, faire vérifier, d'une part, que l'instruction dispensée au même domicile l'est pour les enfants d'une seule famille et, d'autre part, que l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction. Si, au second contrôle, les résultats sont toujours jugés insuffisants, l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation met en demeure les personnes responsables de l'enfant de l'inscrire, dans les 15 jours, dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé et de le faire aussitôt connaître au maire. 

Renforcement des sanctions envers les parents - Si les personnes responsables de l'enfant ont refusé deux fois, "sans motif légitime", de soumettre leur enfant au contrôle annuel d'instruction à domicile, l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation est en droit de les mettre en demeure d'inscrire leur enfant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé. Elles sont également avisées qu'elles peuvent faire l'objet de sanctions pénales allant jusqu'à six mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende. Le fait, pour des parents, d'inscrire leur enfant dans un établissement d'enseignement privé hors contrat qui a ouvert sans autorisation, alors qu'ils ont déclaré qu'ils feront donner à cet enfant l'instruction dans la famille, est passible d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. 

Contrôle sur les établissements d'enseignement privé hors contrat - Lorsque l'autorité compétente en matière d'éducation ou le préfet constate que les conditions de fonctionnement d'un établissement d'enseignement privé hors contrat présentent un risque pour l'ordre public, elle met en demeure le directeur de l'établissement d'y remédier. Si le directeur d'établissement privé accueillant des classes hors contrat ne respecte pas la mise en demeure, il peut être puni de six mois d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. En outre, le tribunal peut ordonner à l'encontre de celui-ci l'interdiction de diriger ou d'enseigner ainsi que la fermeture de l'établissement.

Chapitre 4 - Le renforcement de l'école inclusive

Pial et AESH - Le texte prévoit la mise en place des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial, voir aussi notre article "École inclusive : les Pial entrent en scène" du 11 juin 2019) et des mesures en faveur des accompagnants d'élèves en situation de handicap. Les AESH sont désormais recrutés par contrat de trois ans renouvelable une fois avant un CDI. Dans chaque département, le Dasen nomme un ou plusieurs AESH référents. 

Suivi - Les équipes de suivi de la scolarisation des élèves handicapés créées dans chaque département peuvent associer le représentant de la collectivité territoriale compétente (mais ce n'est pas obligatoire). 

Prise en compte dans les effectifs - Les élèves en situation de handicap sont comptabilisés dans les effectifs scolarisés.

Construction et réhabilitation - Lorsque la construction ou la réhabilitation d'une école maternelle ou élémentaire d'enseignement public est décidée, le conseil municipal tient compte, pour le projet de construction ou de réhabilitation, des recommandations pour une école inclusive de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement. Il en est de même du conseil départemental pour la construction ou réhabilitation de collèges publics et du conseil régional pour les lycées.

 

TITRE II - INNOVER POUR S'ADAPTER AUX BESOINS DES TERRITOIRES

Chapitre 1 - L'enrichissement de l'offre de formation et l'adaptation des structures administratives aux réalités locales

Création des établissements publics locaux d'enseignement international (EPLEI)

Enseignements en langues françaises et étrangères de la maternelle au lycée - Les EPLEI dispensent tout au long de la scolarité des enseignements en langue française et en langue vivante étrangère. Ils regroupent école, collège et lycée. Ils ont pour vocation de délivrer des diplômes binationaux ou européens, ils peuvent également accueillir des élèves préparant les diplômes nationaux du brevet et du baccalauréat classique "sous réserve que l'effectif de ces élèves n'excède pas une proportion fixée par décret". 

Une initiative des collectivités - Les EPLEI sont créés par arrêté préfectoral sur proposition des collectivités compétentes (communes pour l'école, département pour collège, région pour lycée) et EPCI, après conclusion d'une convention et après avis de l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation. La convention fixe la répartition des charges entre les collectivités signataires, notamment celles liées à la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement de l'EPLEI et des dépenses de personnels autres que Éducation nationale. La convention fixe également les conditions dans lesquelles, lorsqu'elle prend fin, les biens de l'établissement sont répartis entre les collectivités signataires. 

Collectivité de rattachement - La collectivité de rattachement, déterminée par la convention, assure les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement de l'ensemble de l'établissement ainsi que le recrutement et la gestion des personnels autres que Éducation nationale. 

Intervention de l'État - En l'absence d'accord entre les signataires sur le contenu de la convention, soit lors de son renouvellement, soit à l'occasion d'une demande de modification de l'un d'entre eux, le représentant de l'État fixe la répartition des charges entre les signataires (en prenant en compte les effectifs scolarisés dans les classes maternelles, élémentaires, de collège et de lycée) et désigne la collectivité de rattachement jusqu'à la nouvelle convention.

Gouvernance de l'EPLEI - L'EPLEI est administré par un conseil d'administration comprenant, outre le chef d'établissement (désigné par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation), 26 à 34 membres dont : un tiers de représentants des collectivités signataires de la convention et une ou plusieurs personnalités ; un tiers de représentants élus du personnel de l'établissement ; un tiers de représentants élus des parents d'élèves et des élèves.

Mixité sociale en EPLEI - L'autorité de l'État compétente en matière d'éducation affecte dans l'EPLEI les élèves qui ont satisfait à "une vérification d'aptitude", et cela "en veillant à la mixité sociale des publics scolarisés".

Sport en EPLEI - Une association sportive est créée dans tous les EPLEI.

Chapitre 2 - Le recours à l'expérimentation

Les collectivités associées - Les collectivités territoriales sont systématiquement associées à la définition des grandes orientations des expérimentations menées par l'Éducation nationale ainsi qu'à leurs déclinaisons territoriales. Ces expérimentations peuvent concerner "l'organisation pédagogique de la classe, de l'école ou de l'établissement, la liaison entre les différents niveaux d'enseignement, la coopération avec les partenaires du système éducatif, l'enseignement dans une langue vivante étrangère ou régionale, les échanges avec des établissements étrangers d'enseignement scolaire, l'utilisation des outils et ressources numériques, la répartition des heures d'enseignement sur l'ensemble de l'année scolaire, les procédures d'orientation des élèves et la participation des parents d'élèves à la vie de l'école ou de l'établissement".