Finances et transition écologique : Bercy engage une concertation avec les élus locaux
Le ministère de l'Économie et des Finances a lancé ce 14 avril une série de rencontres avec les associations d'élus locaux sur les questions hautement sensibles de la maîtrise des dépenses publiques et de l'accélération de la transition écologique, qui va nécessiter d'importantes dépenses supplémentaires. Une première réunion, jugée "utile" et "intéressante" du côté des élus locaux, s'est tenue pour dresser un état des lieux des finances locales.
Quelles mesures seront "susceptibles de garantir le respect de la trajectoire budgétaire figurant dans le programme de stabilité et l'atteinte des objectifs de transition énergétique et écologique de la France ?" Telle est la question de fond qui se pose aujourd'hui pour les finances publiques, selon le ministère de l'Économie et des Finances. Qui compte associer les représentants des associations d'élus locaux à la réflexion sur ce sujet épineux. Ceux-ci sont ainsi conviés à un cycle de quatre rencontres, dont la dernière se déroulera avant fin mai en présence du ministre de l'Économie et du ministre délégué chargé des comptes publics.
La réunion inaugurale, assez technique, s'est tenue ce 14 avril en présence d'élus locaux, de cadres d'associations d'élus, de hauts fonctionnaires de l'administration de Bercy et de l'entourage de Bruno Le Maire et Gabriel Attal. Mais en l'absence de représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL).
Bonne santé financière des collectivités
Le but de cette rencontre de plus de deux heures était de "dresser un constat objectif sur l'évolution des finances locales au cours des dix dernières années". Selon plusieurs participants à cette réunion, les représentants de Bercy ont fait état de la "bonne santé financière" des collectivités locales dans leur ensemble, celles-ci ne rencontrant "pas de problème de solvabilité". Pour l'heure, les hauts fonctionnaires de l'État n'en ont pas pour autant déduit que les collectivités devront fournir un effort supplémentaire pour permettre le redressement des comptes publics, relève-t-on du côté de l'Association des petites villes de France (APVF). Où l'on insiste sur le fait que les données moyennes mises en avant par Bercy masquent l'hétérogénéité des situations des collectivités, certaines d'entre elles pouvant rencontrer des difficultés, en particulier depuis que les prix de l'énergie se sont envolés.
Les niveaux de trésorerie record que connaissent les collectivités – des données que les représentants de Bercy ont mis en exergue – ne doivent pas laisser penser que celles-ci se portent bien, ont en outre souligné les élus et experts du monde local. Ils résultent du "pilotage prudent" mis en place par les directeurs financiers et traduisent "un taux de réalisation des investissements qui est en décrue", du fait de retard pris dans les travaux ou de marchés infructueux, a estimé France urbaine. Les collectivités auront besoin de ces réserves "pour faire face au mur d'investissements qui est devant elles" (transition écologique, renouvellement des réseaux d'eau, vieillissement de la population…), fait remarquer de son côté l'APVF.
"Besoin de visibilité"
Les collectivités locales ont "un énorme besoin de visibilité", a souligné au cours de la réunion Romain Colas, maire de Boussy-Saint-Antoine et représentant de l'association. Or avec des montants de dotations qui sont déterminés annuellement, cette visibilité fait défaut. Un argument corroboré par le témoignage de Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés et représentant de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) : "Ma commune vient de voter le budget primitif pour 2023 sans savoir si l'État lui accordera l'aide au titre du fonds vert qu'elle a demandée pour la rénovation de l'éclairage public qui doit être faite dès cette année."
La transition écologique va susciter des dépenses nouvelles de la part des collectivités, pas seulement en investissement. Les grandes collectivités et leurs agglomérations vont devoir recruter de nombreux experts, ce qui se traduira inévitablement par une hausse de leur masse salariale (autrement dit des dépenses de fonctionnement), a fait valoir France urbaine. De leur côté, les communes de faible taille auront recours à des prestataires privés, a complété le représentant des maires ruraux. Là encore, les dépenses de fonctionnement devraient grimper. Une hausse du recours à l'endettement n'est pas à exclure. Les représentants des collectivités ont visiblement défendu la nécessité de ne pas limiter la progression des dépenses de fonctionnement du secteur local. Une telle contrainte serait, selon eux, contraire à l'indispensable accélération dans le domaine de la transition écologique.
Pacte de stabilité
Lors de la réunion du 12 avril à Matignon (voir notre article), le gouvernement avait indiqué aux représentants des associations d'élus locaux que le retour des contrats de Cahors, dispositifs visant à encadrer les dépenses de fonctionnement des grandes collectivités, n'était pas d'actualité. Les hauts fonctionnaires de Bercy n'ont pas contredit l'information ce 14 avril. Sans s'appesantir sur le sujet. Comme dans une "opération de séduction", ils ont "mis en exergue la question du financement de la transition écologique – dont la finalité est consensuelle – plutôt que celle du redressement des comptes publics", analyse l'un des participants à la réunion.
Mais Bercy ne pourra esquiver le sujet de la réduction des déficits et de la dette publics lors de la prochaine réunion. Puisque, prévue au lendemain de la présentation en conseil des ministres (le 26 avril) du pacte de stabilité qui sera transmis à Bruxelles, cette réunion aura précisément pour objet d'exposer les mesures de ce document – et donc aussi la trajectoire définie pour les dépenses publiques locales.