L'Observatoire de la laïcité remet son 4e rapport annuel
L'Observatoire de la laïcité a publié mardi 4 avril son rapport annuel 2016-2017. S'il relève une "sensibilité toujours très forte" autour du fait religieux dans le contexte de la période pré-électorale, l'Observatoire n'en considère pas moins que "les contestations du principe de laïcité apparaissent mieux contenues". Il salue également les actions de sensibilisation mises en place à l'intention des agents publics.
"Les contestations du principe de laïcité apparaissent mieux contenues", malgré une "sensibilité toujours très forte" autour du fait religieux. Tel semble être l'un des principaux enseignements du quatrième rapport annuel de l'Observatoire de la laïcité (ODL). Rendu public mardi 4 avril, il porte sur 2016-2017. Fort de près de 450 pages, ce rapport est le fruit des travaux des membres de l'Observatoire, en collaboration avec les administrations concernées et les acteurs de terrain. Comme le précédent, il contient notamment un état des lieux du respect du principe de laïcité en France dans différents secteurs, un rappel du cadre législatif et réglementaire en matière de laïcité, le suivi des mesures mises en œuvre avec les différents ministères, et la version réactualisée des quatre guides pratiques rédigés par l'Observatoire (Laïcité et collectivités locales, Laïcité et gestion du fait religieux dans les structures socioéducatives, Gestion du fait religieux dans l'entreprise privée, Laïcité et gestion du fait religieux dans les établissements publics de santé).
Instrumentalisation d'un "principe fondamental"
"Il est courant, dans le débat public, d'entendre parler de laïcité à tort et à travers", déplore en introduction Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire, dont le mandat vient d'être récemment renouvelé. L'ancien ministre s'inquiète d'une "instrumentalisation dangereuse et trop courante" de ce concept, "principe fondamental de la République". En effet, la laïcité "ne peut pas répondre à tous les maux de la société", qu'il s'agisse "de la ghettoïsation de certains quartiers" ou "de la perte de repères et de confiance dans l'avenir". Pour lutter contre le repli communautaire qui se manifeste dans différents territoires, "il ne suffit pas de convoquer le principe de laïcité et de dénoncer les discriminations ou la ghettoïsation". Il faut "combattre celles-ci par des politiques publiques beaucoup plus vigoureuses que cela n'a été le cas jusqu'ici" et "faire respecter l'État de droit, partout sur le territoire", martèle le rapport.
Un effort considérable de formation
Le rapport insiste sur l'effort considérable de formation en matière de laïcité accompli par l'ODL et l'administration. Il rappelle ainsi que 150.000 enseignants ont déjà été formés ou sensibilisés à la laïcité, et que l'ODL continue le travail mené avec le ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), afin de compléter les modules de formation et les kits pédagogiques à l’usage de tous les acteurs de terrain. Par ailleurs, d’ici à la fin de cette année, 20.000 acteurs de terrain (issus des fédérations sportives et d’éducation populaire, écoles du travail social ou associations des quartiers prioritaires de la politique de la Ville) devraient avoir été formés dans le cadre du plan "Valeurs de la République et Laïcité" et 10.000 acteurs supplémentaires le seront chaque année suivante. L'ODL salue enfin les mesures arrêtées par la ministre Annick Girardin en matière de laïcité et neutralité dans les services publics, suite à la remise du rapport de la commission "Laïcité et fonction publique" (voir ci-dessous nos articles du 12 décembre 2016 et du 29 mars 2017).
