Les régions veulent être au rendez-vous des grands enjeux européens
Le choix de la capitale européenne, Strasbourg, pour accueillir le 20e congrès des régions, les 25 et 26 septembre, était de circonstance après les récentes élections et à l'aube d'échéances importantes pour l'Union européenne : nouveau mandat et préparation du futur cadre financier pluriannuel 2028-2025. Celui-ci sera marqué par de nouvelles priorités et le remboursement de l'emprunt du plan de relance. La bataille pour la sauvegarde de la politique de cohésion se joue dès maintenant, ont prévenu plusieurs intervenants.
"Nous voulons plus d'Europe, mieux d'Europe. (…) Il est absolument nécessaire que les pro-européens soient unis." La présidente de Régions de France, Carole Delga, s'est livrée à un plaidoyer pour l'Europe des régions, le 26 septembre, dans le palais de la musique de Strasbourg qui accueillait le 20e congrès de l'association. Congrès qui avait d'ailleurs pour thème "Europe, l'heure des régions, faire plus simple, voir plus loin", à un moment charnière avec la constitution du Parlement issu du scrutin de juin et d'un nouveau collège de commissaires qui seront auditionnés par les députés en octobre. Nouveau collège, nouveau mandat, nouvelles priorités… et nouvelles échéances avec la préparation du prochain cadre financier pluriannuel 2028-2035 que la Commission présentera en juin 2025. Tous les sept ans, ce rendez-vous est l'objet de bien des conjectures sur l'avenir des deux premières politiques de l'UE, qui occupent encore plus de 60% du budget : la politique de cohésion, chère aux régions, et la politique agricole commune. C'est plus vrai encore, cette fois-ci, avec le nouvel élan qu'Ursula von der Leyen souhaite donner à certaines politiques, comme la Défense qui, pour la première fois, fait l'objet d'un portefeuille attribué au Lituanien Andrius Kubilius (Défense et Espace), dans le contexte de la guerre en Ukraine. Toutefois, les engagements pris par la présidente de la Commission devant le Parlement en juillet, en faveur d'"une politique de cohésion forte, conçue en partenariat avec les régions et les pouvoirs locaux" ont pu rassurer (voir notre article du 18 juillet). Ces engagements se sont traduits par la nomination d'un commissaire à la politique régionale et aux réformes, l'Italien Raffaele Fitto. Ce qui n'était pas gagné d'avance (voir notre article du 24 juin).
Mais "la politique de cohésion se présente à la table des négociations en très mauvais état", a prévenu le directeur général adjoint de la DG Regio, Nicola de Michelis. À mi-parcours de la programmation actuelle, "le niveau de dépense moyen est de 3% en Europe" et 25% des engagements ont été contractualisés, a-t-il indiqué. Le pression sur le budget européen sera "gigantesque", avec les financements à trouver pour les nouvelles priorités et le remboursement, à partir de 2028, de l'emprunt de 390 milliards d'euros contracté dans le cadre du plan de relance ! Les grandes politiques (cohésion et PAC) "risquent d'être les variables d'ajustement", a-t-il annoncé.
Ne pas opposer compétitivité et cohésion
Les régions françaises, elles, veulent assurer de leur bonne gestion. 99,3% de l'enveloppe de la précédente programmation a été consommée, ont-elles martelé. Et la présidente de Bourgogne-France-Comté, Marie-Guite Dufay, a indiqué que 68% de l'enveloppe 2021-2027 était consommée chez elle. Elle a cependant dénoncé une organisation "trop rigide" et demandé de la simplification. Quoi qu'il en soit, le responsable de la DG Regio a exhorté les régions à "accélérer" pour arriver en position de force aux négociations, sans fermer la porte à d'éventuelles réformes. "On peut être plus exigeant, être sûr de démontrer que cela contribue aux priorités européennes."
À Bruxelles, on planche aussi sur la gouvernance de cette politique. Et la volonté de s'inspirer du plan de relance européen qui conditionnait les versements à des cibles et jalons, constituant autant de réformes à entreprendre, fait craindre une "recentralisation". Ce qui irait à l'encontre des préconisations du groupe de haut niveau remises à la Commission au mois de février (voir notre article du 23 février). Avant le récent rapport Draghi (voir notre article du 10 septembre), ces experts s'inquiétaient du décrochage économique de l'UE, mais plus encore de certaines régions, appelant à accentuer les efforts sur ces dernières. "Certains ont tendance à vouloir opposer compétitivité et cohésion. C'est une fausse opposition", a réagi Nicola de Michelis. "Comment la compétitivité agrégée de l'Union pourrait être améliorée avec 60 millions d'Européens qui vivent dans des territoires dont le PIB est pire que celui de 2000 ?", a-t-il questionné.
Un comité État-régions à l'automne
Un avis partagé par le nouveau vice-président du Parlement, le Français Younous Omarjee. Caler la mise en œuvre de la politique de cohésion sur les règles du plan de relance serait une "erreur grave et profonde", a-t-il dénoncé. "Partout les europhobes ont progressé. Ce sont ceux qui, au Conseil, militent pour la reconcentration et la recentralisation des fonds", a-t-il expliqué. Le député réunionnais invite aussi les régions à se faire entendre auprès des députés avant les auditions des commissaires. "Nous devons continuer à faire pression sur les différentes institutions. Le Parlement est aujourd'hui pleinement colégislateur, il n'est plus là pour corriger les textes à la marge, nous pouvons écrire nos propositions aussi bien sur la PAC que la politique de la pêche ou la politique régionale. (...) Lorsque les régions d'Europe et les régions de France travaillent main dans la main avec le Parlement européen, nous pouvons gagner des combats."
Dans la nouvelle méthode de travail qu'elle entend mettre en place (voir notre article du 26 septembre), la ministre du Partenariat avec les territoires et la Décentralisation, Catherine Vautrin, a placé la politique de cohésion au rang de ses priorités. "Sans cette politique, un risque de décrochage de la politique européenne est possible. Nous devons nous armer (en vue du CFP, ndlr). Dès cet automne, je réunirai un comité État-régions pour bâtir cette vision française."