L'"Europe des régions" en quête d'un nouveau souffle
L'Europe sera le thème central du prochain congrès des régions qui se tiendra à Strasbourg les 25 et 26 septembre. Et au moment charnière de la constitution du futur collège de la Commission européenne. La confirmation d'un portefeuille de plein exercice pour la politque de cohésion n'est pas sans poser de questions.
"Europe : l’heure des régions ? Faire plus simple, voir plus loin". C'est sur ce thème que les régions vont tenir leur congrès, la semaine prochaine à Strasbourg, à l'entame d'un nouveau mandat pour la Commission et d'une nouvelle législature pour le Parlement. L'inquiétude quant à l'absence dans le futur collège de commissaire de plein exercice dédié à la politique régionale a été levée cette semaine, après des mois d'incertitude, avec la proposition par Ursula Von der Leyen d'un commissaire à la "cohésion et aux réformes". Même si le profil du candidat, l'italien Raffaele Fitto, membre du parti Fratelli d'Italia, fait déjà grincer des dents. D'autant que le commissaire pressenti (ce que le Parlement doit encore avaliser courant octobre) serait l'un des six vice-présidents exécutifs de la Commission. Il pourra toujours se prévaloir d'une forte expérience : l'ancien ministre des Affaires européennes du gouvernement de Giorgia Meloni était également chargé du Sud, des politiques de cohésion (dans un pays où les écarts Nord-Sud sont criants) et de superviser le Plan national de relance et de résilience (PNRR), le plan de relance européen, dont l'Italie, avec près de 200 milliards d'euros, est le premier bénéficiaire. Après des débuts difficiles, l'Italie a réussi à rattraper son retard et le récent rapport de la Cour des comptes européenne sur l'exécution du plan montre qu'elle figure plutôt dans le peloton de tête…
Logique de la carotte et du bâton
Par ailleurs, le fait que les "réformes" soient accolées à la politique de cohésion, n'est pas forcément un très bon signe. Même si Ursula Von der Leyen s'est engagée devant les députés le 18 juin "à défendre une politique de cohésion forte, conçue en partenariat avec les régions et les pouvoirs locaux", il est à craindre une conditionnalité plus grande en faveur du Semestre européen et des réformes structurelles à entreprendre, sur le modèle du plan de relance (dont la Cour des comptes européenne vient pourtant d'alerter sur les retards de gestion), comme le suggérait le 9e rapport sur la cohésion. Ce qui n'est pas pour rassurer les régions. Dans un projet d'avis adopté le 17 septembre par la commission Coter, le Comité des régions souhaite adresser un "message fort" au futur commissaire "en soulignant que la politique de cohésion doit rester gérée selon une approche ascendante et s’appuyer sur les points forts de chaque région". Le rapporteur y appelle la Commission à "ne pas utiliser la logique de la 'carotte et du bâton' pour lier la politique de cohésion à la gouvernance économique européenne".
Le rapport Draghi accusé de "négliger les problèmes territoriaux"
Autre sujet de déception pour les régions : le très attendu rapport Draghi qui tire le signal d'alarme sur le décrochage de l'économie européenne et appelle à plus d'intégration. Rien que d'assez normal pour quelqu'un - l’ex-président de la Banque centrale européenne (BCE) et ancien premier ministre italien - qui plaide pour la constitution d'un véritable Etat fédéral européen. "Bien que le rapport mette en avant l’importance de la cohésion (…) il néglige de manière significative les problèmes territoriaux croissants, ainsi que le potentiel de compétitivité et d’innovation territorial", souligne cependant la Conférence des régions périphériques et maritimes (CRPM). Ce rapport "ne reconnait pas la nécessité de renforcer la décentralisation et l’autonomie d’action au niveau infranational, ni les priorités de 'simplification' et d’'accélération' du processus décisionnel de l’UE". Bref, si "l'Europe des régions" a longtemps servi de moteur à l'intégration européenne, elle manque de carburant. D'autres moyens semblent aujourd'hui privilégiés, comme l'Europe de la défense ou l'union des capitaux.