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Sécurité civile - Les Sdis face à une crise de l'immobilier ?

L'endettement des Sdis devrait atteindre 900 millions d'euros d'ici à 2010, selon une enquête de l'ADF. En cause : le mauvais état du parc immobilier. Alors que les départements contribuent à 53% de leur budget, aucune solution n'est encore en vue sur la participation des communes gelée depuis 2003.

La départementalisation des services de secours doit s'achever dans deux ans. Entamé il y a plus de dix ans, l'énorme chantier butte encore sur la question du financement. Le président de la République a rouvert le dossier lors du congrès des sapeurs-pompiers, fin septembre à Clermon-Ferrand, en s'engageant à ce que les communes soient maintenues parmi les principaux financeurs des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), aux côtés des départements. Depuis lors, les négociations entre le gouvernement, les départements et les maires vont bon train, mais aucun accord n'est en vue. En cause : la suppression programmée des contributions directes des communes et intercommunalités qui seraient dorénavant prélevées sur la dotation globale de fonctionnement. Cette disposition devait entrer en vigueur en 2006 et a été reportée à deux reprises (à 2008 et maintenant à 2010), devant l'opposition des sapeurs-pompiers qui souhaitent maintenir un lien avec les communes. "Si l'on coupe ce lien direct, les communes risquent de se désintéresser, de se comporter en consommateurs", estime Elisabeth Maraval, reponsable de la sécurité civile à de l'Assemblée des départements de France (ADF). Un autre problème se pose : 4.000 communes et 300 EPCI ont une DGF inférieure à leur contribution actuelle.

 

Un bond de 70% du secours aux personnes

Le différend remonte à 2003 lorsque les communes ont obtenu le gel de leur contribution indexée sur le coût de la vie. Depuis, toutes les dépenses supplémentaires sont à la charge des départements, soit un surcoût estimé à 11 millions d'euros par an. Et la balance penche de plus en plus du côté des conseils généraux : leur part dans le financement des Sdis atteint 53%. Et elle devrait atteindre 56,5% en 2010, selon une enquête du cabinet Francis Lamotte présentée par l'ADF lors de la première Journée nationale des Sdis, mercredi 12 décembre à Paris. Alors qu'une solution devait être trouvée d'ici la fin de l'année pour être inscrite dans le projet de loi de finances 2009, on parle désormais de l'été 2008. L'Association des maires de France juge le plafonnement "intangible". "Les maires souhaitent être présents aux côtés des Sdis mais ne souhaitent pas augmenter leur participation", a ainsi réaffirmé Jean Proriol, le député-maire de Beauzac (Haute-Loire).
De fait, les économies d'échelle qui étaient attendues de la départementalisation n'auront été qu'un feu de paille : le coût annuel des 96 Sdis est passé de 2,14 milliards d'euros en 1996 à 3,8 milliards aujourd'hui. Il faut dire que les services sont de plus en plus sollicités : en dix ans, le nombre d'intervention s'est accru de 23%. Principal responsable, le secours à victime a connu un bond de 70% pendant cette période. Pour autant, le phénomène aurait tendance à se tasser, selon l'enquête de l'ADF. L'évolution prévue des dépenses de fonctionnement serait de l'ordre de 4% jusqu'en 2009 avant de descendre en dessous de 3% en 2010. Les raisons de ce ralentissement ? Tout d'abord, note le cabinet Francis Lamotte, les Sdis atteignent leur taille critique. Le rythme des recrutements de personnel de pompiers professionnels sera de l'ordre de 1% par an à partir de 2008. Par ailleurs, toutes les charges liées aux 35 heures, à la réforme de la filière et aux évolutions de régime indemnitaire sont à présent amorties. La progression des dépenses de fonctionnement devait progressivement ralentir pour passer de 7% en 2006 à 2,7% en 2010.

 

2009, année record pour les dépenses immobilières

Seulement, côté investissements, le tableau est bien différent, notamment en raison de l'état du parc immobilier. Dès l'annonce de la départementalisation en 1992, certaines communes ont en effet cessé d'entretenir leurs équipements. Résultat : de nombreux centres de secours nécessitent de gros travaux. "La question de l'immobilier va devenir la question dominante des Sdis dans les années à venir", insiste Arnaud Mandement, du cabinet Francis Lamotte. En 2006, il représentait déjà près de la moitié des dépenses d'investissement des Sdis.  L'année 2009 devrait enregistrer un record de ces dépenses, loin devant l'achat de matériel qui a, au contraire, plutôt tendance à se stabiliser. Contraints de recourir à  l'emprunt, les Sdis pourraient voir leur endettement passer de 500 à 900 millions d'euros d'ici à 2010.
Le désengagement de l'Etat est lui aussi en cause. "Le fonds d'aide à l'investissement fond comme neige au soleil, il faudrait que l'Etat retrouve un niveau de financement susceptible de rassurer les Sdis", a déclaré le colonel Richard Vignon, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. La maîtrise des dépenses passera aussi par l'amélioration des relations avec les autres intervenants. Le secours à personne, sujet de friction récurrent entre les Sdis et les Samu en raison des interventions pour "carence" de ces derniers, devrait donner du grain à moudre. Un comité quadripartite (ministères de l'Intérieur et de la Santé, pompiers et Samu) installé la semaine dernière est précisément chargé d'apporter des réponses. Selon Henri Masse, le directeur de la défense et de la sécurité civile, une circulaire a été signée, mercredi 12 décembre, pour obliger préfets et agences régionales d'hospitalisation (ARH) à articuler les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (Sdacr) et les schémas régionaux d'organisation sanitaires (Sros). Reste maintenant à clarifier les compétences de chacun. Une expérimentation sera menée en 2008 dans plusieurs départements pour améliorer le système actuel.

 

Michel Tendil