Loi Biodiversité : le bilan des députés, deux ans après
Un rapport d'information présenté le 20 juin à l'Assemblée nationale a procédé à un suivi précis de la mise en œuvre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages d'août 2016. Son application est-elle à jour ? Quel avenir pour l'Agence française pour la biodiversité (AFB) ? La séquence "éviter, réduire, compenser" (ERC) gagne-t-elle en maturité ? Pour continuer d'avancer, une quarantaine de pistes et recommandations sont livrées.
L'été 2016 vit un événement jamais réalisé depuis trente ans : "Un nouveau grand texte sur la protection de la nature, une loi importante qui compte parmi ses mesures phares la création d'une Agence française pour la biodiversité (AFB) et pour laquelle le ministère de la Transition écologique et solidaire a pris l'ensemble des mesures d'application qui lui incombait", resitue la députée LR de la Réunion Nathalie Bassire. Avec sa collègue députée LREM de la Charente-Maritime Frédérique Tuffnell, les deux parlementaires ont auditionné à tour de bras et passé en revue les 174 articles de cette loi qui nécessita à l'époque deux ans et demi de débat parlementaire.
Leur rapport d'information (prochainement mis en ligne ici) a été présenté et examiné le 20 juin par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. Les mesures d'application non mises en œuvre sont rares. Le ministère de la Transition écologique et solidaire a fait le job et pris à temps les arrêtés et décrets prévus. Par exemple en actant les modifications introduites par la loi au régime des parcs naturels régionaux (PNR), simplifié par la voie d'un décret publié l'été dernier (voir notre article du 13 juillet 2017). Ou en créant un nouvel outil de partenariat entre l'État et les collectivités (voir notre article du 29 mars 2017 sur ces établissements publics de coopération environnementale).
Tout n'est pas opérationnel
L'application de deux articles du titre V portant sur l'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, en vue d'assurer un partage juste et équitable des avantages économiques qui en sont retirés (dispositif "APA"), se fait attendre. "Ce dispositif n'est pas opérationnel et reste méconnu. Le travail interministériel doit être amélioré. Et une doctrine émerger pour que les acteurs scientifiques et économiques puissent se l'approprier", précise Nathalie Bassire. Le texte consacrait aussi la notion de préjudice écologique par son inscription dans le code civil, dans le sillage de la jurisprudence née de la catastrophe de l'Erika (article 4). Les rapporteures recommandent dans le cadre des jugements à venir d'attacher une importance particulière à la désignation des experts judiciaires par le juge et de renforcer la formation des magistrats en droit de l'environnement.
Vers une intégration de l'ONCFS dans l'AFB
Lors de la préparation de la loi, les débats sur la cohérence dans l'exercice des missions de police environnementale et la répartition des rôles entre l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et la nouvelle AFB étaient tendus. Le rapprochement de leurs services territoriaux est toujours d'actualité. Une mission d'audit CGEDD/IGF est en cours et parmi les scénarios étudiés figure la fusion des établissements. L'option semble crédible pour certains. Préserver la légitimité acquise sur le terrain par ces établissements et leurs agents n'est pas le seul enjeu. "L'enjeu est aussi budgétaire. Le cadre est très contraint, une optimisation des actions menées en matière de police et la création de synergies s'imposent", défend Frédérique Tuffnell. Par ailleurs, les députées estiment impératif d'augmenter "dès 2019" les moyens financiers et humains alloués à l'AFB, qui finalise pour la fin d'année son contrat d'objectifs et de performance (COP). "Sans cet effort elle ne pourra guère longtemps assumer ses missions." Au niveau régional, elles incitent à accélérer la mise en œuvre des agences régionales de la biodiversité (ARB) et à "veiller à ce que les travaux en matière de gouvernance au niveau régional ne constituent pas un frein au déploiement d'actions concrètes".
Renflouer les agences de l'eau
Leur rapport s'attache en outre à mettre en évidence le manque de ressources des six agences de l'eau et propose de réorienter la fiscalité affectée à ces établissements publics, en agissant sur la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau et sur celle pour pollution de l'eau d'origine domestique. "Appliquons plus directement à cette fiscalité le principe de pollueur-payeur. Et poursuivons la réflexion sur l'instauration d'une nouvelle redevance pour atteintes à la biodiversité terrestre", suggèrent les deux députées à l'approche des prochains débats sur le budget et le vote de la prochaine loi de finances. La dernière avait acté la baisse du plafond des recettes affectées à ces agences ; les députées proposent de le relever à 2,3 milliards d'euros.
Compensation écologique : plus d'exigence
Leur suivi porte pour finir sur la compensation des atteintes à l'environnement (titre VI) et la séquence "éviter, réduire, compenser" (ERC, article 69). Pour Nathalie Bassire, dans ce triptyque, les mesures d'évitement et de réduction restent insuffisamment explorées. Le rapport suggère ainsi de renforcer le niveau d'exigence (et les effectifs) des services instructeurs dans l'étude des dossiers en matière d'évitement et de réduction, de permettre une spécialisation voire un agrément des bureaux d'études en matière de compensation pour garantir la qualité des études d'impacts fournies, de développer les formations sur la démarche ERC et de généraliser les comités de suivi des mesures de compensation.