Financement des édifices de culte
En raison "des difficultés qu’elle peut poser à un certain nombre d’élus locaux et d’associations ainsi que des nombreuses questions qu’elle suscite dans le débat public", l’Observatoire a souhaité émettre un avis sur la question de la construction et de la gestion des édifices du culte en France. Dans cet avis, paru fin 2016, l'ODL demande notamment "le renforcement de la transparence des financements" des associations ayant un objet cultuel à travers un contrôle financier effectif par l’administration fiscale, l’extension des obligations de contrôles financiers aux associations loi 1901 qui ont des activités cultuelles, la dissociation entre les activités cultuelles et les autres. Il invite également à donner la possibilité aux associations de racheter des baux emphytéotiques administratifs (BEA) pour ne pas transférer obligatoirement aux collectivités locales la charge future de l’entretien des lieux de culte concernés, et à étendre la garantie d’emprunt que peut accorder une collectivité locale pour le financement d’un lieu de culte.
"Une préoccupation concrète pour les élus locaux et leurs administrés"
Le rapport revient ensuite sur les initiatives locales en faveur de la promotion de la laïcité. Il relève que si les collectivités territoriales sont des acteurs locaux "très impliqués" sur le sujet, les actions menées ont souvent pour thème les valeurs de la République et ne ciblent pas uniquement le principe de la laïcité. Les mobilisations apparaissent "inégales" selon les collectivités mais certaines montrent "un fort niveau d’engagement sur la question". La thématique de la laïcité semble devenir, de manière générale, "une préoccupation très concrète, tant pour les élus locaux que pour leurs administrés", notent les rapporteurs.
En Haute-Garonne, le rapport salue ainsi le travail accompli par l’instance consultative créée en 2014, "Toulouse-Fraternité – Conseil de la laïcité", sur différents sujets tels que la question de la mise à disposition des salles municipales à des associations cultuelles ou celle des menus dans les cantines scolaires. Le Conseil départemental, particulièrement engagé sur le sujet de la laïcité, a pour sa part, mis en place en 2016 un "parcours laïque et citoyen" qui a proposé plus de 160 actions aux 30.000 élèves de 4e et de 3e du département, destiné à être étendu à la rentrée 2017 à l’ensemble des collégiens du département.
Comme pour ses trois premiers rapports, l'Observatoire a enfin auditionné les responsables des principales religions en France. "Le constat global de ces auditions témoigne de la crainte renouvelée d'une extension du domaine de la neutralité", avec "un risque pour la liberté d'expression des convictions individuelles", ainsi que "d'un recours contreproductif à d'éventuelles nouvelles lois 'd'émotion'", avertit-il.
L'Observatoire de la laïcité émet des réserves sur la charte de la laïcité de l'Île-de-France
L'Observatoire de la laïcité, qui dépend de Matignon, a émis lundi 27 mars des réserves sur la charte de la laïcité adoptée par la région Île-de-France, relevant une "concentration sur les seuls interdits" au risque d'une "mauvaise compréhension" de ce principe. La collectivité présidée par Valérie Pécresse (LR) avait adopté le 9 mars une "charte régionale des valeurs de la République et de la laïcité" qui s'appliquera aux agents de la région et aux associations subventionnées. Le texte avait suscité des débats houleux dans l'hémicycle, l'opposition de gauche dénonçant une "vision orientée de la laïcité", sur fond de polémiques récurrentes sur la place de l'islam et les revendications communautaires. Le groupe écologiste a saisi par courrier l'Observatoire de la laïcité, qui a donc rédigé des "observations".
L'instance présidée par l'ancien ministre socialiste Jean-Louis Bianco, si elle "salue la démarche initiée par le conseil régional d'Île-de-France", émet des "remarques" de fond sur chacun de ses sept articles. Le rappel des règles "occulte les libertés pour se concentrer uniquement sur les interdits", regrette l'observatoire, qui note en outre une "confusion" entre "les règles relevant du principe de laïcité et celles découlant de nombreux autres champs, tels que les valeurs du sport ou la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes". Cette charte peut, "de par sa rédaction mêlant plusieurs champs et de par sa concentration sur les seuls interdits qui s'inscrivent dans le cadre laïque, faire craindre une mauvaise compréhension de la laïcité de la part de ceux qui en seront destinataires", estime l'instance.
AFP