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Logement - L'habitat transitoire, une solution méconnue pour lutter contre le mal-logement

"Habiter le transitoire : de la précarité à l'ancrage temporaire". La dernière "Note rapide" de l'IAU fait le tour des innovations en matière d'habitat temporaire destiné à accueillir des populations en situation de mal-logement. 

 

L'Institut d'aménagement et d'urbanisme (IAU) d'Ile-de-France publie, dans sa lettre "Note rapide", une étude intitulée "Habiter le transitoire : de la précarité à l'ancrage temporaire". Celle-ci donne une vue d'ensemble d'un mode d'habitat largement méconnu et qui mêle des publics très divers, "allant des grands exclus en quête d'un toit aux hypermobiles assumés". Longtemps appréhendé sous l'angle de la précarité et de la marginalité - si on oublie certaines formes qui prévalaient dans les années 60 comme les cités de transit -, l'habitat transitoire se transforme en profondeur.

Un "rapprochement de deux mondes"

L'IAU affiche une vision résolument optimiste sur le sujet. "En illustrant la capacité de notre société à s'adapter, l'habitat temporaire est devenu source d'innovation, nous faisant presque oublier l'oxymore et son télescopage avec la doctrine publique du 'logement d'abord'", mentionnent les auteurs de la Note. Ils reconnaissent néanmoins que l'habitat temporaire reste "plus souvent envisagé comme une solution de mise à l'abri de personnes en situation d'exclusion, n'ayant pas accès au logement ordinaire". Ceci est particulièrement vrai en Ile-de-France, qui a toujours été "un territoire d'accueil de primo-arrivants précaires". En 2016, le nombre de personnes hébergées à ce titre était ainsi estimé à 95.000, soit une hausse de 30% en deux ans. En outre, la "massification de la précarité" conduit à accueillir un nombre croissant de familles avec enfants dans ce type d'habitat.
Pourtant, l'IAU observe un "rapprochement de deux mondes, celui de l'hébergement et celui du logement", qui "favorise de nouvelles modalités d'interaction et d'intervention entre les bailleurs et les associations".

De nouvelles réponses innovantes : le "pluggable", le concept "Hémi", les constructions modulaires...

Au-delà des formes traditionnelles d'hébergement, l'étude distingue l'apparition de nouvelles réponses. Ainsi, le "pluggable" (en français, "branchable"), qui consiste à occuper temporairement des locaux vacants, offre une réponse à "ces habitants appelés à aller et venir, et ne pas revenir". Le concept Hémi (hébergement éphémère, modulable et intégré) - développé par Soliha, la région Nouvelle-Aquitaine et Leroy Merlin Source - s'adresse par exemple à toutes les personnes recherchant, de façon volontaire ou subie, un logement temporaire.
De même, le logement modulaire permet de contourner les coûts de la construction traditionnelle, mais aussi les coûts d'adaptation de certains bâtiments existants. Facilement transportables et capable de se plier aux contraintes du site, ces constructions modulaires peuvent avoir plusieurs vies. L'étude cite notamment l'exemple du centre d'hébergement d'urgence La Promesse de l'aube, installé en 2016 sur un terrain mis à disposition par le ville de Paris entre la porte d'Auteuil et la porte de la Muette (notre photo).
Une autre approche est celle de l'opération des Grands Voisins, menée durant trois ans, depuis 2015, dans le 14e arrondissement de Paris (sur le site de l'ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul). Elle consiste à "favoriser les interactions grâce à la mixité des usages", en mêlant activités et hébergement, ce qui "favorise l'acceptation et permet de fluidifier le travail social".

Des bailleurs sociaux plus impliqués

L'étude de l'IAU met aussi en évidence une évolution de la position des bailleurs socoaux. Sollicités par les pouvoirs publics, ceux-ci "explorent de nouvelles formes d'implication pour répondre aux besoins les plus urgents, en optimisant leur patrimoine et en structurant des partenariats avec les opérateurs de l'accueil d'urgence".
En pratique, des bailleurs sociaux mettent à disposition de "partenaires expérimentés" des bâtiments voués à être prochainement démolis ou réhabilités. Une opération de ce type a été menée, toujours à Paris (les exemples manquent un peu sur le reste de l'Ile-de-France) par ICF Habitat. Ce dernier a mis a disposition des services de l'Etat un bâtiment d'une cinquantaine de logements destiné à la démolition et situé boulevard de l'Hôpital. La convention d'occupation temporaire signée entre ICF Habitat et le groupe SOS Solidarité ne prévoit pas de loyer, ICF se contentant de refacturer au gestionnaire certains travaux effectués (peinture, électricité, menuiserie), ainsi que des charges locatives. Pour le bailleur social, cette solution offre aussi l'avantage d'un gardiennage des lieux, évitant ainsi les squats.

Quel rôle pour les collectivités ?

Pour l'IAU, les collectivités ont un rôle à jouer dans ces évolutions. Il s'agit en premier lieu d'encadrer les initiatives privées et, notamment, les dérives de certaines agences de biens immobiliers vacants qui proposent des locaux peu habitables. Autre implication possible : susciter et accompagner des dispositifs qui reposent souvent sur des acteurs associatifs, en s'adaptant à leur mode de fonctionnement.
L'étude estime aussi que, pour les collectivités, "il est utile et nécessaire de mettre à profit cette dynamique et le retour positif de certaines expérimentations, en imaginant qu'elles puissent favoriser l'émergence de nouvelles formes d'habitat pérennes, que ce soit pour les jeunes, les pauvres, les migrants ou les travailleurs mobiles".
Conclusion de l'IAU : "Face à l'augmentation des besoins et de leur variété, l'habitat transitoire peut difficilement être considéré comme une solution, mais bien comme un moyen d'y parvenir."