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Habitat - Locataires étudiants ou apprentis : retour de la caution pour tous ?

Qu'ils aient souscrit ou non une assurance contre les risques d'impayés, les propriétaires peuvent de nouveau demander à leurs locataires étudiants ou apprentis qu'un proche se porte caution pour eux. Et ce, depuis le 25 novembre, date de la publication au Journal officiel de la loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. Une décision qui intervient moins de six mois après l'adoption de la loi Boutin qui avait supprimé pour certains propriétaires la possibilité de demander une caution.

 

Une volonté présidentielle d'aider "les jeunes ménages et les salariés précaires"

Petit préalable de vocabulaire tout d'abord : il faut distinguer caution et dépôt de garantie. On parle de caution lorsqu'une personne physique ou morale s'engage à payer le loyer d'un locataire, dans le cas où celui-ci ne peut faire face au paiement de sa dette. A distinguer du dépôt de garantie, somme d'argent qui sert à couvrir les éventuels manquements du locataire à ses obligations locatives, qui, depuis la loi du 8 février 2008, ne peut être supérieure à un mois de loyer. Les modifications législatives présentées ci-dessous concernent uniquement les cautions.

Origine des réformes : le discours présidentiel du 11 décembre 2007 de Vandoeuvre-lès-Nancy. Nicolas Sarkozy y affirmait sa volonté que "s'établisse un nouveau contrat de confiance entre les propriétaires et les locataires".  Il constatait que "pour un jeune ménage ou pour un salarié précaire", l'obligation de déposer une garantie d'un montant élevé et de présenter une caution "pouvaient constituer un obstacle à l'accès au logement". Il affirmait ensuite : "Je souhaite que soit mise en oeuvre une assurance contre les risques d'impayés de loyers qui concernent l'ensemble des propriétaires et des locataires. En mutualisant les risques pour tous, on en réduira le coût pour chacun. La caution pourra disparaître. Elle n'aura plus de raisons d'être."

 

Loi Boutin : soit la caution, soit l'assurance

Traduction législative de ces objectifs : la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (Molle ou loi "Boutin"). Si elle a bien créé un "fonds de garantie universelle des risques locatifs" (art.8), la loi n'a pas interdit toutes les cautions. Son article 55 interdit uniquement aux bailleurs ayant souscrit une assurance contre les loyers impayés, de demander une caution aux candidats à la location. Suppression des cautions donc uniquement pour une partie des propriétaires.
Outre cette règle, la loi Molle a posé, pour les bailleurs personnes morales, dont les organismes HLM, une deuxième obligation : s'ils n'ont pas souscrit d'assurance, les cautions qu'ils demandent ne peuvent être apportées que par des organismes appartenant à une liste fixée par l'Etat. Plus question donc pour ces bailleurs de demander la caution des parents. Une seule exception : ils peuvent demander aux étudiants non boursiers tout type de caution.

 

Etudiants et apprentis : retour de la caution

Six mois après cette construction législative, les parlementaires ajoutent une brique à l'édifice. L'article 39 de la loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle prévoit que les bailleurs, quel que soit leur statut, ne seront plus soumis à l'alternative caution ou assurance "en cas de logement loué à un étudiant ou un apprenti".  Cet amendement, introduit par le sénateur Dominique Braye (UMP) le 23 septembre 2009, a reçu le soutien du gouvernement. Le sénateur a soutenu son amendement par l'argumentation suivante : actuellement, les sociétés d'assurance ne couvrent les risques d'impayés que pour les locataires ayant des ressources 3 fois supérieures au loyer. Comme les étudiants ont généralement des ressources très faibles, ils ne peuvent pas accéder au parc détenu par des propriétaires souhaitant prendre une assurance. Donc, pour que les étudiants puissent accéder à tout le parc locatif, il suffit de permettre à tous les propriétaires, avec assurance ou non, de demander une caution. Bref, pour ces jeunes, retour à la case départ : caution possible quel que soit le logement, quel que soit le propriétaire. 

 

Garantie universelle des risques locatifs : mise en oeuvre "en 2010"

Dans un communiqué publié le 26 novembre 2009, l'UFC-Que choisir pointe les effets pervers de ces différentes réformes. Sans proposer de solution clé en main à Benoist Apparu,  l'association lui demande de prendre "les indispensables mesures législatives et réglementaires de correction permettant de rétablir l'accès au parc locatif des personnes à faibles revenus". Elle s'inquiète notamment  de la généralisation des systèmes d'assurance qui exclut les plus modestes d'une partie du parc locatif.

Cette prise de position intervient alors que se prépare la mise en oeuvre de la garantie universelle des risques locatifs. Un fonds, géré par le 1%, aidera les propriétaires à garantir le paiement de leurs loyers, soit directement, soit via un organisme d'assurance (voir notre article du 5 octobre). Les propriétaires devraient être assurés de toucher des loyers, même si leur montant atteint la moitié des ressources du locataire. En dépit des débats sur l'abondement du fonds entre 1% et Etat, et du retard dans la parution des textes d'application, la mesure devrait bien voir le jour. Elle constitue même la proposition n°17 du plan de Benoist Apparu  pour l'hébergement des sans-abri présenté le 10 novembre 2009 : "Pour favoriser l'accès au logement des populations modestes, il faut s'efforcer de sécuriser les propriétaires contre les risques d'impayés et éviter aux locataires d'avoir à fournir la caution de tiers. La garantie des risques locatifs (GRL) permettra, à partir de 2010, d'apporter une réponse à travers la mise en place d'un dispositif assurantiel" (dossier de presse, p.18). Reste à répondre à trois questions : quel dispositif sera effectivement mis en oeuvre? De quelles ressources disposera le fonds ? Et une question subsidiaire : la disparition de l'adjectif "universel" dans la présentation ministérielle est-elle un simple oubli ? Réponse probable à toutes ces questions dans les prochaines semaines.

 

Hélène Lemesle

 

Références : loi 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion; loi 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

 

 

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