Prévention de la délinquance - Les travailleurs sociaux veulent encadrer strictement la mise en oeuvre du secret partagé
Comme elle l'avait annoncé au cours des débats qui ont précédé l'adoption de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, l'Association nationale des assistants de service social (Anas) publie une longue note de "préconisations aux professionnels" sur la mise en oeuvre de ce texte. L'objectif de cette démarche inhabituelle est "que les professionnels et les responsables de services puissent adopter d'ores et déjà un positionnement visant à trouver les moyens de limiter les dégâts et ne pas perdre l'essence même de notre profession". La contestation porte essentiellement sur la notion de secret partagé avec le maire ou le président du conseil général et sur la désignation d'un coordonnateur en cas d'intervention de plusieurs travailleurs sociaux d'institutions différentes sur une même situation.
Tout en revendiquant son opposition continue à ce texte depuis trois ans, l'Anas prend bien soin de ne pas franchir la ligne jaune en recommandant ouvertement de ne pas appliquer la loi. L'association appuie ses recommandations sur quatre "fondements" légaux, méthodologiques, déontologiques et éthiques. Elle met notamment en avant les explications du Conseil constitutionnel, dans sa décision validant le projet de loi, pour considérer que le secret partagé ne pourra s'appliquer qu'à un nombre limité d'occurrences. C'est en particulier le cas, prévu par la loi, de l'aggravation d'une situation, justifiant l'intervention de plusieurs travailleurs sociaux. L'Anas s'appuie alors sur des "fondements méthodologiques" pour faire valoir - non sans d'évidentes arguties - qu'il est difficile de déterminer si une situation s'aggrave... : "Une situation est souvent complexe : une aggravation d'un des aspects peut se conjuguer avec une évolution positive au regard des objectifs de la personne. C'est par exemple le cas lorsqu'une femme victime de violence conjugale quitte le domicile. Sa situation en termes de logement s'aggrave mais, au regard de sa capacité à se protéger de la violence subie, elle s'améliore". De même, l'association estime que l'intervention de plusieurs professionnels n'implique pas automatiquement une aggravation de la situation, "mais plutôt une intervention pluridisciplinaire destinée à traiter l'ensemble des problèmes, et en définitive à améliorer la situation".
Les arguments déontologiques et éthiques sont plus traditionnels, mais convergent vers un même objectif : maintenir "la mobilisation de chaque professionnel contre la dimension sécuritaire de ce texte". Dans cette perspective, l'Anas entend constituer une "cellule de veille et de vigilance", mobiliser les autres associations et saisir le Comité national des références déontologiques et la commission "Ethique et déontologie" du Conseil supérieur du travail social.
Jean-Noël Escudié / PCA