120 régions se mobilisent pour la politique de cohésion
À l'initiative de la Nouvelle-Aquitaine, 120 régions ont adressé un courrier à la présidente de la Commission pour défendre la politique de cohésion qui pourrait être mise à mal dans le futur collège de commissaires. La perspective d'appliquer à cette politique régionale les principes de gestion nationale qui ont prévalu dans le plan de relance européen sont aussi un sujet d'inquiétude pour les collectivités.
La pression monte sur Ursula von der Leyen. À trois jours d'un conseil où devrait se décider sa reconduction à la tête de la Commission européenne (qui devra encore être validée par le nouveau Parlement mi-juillet ou en septembre), 120 régions européennes de 15 États membres lui rappellent leur attachement à la politique de cohésion.
"À la veille d'un nouveau mandat pour la Commission européenne et dans la perspective du futur budget pluriannuel de l'UE", elles insistent, dans un communiqué du 24 juin, "sur l'importance de la politique de cohésion en tant que solution tangible et proche des citoyens pour relever les défis de l’UE". Cette prise de position fait suite à un courrier adressé à la présidente de l'exécutif européen, le 31 mai, par ces mêmes régions, à l'initiative de la Nouvelle-Aquitaine, pour lui demander un rendez-vous et tenter d'avoir une clarification avant les élections européennes. Ce qui n'a pu être fait. Le président du Comité des régions Vasco Alves Cordeiro s'est lui aussi fendu d'un courrier allant dans le même sens (voir notre article du 18 juin).
Depuis quelques semaines, les couloirs du Berlaymont, le siège de la Commission, bruissent en effet de rumeurs de fusion de cette politique dans un portefeuille plus large lié à l'investissement (ce qui impliquerait la dilution de la DG Regio dans une grande direction de l'investissement), avec des règles claquées sur celle de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) mis en place dans le cadre du plan de relance post-Covid. Or ces mécanismes qui reposent sur des "cibles" et "jalons" à atteindre au niveau national n'ont rien à voir avec ceux de la politique de cohésion gérés pour l'essentiel au niveau régional.
"Une approche très centralisée qui met complètement de côté la cohésion territoriale"
Rien n'est encore officiel. L'inquiétude sur cette "centralisation" vient de la préparation de la future Commission qui fait l'objet de "briefings" destinés à préparer les auditions des futurs commissaires. Or aucun "briefing" de la politique régionale n'a été préparé. "Le modèle de la FRR n'est pas du tout géré au niveau des régions mais au niveau des États. Et les versements sont liés aux réformes que les États doivent mener, c'est donc une approche très centralisée qui met complètement de côté la cohésion territoriale", explique Marie-Pierre Mesplède, directrice de la représentation de la Nouvelle-Aquitaine à Bruxelles et point de contact de cette initiative transeuropéenne. En clair, les régions pourraient se voir pénalisées si l'État n'exécutait pas les réformes qui lui sont demandées dans les temps. Ce qui est déjà un peu le cas avec la "conditionnalité" de la politique de cohésion. Celle-ci est liée au semestre européen, à l'état de droit, à l'agenda sur les énergies renouvelables... En cas de retard ou de non-respect, les fonds peuvent être bloqués. Et c'est le cas pour les énergies renouvelables. La France n'ayant pas atteint ses cibles pour 2020, les versements sont actuellement suspendus !
"Déjà, le système actuel n'est pas parfait, mais si on le conditionne encore plus aux réformes cela soulève beaucoup de questions : comment les appliquer à une politique territoriale, sachant en plus que les régions n'ont pas toutes les mêmes compétences et les mêmes moyens ?", interroge Marion Chauveau, chargée de mission "Politique de cohésion" au bureau de la région Nouvelle-Aquitaine à Bruxelles.
Choix budgétaires
Si elles venaient à se confirmer, ces nouvelles orientations se justifieraient par des choix budgétaires. Avec 390 milliards d'euros sur la programmation 2021-2027, la politique de cohésion représente le tiers du budget européen pluriannuel. Mais la montée en puissance de nouvelles priorités telles que la défense ou la compétitivité oblige à trouver des fonds. À cela s'ajoute le remboursement à compter de 2028 de l'emprunt européen de 390 milliards d'euros contracté auprès des marchés pendant la crise sanitaire. "Si l'UE ne parvient pas à se doter de nouvelles ressources propres et que les États maintiennent leur contribution à 1%, il n'y aura pas d'argent pour rembourser, il faudra donc en trouver quelque-part", explique Marie-Pierre Mesplède.
Dans ce courrier - signé par l'ensemble des régions métropolitaines plus Mayotte, mais aussi par la Conférence des régions périphériques maritimes (CRPM) et le Réseau de recherche et d'innovation des régions d'Europe – les signataires demandent le maintien de cette politique dans "toutes les régions", et aspirent à un "dialogue renforcé" avec la Commission pour en améliorer la performance. La nomination d'un nouveau "vice-président chargé de la cohésion économique, sociale et territoriale" pourrait constituer une première étape. Le temps est compté. Dans les prochaines semaines, chaque État va proposer à la future présidence de la Commission son candidat au poste de commissaire. Le casting devrait être prêt pour la rentrée. Chaque candidat devra ensuite être auditionné par le Parlement. Mais ce n'est qu'à l'été 2025 que la Commission présentera sa proposition de cadre financier pluriannuel.