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Assises de l'Amif - L'Ile-de-France cherche sa place dans la nouvelle péréquation financière

L'Ile-de-France va-t-elle bénéficier elle aussi de la péréquation financière qui va être organisée entre les communes ? La région la plus riche de France ne va-t-elle pas être "déshabillée" au profit de la province ? En organisant, le 6 avril dans le cadre de ses assises, un débat sur les solidarités financières, l'Association des maires d'Ile-de-France n'a pas craint d'aborder les questions qui divisent.

L'Ile-de-France tient une place à part au sein du débat sur la péréquation financière. Un fonds de solidarité des communes (le FSRIF) y existe depuis 1991. En 2011, ce fonds a redistribué quelque 190 millions d'euros des communes riches d'Ile-de-France vers les communes défavorisées de la région. En créant un fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales, appelé à fonctionner à partir du 1er janvier 2012, la loi de finances promulguée fin 2010 n'a pas remis en cause le FSRIF. Celui-ci se trouve conforté et ses ressources doivent même progresser de 50% d'ici 2015. Les élus franciliens ont salué cette décision. "Nous sommes tous d'accord pour que subsiste ce dispositif spécifique, car c'est en Ile-de-France que les écarts de richesses sont les plus importants en France, et parce que les inégalités n'ont ici pas été en partie réglées par l'intercommunalité comme dans le reste de la France", explique Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de la commission des finances de l'Association des maires de France (AMF). Mais l'existence d'un fonds régional de solidarité n'exempte pas l'Ile-de-France d'une participation au fonds national de péréquation en cours de création. C'est à cette conclusion que le législateur est parvenu lors du débat sur la loi de finances pour 2011. La question de l'articulation entre les deux dispositifs de péréquation est néanmoins posée, pointe Eric Jalon, directeur général des collectivités locales au ministère de l'Intérieur.
Les élus franciliens seront particulièrement attentifs à cette question. Car pour eux, il ne faudrait pas "déshabiller l'Ile-de-France pour habiller la province". Philippe Laurent rappelle ainsi que la région capitale verse cette année 191 millions d'euros au nouveau fonds de péréquation sur les droits de mutation. Un effort important qui va bénéficier aux départements de province, auquel demain vont s'ajouter les prélèvements du fonds national de péréquation.

"Pas des philanthropes"

Pour être bien acceptée par les collectivités, la péréquation ne doit pas faire trop mal au portefeuille. Ce principe guide la réflexion de Philippe Laurent. Le maire de Sceaux prône un système de péréquation "souple, progressif, qui commence doucement", auquel, donc, un grand nombre de collectivités participeraient, autant du côté des contributeurs que des bénéficiaires. La redistribution des richesses entre les collectivités ne permettra pas de "régler les difficultés des territoires abîmés. Pour cela, il faut une DSU [dotation de solidarité urbaine, ndlr] mieux ciblée". Mais elle va rapprocher les niveaux de richesses des collectivités. C'est ce schéma qu'il a proposé à ses collègues des autres associations d'élus locaux, avec lesquels il entend parvenir à une position consensuelle. Une position qui pourrait ainsi être suivie par le législateur au moment de l'examen de la loi de finances pour 2012. "C'est une démarche nouvelle, car il y a une concertation forte", s'enthousiasme le maire de Sceaux.
Pascal Buchet, maire de Fontenay-aux-Roses et rapporteur de la commission des finances de l'AMF, est dubitatif. Pour lui, l'Etat ne devrait pas laisser les élus locaux s'occuper de péréquation, car ceux-ci "ne sont pas des philanthropes". Il en déduit que "la 'péréquation horizontale' ne sera pas à la hauteur des attentes d'une France décentralisée". Pour Pascal Buchet, il revient à l'Etat de "donner une impulsion" en doublant au minimum l'effort de péréquation sur les dotations, effort qui s'élève selon lui actuellement à 10%. Il faudrait, enfin, une péréquation fondée sur les "stocks".
Alain Audoubert, maire de Vitry-sur-Seine, est lui aussi critique, dénonçant une "large concertation sur la péréquation qui se fait sans les populations". "Parlez-leur de péréquation horizontale ou verticale, ils vont vous prendre pour des fous. La question, c'est celle des besoins des populations", s'emporte-t-il. En rappelant que la véritable préoccupation des maires en ce moment concerne le montant des ressources de leurs collectivités. "C'est la première fois que je vois autant d'incertitude sur les budgets locaux. C'est extrêmement grave", témoigne-t-il.