Environnement - Les villes restent frileuses sur le marché du carbone
L'OCDE et CDC Climat, filiale de la Caisse des Dépôts, ont publié le 19 avril une étude sur la participation des villes au marché mondial du carbone. Pour l'heure, peu de projets urbains (tout au plus une centaine dans le monde) d'atténuation des émissions de carbone font appel aux mécanismes de projets prévus par le protocole de Kyoto. Quand c'est le cas, le principal dispositif utilisé est celui de mise en oeuvre conjointe (MOC), qui est applicable entre deux pays développés. Exemple : la municipalité de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, a réalisé en accord et avec l'appui de son gouvernement national un projet de valorisation du méthane d'une décharge, financé en partie par la vente de crédits d'émission de carbone à une entreprise britannique, qui les a de son côté utilisés pour se mettre en conformité avec le système communautaire d'échange de quotas d'émissions. "Un exemple emblématique car les principaux projets concernent, comme le relève notre étude, la récupération du gaz des décharges mais aussi la production de chaleur renouvelable", note Alexia Leseur, chercheur à CDC Climat. Pourquoi dans ces secteurs et moins dans les transports ou le bâtiment, pourtant énergivores ? Selon l'étude, les raisons sont entre autres économiques : le fort taux de rentabilité de ces projets, lorsqu'on les met en regard du scénario dans lequel aucun mécanisme carbone n'est sollicité, joue dans la balance.
Un potentiel à développer
Même si certains acteurs de projet cités dans l'étude conviennent que sans recours au mécanisme, ils auraient difficilement bouclé leurs projets, il ne s'agit pas là d'une recette miracle. "En moyenne, la finance carbone couvre de 5 à 70% du coût du projet. Le plus souvent, elle absorbe essentiellement le surcoût lié au recours à une technologie propre, en lieu et place d'une technologie classique", pointe Alexia Leseur. "Et s'il y a peu de projets urbains carbone, c'est avant tout car les villes ont difficilement accès à ce marché", ajoute Pierre Ducret, P-DG de CDC Climat. "Au quotidien, ces mécanismes voulus à Kyoto paraissent bien loin de nous", confirme Olivier Degos, délégué au développement durable et solidaire du conseil régional d'Aquitaine. "Pourtant, la finance carbone a son rôle à jouer, ne serait-ce qu'en tant qu'impulseur et catalyseur pour lever d'autres financements." "Je suis convaincu qu'elle a du potentiel et qu'à terme, les collectivités pourront trouver par ce biais de nouvelles ressources pour réaliser leurs projets", insiste aussi Pierre Ducret.
Un mécanisme carbone pour reboiser les Landes
Portée par cet élan, la région Aquitaine évalue avec l'appui de CDC Climat la pertinence d'un recours à un tel mécanisme, via la création d'un fonds régional, et ce en vue de reboiser la forêt landaise gravement touchée par la tempête Klaus. Une étude de faisabilité, qui sera prête à l'automne prochain, en détaillera les modalités. "Ce qui ne fait aucun doute, c'est que pour mettre en place de tels mécanismes, l'appui politique est crucial, tant à l'échelon local que national", relève Alexia Leseur. Parmi les autres facteurs de réussite qui sont passés en revue par l'étude figurent aussi la simplicité de mise en oeuvre du projet, le recours à des méthodologies et des techniques existantes, sans oublier les bénéfices locaux que les élus peuvent tirer de ces actions d'atténuation et qui facilitent leur acceptabilité par la population. A Sao Paulo par exemple, où le gaz d'une décharge a pu être valorisé pour produire de l'électricité, c'est la qualité de vie autour du site qui s'est globalement améliorée. En France, la seule collectivité qui s'est lancée est la communauté urbaine Lille Métropole, en vue d'utiliser le biogaz de ses déchets ménagers pour faire rouler ses bus. La méthodologie avait été élaborée ("en un mois seulement" selon l'étude) et les ventes de crédits carbone devaient financer 13% du coût du projet. "L'utilisation du mécanisme carbone apparaissait comme une solution avantageuse au vu de la rentabilité du projet, étant donné qu'à l'époque les autorités locales ne disposaient d'aucune autre option financière pour mettre en œuvre le projet", précise l'étude. Les changements législatifs introduits par le Grenelle 2 ont toutefois conduit la collectivité à favoriser une autre solution sur le plan technique. On ne dispose donc dans l'Hexagone d'aucun retour d'expérience locale et complète.