L'idée de conditionner davantage les fonds européens aux réformes structurelles se confirme
Les auditions des candidats aux postes de commissaires européens démarreront la semaine prochaine. Mais on connait déjà, dans les réponses qu'ils ont apportées aux questions des députés, les grandes lignes des politiques qu'ils entendent mener. Les candidats à la politique régionale et au budget confirment une inclination forte de la future Commission à conditionner les versements des fonds européens à des jalons à atteindre, sur le modèle du plan de relance européen.
C'est à partir du 4 novembre que les futurs commissaires européens seront auditionnés au Parlement européen pour faire valider leur candidature. Mais on sait déjà les idées qu'ils vont y défendre. En effet, en prévision de leur grand oral, les candidats devaient répondre par écrit à des questions posées par les députés. Ces réponses ont été publiées la semaine dernière. On savait la volonté d'Ursula von der Leyen de conditionner davantage le versement des fonds européens aux réformes structurelles en prenant comme modèle la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), pilier du plan de relance européen NewtGenerationEU, en vue du prochain cadre financier pluriannuel 2028-2034. Les craintes exprimées par de nombreux élus sont plus que jamais à l'ordre du jour, comme le confirment la réponse du candidat à la politique régionale et aux réformes, l'Italien Raffaele Fitto et celle de son homologue au budget, le Polonais Piotr Serafin.
Des réformes "soigneusement alignées avec les réalités régionales"
Alors que l'hypothèse d'un commissaire dédié à la politique régionale n'était pas acquise il y a quelques mois encore, Raffaele Fitto se veut d'emblée rassurant, considérant "la politique de cohésion comme un pilier fondamental du projet européen". "La politique de cohésion continuera de soutenir toutes les régions, avec une attention particulière pour les moins développées d'entre elles", insiste-t-il, rappelant son expérience dans le gouvernement de Giorgia Meloni. L'ancien ministre des Affaires européennes italien avait en effet un portefeuille large, incluant le "Sud", les politiques de cohésion et la supervision du Plan national de relance et de résilience (PNRR), dont l'Italie est le premier bénéficiaire. Or à cet égard, il voit plutôt d'un bon œil le fait de "lier le Semestre européen et le versement des fonds européens" comme cela s'est fait avec la FRR où chaque versement est conditionné à des cibles et jalons à atteindre. Sans quoi, les fonds sont bloqués. Pour autant, l'Italien s'oppose à toute recentralisation qu'un tel mode de gestion pourrait engendrer. "Je veillerai à ce que les réformes soient soigneusement alignées avec les réalités régionales et que la politique de cohésion reste un moteur de croissance et de convergence pour toutes les régions, en améliorant la productivité, la compétitivité et l'innovation, sans laisser aucune région de côté", souligne-t-il, précisant vouloir maintenir "un dialogue étroit avec toutes les autorités régionales et locales afin d'identifier tout obstacle à l'accès aux fonds européens". "J'accorderai une attention particulière à ce que ces autorités soient au coeur, à la fois au niveau de la conception et de la mise en œuvre."
Le candidat soutient par ailleurs l'idée d'un "Agenda politique pour les villes". Ces dernières devant faire face à des défis tels que l'accès à un logement abordable, les problèmes de congestion et plus généralement d'environnement, liste-t-il. Pour ce qui est de la ruralité, sa priorité va à la pleine utilisation d'outils existants, tels que la vision à long terme pour la ruralité, le plan d'action rural et le pacte rural.
"Des programmes moins nombreux et plus ciblés"
Seulement rien de tout cela ne sera possible sans les financements qui vont avec. Or, l'équation va devenir de plus en plus compliquée pour la politique de cohésion avec la montée en puissance de nouvelles priorités. Dans ses réponses, le candidat au budget Piotr Serafin dit vouloir défendre un budget qui place "la défense et sécurité, la prospérité et la compétitivité durables, la démocratie et l'équité sociale" en tête de ses priorités. Ce qui implique "des programmes moins nombreux et plus ciblés". Il entend ainsi proposer à chaque Etat un plan "liant les réformes clés à un investissement ciblé dans lesquelles l'action de l'UE est la plus nécessaire".
L'aspirant commissaire appelle lui aussi à tirer les leçons de l'expérience de NextGenerationEU. "La FRR et les conditions d’éligibilité dans le cadre de la politique de cohésion ont montré comment le budget de l’UE peut promouvoir des réformes qui renforcent l’Etat de droit dans les Etats membres", insiste-t-il.
Pour autant, lui aussi assure vouloir promouvoir "une politique de cohésion et de croissance renforcée avec les régions au Centre, conçue en partenariat avec les autorités nationales, régionales et locales". Pas sûr que cela suffise à convaincre les élus. Lors du dernier congrès des régions à Strasbourg, le Français Younous Omarjee vice-président du Parlement avait déclaré qu'appliquer les règles de la FRR à la politique de cohésion serait "une erreur grave et profonde".