Logement / Social - Une circulaire pour accélérer la résorption des campements illicites et des bidonvilles
Pas moins de sept ministres et une secrétaire d'Etat (Intérieur, Justice, Affaires étrangère, Cohésion des territoires, Solidarités et Santé, Travail, Education nationale, Egalité entre les femmes et les hommes) ont signé une instruction du gouvernement, en date du 25 janvier 2018, "visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles". Le document commence par rappeler que "la France compte près de 570 bidonvilles où vivent 16.000 personnes, pour une grande partie d'entre elles ressortissantes roumaines et bulgares. Ce nombre reste relativement stable depuis plusieurs années, et ce malgré les évacuations qui trop souvent se traduisent par des réimplantations de campements". L'instruction entend donc "donner une nouvelle impulsion à l'action de l'Etat dans ce domaine, en fixant pour les cinq années à venir un objectif de résorption durable de ces bidonvilles".
Mettre en place une stratégie territoriale
Cet objectif de résorption repose sur quatre piliers. Le premier consiste à demander aux préfets de mettre en place une stratégie territoriale pour le traitement des campements illicites et des bidonvilles en vue de leur résorption. Cette stratégie doit être conçue dans un esprit partenarial, impliquant tous les acteurs concernés : l'ensemble des services de l'Etat, les collectivités territoriales - "au premier rang desquelles les communes ou leurs regroupements (en particulier les métropoles), qui ont un rôle essentiel à jouer dans la mobilisation de dispositifs du droit commun, mais aussi les départements, chefs de file de l'action sociale et compétents notamment sur les questions de protection de l'enfance, et les régions, compétentes notamment sur les questions de formation professionnelle et de mobilisation des fonds structurels européens (Feder et FSE en partie)" -, mais aussi les associations, les opérateurs, les bailleurs sociaux et les occupants eux-mêmes.
La stratégie débutera par un état des lieux et devra couvrir "un large spectre de questions" : accès à l'hébergement et au logement, aux soins, à l'école, à l'emploi, à la formation professionnelle et linguistique, la protection de l'enfance, les droits des femmes, la lutte contre la délinquance et contre la traite des êtres humains, la lutte contre l'habitat indigne, le ramassage des déchets et le respect de l'environnement, le respect de l'ordre public et de la régularité du séjour. Un comité de pilotage local supervisera ensuite sa mise en œuvre.
Des réponses différenciées selon les situations
Le second pilier de la démarche de résorption consiste à apporter des réponses différenciées en fonction des caractéristiques des campements et des personnes. Pour cela, une action de repérage et de diagnostic doit être conduite le plus tôt possible, dès l'implantation du campement, "avec l'affirmation de la présence de la puissance publique". L'objectif est d'élaborer "un plan d'action et un calendrier prévisionnel en vue de la résorption complète du campement".
Les réponses doivent également être différenciées en fonction des caractéristiques des personnes : statut, situation personnelle, état de santé, parcours, compétences, aspirations... La circulaire demande de porter une attention "toute particulière [...] à la situation des enfants, au respect de leurs droits et de l'obligation scolaire à laquelle ils sont soumis dès six ans, quelle que soit leur nationalité, ainsi qu'à celles des femmes".
Lutter contre la grande précarité
Le troisième axe consiste à lutter contre la grande précarité et à "assurer le respect des lois de la République". Pour cela, les réponses proposées devront être adaptées à la situation des personnes, mais devront aussi relever prioritairement du droit commun et s'inscrire à ce titre dans le cadre des dispositifs existants : PDALHPD (plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées), projets régionaux de santé, PLIE (plans locaux pour l'insertion et l'emploi)... Le but est en effet de faciliter l'accès de ces populations aux dispositifs d'accompagnement social et d'insertion, "qu'elles méconnaissent souvent et parfois craignent".
En matière d'hébergement et de logement, les préfets sont ainsi invités, en liaison avec les Siao (services intégrés de l'accueil et de l'orientation), à mobiliser les dispositifs existants, y compris en recourant à des dispositifs d'hébergement temporaire et en mettant en place, en lien avec les bailleurs sociaux, des formules d'accompagnement dans le logement dans le diffus.
La circulaire passe d'ailleurs en revue les différents dispositifs susceptibles d'être mobilisés en matière de santé (Pass, AME, Puma, PMI...), d'emploi et de formation, de scolarisation des enfants et des jeunes mineurs ou d'accompagnement social (CCAS et Cias). Si nécessaire, il pourra aussi être fait appel à des dispositifs plus spécifiques, comme ceux de la protection de l'enfance, de la lutte contre les diverses formes d'exploitation de la misère et de traite des êtres humains, de prise en charge des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.
Mais il s'agira aussi d'"appliquer des règles relatives à l'ordre public et à la lutte contre la délinquance". De même, l'instruction gouvernementale rappelle que l'application du droit commun nécessite d'apporter une vigilance particulière à la stigmatisation et à la discrimination dont les habitants des campements et bidonvilles peuvent faire l'objet.
Mobiliser les financements de l'Etat... et des collectivités
Enfin, le quatrième pilier concerne la mobilisation des financements de l'Etat et la recherche de cofinancements. Outre les crédits des dispositifs de droit commun, la circulaire cite la possibilité de solliciter les crédits de l'enveloppe nationale programmée par la Dihal (délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement) pour soutenir les actions de résorption des bidonvilles. Une enveloppe au montant modeste (trois millions d'euros), mais qui doit "jouer un rôle de catalyseur dans la mise en place d'une stratégie territoriale et produire un effet levier pour la mobilisation des cofinancements et l'activation des crédits de droit commun". L'instruction prend en effet bien soin de préciser qu'"il sera essentiel de rechercher les cofinancements, en particulier la participation des collectivités locales qui est indispensable pour la conduite des actions".
Référence : instruction du gouvernement du 25 janvier 2018 visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles (mise en ligne le 30 janvier 2018).