Usages et services numériques - L'Etat veut structurer les initiatives locales sur la médiation et les usages numériques
Depuis 2007, le Conseil général de l'économie, l'Arcep et désormais l'Agence du numérique, publient un baromètre détaillé annuel permettant d'évaluer l'équipement numérique des Français. Cette année, l'étude intervient dans un contexte de forte augmentation des usages de l'internet mobile. L'Agence du numérique a tiré parti de cette enquête pour mieux cerner l'attitude des Français envers la dématérialisation. Il s'avère que 39% des sondés déclarent être inquiets à l'idée d'accomplir "la plupart des démarches administratives et fiscales sur internet". Cette appréhension ne touche pas que les seniors. Des résultats qui viennent à point nommé, alors que Axelle Lemaire, qui était en déplacement à Mende quelques jours plus tôt pour les Assises de la médiation numérique, insiste de plus en plus sur la nécessité d'accompagner les investissements en infrastructures très haut débit par une véritable stratégie de diffusion des usages et services numériques.
Assister les collectivités dans la diffusion des usages et services numériques
Dans le cadre des schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN), de plus en plus de collectivités élaborent des stratégies de développement des usages et services numériques. La mouture de la loi Montagne adoptée à l'Assemblée nationale propose de rendre ce volet des SDTAN obligatoire en territoire de montagne. Ce mardi 29 novembre, Axelle Lemaire a rappelé que tous les territoires seraient "fortement incités" à se livrer à l'exercice. Pour les assister, l'Etat met en place des "Orientations nationales pour le développement des usages et des services numériques dans les territoires", permettant de suggérer des choix stratégiques et de diffuser un guide méthodologique. Attendues pour la fin du premier trimestre 2017, ces nouvelles orientations devraient être élaborées en "co-construction" avec les collectivités, mais aussi les acteurs de la médiation numérique, et de la "civic tech". Alors que les stratégies de développement des usages et services mettent actuellement l'accent sur la télémédecine, l'éducation numérique, ou encore la mise en place des mégadonnées territoriales, le document d'orientations national pourrait donc renforcer la place accordée à la médiation numérique et aux enjeux citoyens du digital.
La médiation numérique, une priorité politique et une nécessité administrative
La médiation numérique semble en effet aujourd'hui au centre des préoccupations des acteurs locaux. La secrétaire d'Etat Axelle Lemaire reconnaît volontiers que "la dématérialisation des démarches administratives est allée vite, avec trop peu de coordination interministérielle et trop peu de concertation avec les collectivités locales". Avec, pour résultat, des difficultés rencontrées par de nombreuses populations en peine avec l'outil numérique. Les collectivités se plaignent régulièrement de voir affluer, dans les espaces de médiation qu'elles gèrent, un nouveau public déboussolé par les démarches en ligne nécessaires pour jouir de ses droits d'allocations ou d'assurance chômage, ou encore pour déclarer ses impôts. Un transfert de charge invisible des services de l'Etat vers les collectivités, qui se voient en situation d'embaucher un nombre croissant d'agents chargés de la médiation numérique, afin de répondre à la demande.
De manière plus générale, la digitalisation de l'économie entraîne un grand nombre de besoins de formation au numérique, pour laquelle l'offre n'est ni visible, ni structurée. En 2015, Axelle Lemaire avait annoncé la création d'un réseau national des acteurs de la médiation numérique. Pour concrétiser ces avancées, c'est désormais une coopérative (Scic) qui devrait être lancée, de manière à représenter les acteurs de la médiation au niveau national, procurer une ingénierie de gestion de projets et permettre la captation d'un plus grand nombre de financements (PIA, contrats d'impact social, fonds Bpifrance, fondations privées, etc.). Cet écosystème de la médiation numérique est également un acteur politique. Le gouvernement veut capitaliser sur ces agents de terrain pour inciter les citoyens à décrypter les contenus numériques et notamment les informations circulant sur le web ; selon la ministre, "alors que la fracture numérique est sur toutes les lèvres, le numérique, bien utilisé, est un accélérateur d'émancipations individuelles et collectives". Une belle manière de faire entrer le sujet numérique dans les débats des prochaines échéances électorales.
Pierre-Marie Langlois
Un chèque numérique pour mieux répartir la charge de la dématérialisation administrative
Après une annonce en Lozère la semaine dernière, Axelle Lemaire a confirmé ce 29 décembre le lancement, au premier semestre 2017, d'un système de "chèque numérique". Conçu en Aquitaine par la Scic Medias-Cité, ce dispositif permet à des commanditaires de distribuer un bon, sur le modèle du chèque restaurant, donnant droit à une formation auprès d'un acteur agréé de la médiation numérique. Il s'agirait, par exemple, de permettre à une administration publique de financer l'apprentissage des démarches en ligne par ses usagers ; mais aussi à une entreprise de financer la formation numérique continue de ses salariés. Les collectivités sont doublement concernées, comme potentiels commanditaires, et comme financeurs de nombreux espaces de médiation bénéficiaires du dispositif. Interrogé par Localtis, Gérald Elbaze, le gérant de Medias-Cité, voit dans le dispositif une occasion de "rendre visible l'immense valeur de l'écosystème de la médiation numérique pour l'économie française" et de financer un service public qui, pour l'heure, représente encore une charge pour les territoires. L'écosystème plaide également pour qu'une partie des économies générées par la dématérialisation soient affectées au développement de la médiation numérique. Sollicitée par Localtis sur cette piste de travail, Axelle Lemaire se contente d'appeler les acteurs publics à plus de transparence sur les résultats financiers de la mise en place de leurs plateformes d'e-administration. Un premier pas, peut-être, en faveur d'une répartition plus équitables des bénéfices et des charges de la transition numérique entre les différents acteurs publics.
P.-M. L.