L'exécutif engage le "refroidissement de la dépense publique"
Pour "reprendre le contrôle" de la dette, le gouvernement veut réduire le poids de la dépense publique de quatre points de PIB d'ici la fin du quinquennat. Le programme de stabilité qui va être transmis à Bruxelles va entériner ce nouvel objectif. Le document fixera pour les collectivités une trajectoire de dépenses : leur évolution annuelle devra rester inférieure de 0,5% à l'inflation. Le ministre de l'Economie parle de "refroidissement de la dépense publique".
L'exécutif va changer de braquet dans la maîtrise des finances publiques, mais sans sacrifier les services publics et les investissements en faveur de la transition écologique, ont promis, ce 20 avril, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances et Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics. Le pacte de stabilité, que la France transmettra prochainement à la Commission européenne, entérinera la décision du gouvernement d'"accélérer le désendettement". Bercy table sur un déficit public qui refluera à -2,7% du PIB en 2027 (contre -2,9% prévus auparavant) et une dette publique en recul de quatre points par rapport au précédent scénario (108,3% du PIB contre 112,5%).
Avec la remontée des taux d'intérêt (désormais proches de 3%) et la crainte que le pays soit démuni face à un éventuel nouveau choc sur l'économie, le gouvernement presse le pas en matière de redressement des comptes publics. L'enjeu serait ni plus ni moins de permettre à la France de demeurer "libre", ont assuré les ministres lors d'une conférence de presse. La stratégie fixée serait "la même" que celle ayant été mise en œuvre depuis 2017. Il s'agit notamment de parvenir au "plein emploi" - en créant "un million d'emplois d'ici 2027" - et, finalement, d'augmenter la richesse nationale. En parallèle, le gouvernement prévoit de réduire les dépenses publiques de 57,5% du PIB en 2022 à 53,5% à la fin du quinquennat. "Quatre points de baisse de la dépense publique, c'est très significatif", a estimé Bruno Le Maire.
"Ralentissement plus prononcé pour l'Etat"
La fin du bouclier tarifaire et des chèques exceptionnels (indemnité carburant, chèque énergie) permettra à la France d'économiser "30 milliards d'euros". Mais il faudra que les dirigeants publics taillent dans d'autres postes. Un "refroidissement de la dépense publique" est donc à l'ordre du jour, selon le ministre de l'Economie. Ce qui devrait se traduire par une contribution accrue de l'Etat. Pour ce dernier, "le ralentissement sera plus prononcé qu'auparavant", a déclaré Bruno Le Maire. L'évolution annuelle des dépenses de l'Etat devra rester inférieure à 0,8% en moyenne en dessous de l'inflation. L'effort des administrations centrales "sera donc, contrairement au précédent PSTAB [pacte de stabilité], supérieur à celui des collectivités locales", a souligné le ministre. L'évolution des dépenses de ces dernières devra être de -0,5% en moyenne annuelle, par rapport à l'inflation, selon le ministre. Qui n'a pas précisé si seules les dépenses de fonctionnement des collectivités locales seraient concernées.
Pour mémoire, le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027, présenté en septembre dernier, prévoyait déjà une limitation de l'évolution annuelle de 0,5% en dessous de l'inflation pour les seules dépenses réelles de fonctionnement du secteur public local. Les collectivités seront une nouvelle fois évidemment attentives au périmètre auquel s'appliquera la norme, les choses n'étant pas les mêmes selon que, par exemple, les allocations individuelles de solidarité versées par les départements y sont soumises ou pas.
Economies sur "une dizaine d'objets"
"Nous avons accepté que l'Etat fasse un effort plus important que les collectivités locales", a insisté Bruno Le Maire, laissant entendre qu'il avait été sensible à une demande formulée par les élus locaux.
Les membres du gouvernement devront donc rapidement proposer des économies, "de l'ordre de 5% de leur budget", a précisé Gabriel Attal. La Première ministre a signé une lettre de cadrage leur enjoignant de débuter l'exercice. Mais l'ensemble de la sphère publique - l'Etat, les administrations sociales et les collectivités locales - devra bien être à l'affût d'économies. Alors que la réforme des retraites exige un "effort" des Français, "il est juste que tous les acteurs publics (…) soient aussi mis à contribution. C'est un principe de justice", a estimé le ministre de l'Economie.
C'est dans ce sens qu'il a lancé au début de l'année une revue des dépenses publiques (voir notre article du 10 janvier). Au total, des économies sur "une dizaine d'objets" seront présentées à l'occasion des Assises des finances publiques, qui se tiendront fin mai. Les propositions seront alimentées par des travaux que les inspections de l'Etat remettront "d'ici à l'été". L'objectif est "de réduire une à une, et méthodiquement, les dépenses publiques inefficaces", a expliqué le locataire de Bercy. "Dépenser moins, mais dépenser mieux", a résumé son collègue en charge du Budget.
"Cure d'austérité"
Gabriel Attal a réfuté l'existence d'une politique d'"austérité", préférant évoquer la "responsabilité" du gouvernement. "La dépense publique va continuer à augmenter, mais moins vite que l'inflation", a-t-il souligné. Par ailleurs, Gabriel Attal a insisté sur le maintien d'une "ambition en matière d'investissement" pour les services publics. Bruno Le Maire avait souligné auparavant le fait que la capacité d'investissement de l'Etat - "avec France 2030, avec le crédit d'impôt recherche et avec le Fonds vert de la Première ministre pour les collectivités locales" - allait rester inchangée.
Parmi les premières à réagir, la députée socialiste Christine Pires Beaune a dénoncé sur twitter "les nouvelles économies demandées aux hôpitaux, aux Ehpad, à l’école". "Après la réforme des retraites, une cure d’austérité se prépare", a conclu l'élue socialiste. Exprimant une position que beaucoup, sans doute, partagent au sein de l'opposition. "Avoir une dépense publique plus efficace, il me semble que cela doit pouvoir rassembler une majorité", a estimé pour sa part Bruno Le Maire. Mais de la théorie à la pratique, il y a un gouffre. Rappelons que l'Assemblée nationale avait rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques lors de la discussion en première lecture en octobre dernier, avec un échec ensuite en commission mixte paritaire. Les débats à venir s'annoncent tout aussi nourris.