Développement économique - Les SRDEII adoptés, place au chantier des doublons
Toutes les régions ont désormais élaboré leur schéma régional de développement économique, d’internationalisation et d’innovation (SRDEII). Le Grand Est ayant fermé le bal en adoptant le sien le 28 avril dernier. Même si aucune étude globale n'a encore été réalisée à ce jour, quelques grandes tendances émergent.
"En première analyse, on peut dire que ces schémas ont été rédigés de manière à n'oublier aucun sujet ", observe Nicolas Portier, délégué général de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) qui prépare pour cet été une étude synthétique sur les SRDEII. "Les régions ont disposé de peu de temps pour élaborer ces schémas prévus par la loi Notr du 7 août 2015", poursuit Nicolas Portier. A ce stade, ils apparaissent donc comme "une base de travail qui doit permettre [aux régions] de réaliser désormais des documents plus opérationnels pour intervenir dans les bassins d'emploi". Premier constat : la notion de "schéma prescriptif" ne saute pas aux yeux. "Nous n'avons pas trouvé dans les SRDEII des orientations rédigées sous la forme de véritables prescriptions juridiques opposables. Ce n’est pas le mode opératoire privilégié", souligne le délégué général de l'ADCF.
"On y retrouve tous les grands sujets en matière d'accélération de la croissance, de développement des start-ups, de création d'entreprises, de soutien à l'innovation et à l'internationalisation", précise Jean-Philippe Berton, conseiller en charge du développement économique, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de l'innovation, du numérique et du tourisme au sein de Régions de France. La plupart mettent l'accent sur la modernisation de l'outil industriel, de l'artisanat ou de l'agriculture. "Be Est", le SRDEII de la région Grand Est prévoit ainsi de conforter et d'amplifier le plan régional en faveur de l'industrie du futur.
Révolution numérique
Les SRDEII misent aussi sur la révolution numérique. "Be Est" accompagnera les entreprises pour qu'elles deviennent des "entreprises 4.0". La région de Philippe Richert lancera "Grand Est digital", le plan régional de croissance numérique du Grand Est. En Auvergne-Rhône-Alpes, les élus régionaux se sont fixé l'objectif de "soutenir la création de 10.000 emplois dans le secteur digital d'ici cinq ans" grâce à l'intervention de sa nouvelle agence économique "Auvergne-Rhône-Alpes Entreprise" qui sera opérationnelle au 1er septembre 2017. Quant à la Bretagne, elle souhaite devenir, à l'horizon 2020, "un pôle d'excellence mondiale de l'économie du numérique et des technologies électroniques".
D'autre part, "les SRDEII ont été élaborés en cohérence avec les autres démarches régionales", détaille Jean-Philippe Berton : recherche et enseignement supérieur, schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP)…
En ce qui concerne l'articulation avec les métropoles qui se sont vu également confier des compétences en matière économique, "toutes ont cherché à pleinement intégrer le volet métropolitain dans le corps du texte (on note toutefois des différences au niveau de l'intégration des politiques de développement économique métropolitaine au sein des SRDEII)", poursuit le représentant de Régions de France. Sur le champ de l'attractivité territoriale et sur l'investissement étranger en région. "Il est essentiel que les régions et les métropoles aient une vision commune et ces efforts de concertation et de convergence sont positifs", souligne Jean-Philippe Berton. En outre, "60% des entreprises se situent en dehors des territoires métropolitains". Leur collaboration est donc essentielle. Une convention qui lie Régions de France avec Business France prévoit un travail en coopération entre les régions et les métropoles pour élaborer des projets économiques en commun et réussir ensemble ces défis sur la scène internationale (sur le sujet voir ci-dessous notre article du 1er juin 2017).
Quelle place pour les départements ?
L'élaboration des SRDEII n'a pas échappé au combat qu'ont livré les départements depuis le vote de la loi Notr pour récupérer leurs attributions en matière de développement économique. "Le Conseil d'Etat a confirmé cette perte de pouvoir dans ses décisions du 12 mai 2017", précise Nicolas Portier. La loi prévoit aussi que les départements doivent se retirer des agences de développement économique mais certains ont trouvé un biais pour y demeurer. Le département ayant une compétence dans le domaine du tourisme, certaines agences économiques régionales sont devenues des sociétés d'économie mixte en charge du développement économique et du tourisme au sein desquelles les départements peuvent siéger… Idem sur la question de l'attractivité territoriale. "Il y aura néanmoins des risques de contentieux si ces agences font du développement économique caractérisé et cherchent juste à contourner la loi", prédit Nicolas Portier. Certaines agences départementales demeurent sous forme d'antennes comme en Bretagne. Ailleurs, ce sont les intercommunalités qui se substituent parfois aux départements pour financer des actions économiques.
"Certaines agences départementales ont dû se reconvertir ou se constituer en réseau d’antennes régionales de développement économique comme en Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple", explique Jean-Philippe Berton. "Ce que l'on perçoit fortement, dit-il, c'est la volonté quasi-générale de dé-doublonner, de clarifier le rôle des acteurs qui interviennent dans le champ du développement économique." Une bonne nouvelle pour les entreprises qui reçoivent encore trop souvent la visite de multiples instances territoriales revendiquant la même compétence !
Auvergne-Rhône-Alpes veut "chasser en meute"
En créant l'agence Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises, la région souhaite éliminer tout esprit de chapelle. "La compétition entre les territoires est aujourd'hui internationale", a expliqué l'exécutif régional lors de l'annonce de la création de cette agence, le 18 mai dernier. L'efficacité de l'agence "commande de travailler ensemble pour offrir à chacun une force de frappe inédite". Le dynamisme des territoires "repose sur la capacité à articuler à la fois des grandes métropoles avec des régions". Toutefois, la nouvelle agence ne sera pas pilotée depuis Lyon "mais des territoires". L'objectif est de "conserver des antennes qui ont capacité à instruire entièrement des dossiers" au plus près des besoins des territoires. L'agence comportera 10 antennes départementales. La nouvelle agence doit impulser un esprit d'équipe "afin de chasser en meute dans la région" et "concourir à l'émergence d'un patriotisme régional et d'une logique régionale à l'échelle régionale". L'idée est que les grands groupes de la région s'appuient sur les entreprises de taille intermédiaire, que celles-ci s'appuient sur les PME, et que celles-ci s'appuient sur les start-up de la région pour travailler en complémentarité.