Les régions dégainent leur "plan Marshall" pour la montagne
Trois semaines après la grande réunion à Matignon avec les acteurs de la montagne, les régions Paca et Auvergne-Rhône-Alpes annoncent leur propre plan, alliant mesures d’urgence et mesures de diversification à plus long terme. Des initiatives qui visent à pallier les "angles morts" des aides de l'Etat mais aussi à anticiper le "plan Montagne" préparé par le gouvernement.
"Souvenons-nous du sacrifice nécessaire des vacances de Noël pour sauver celles de février. Eh bien, nous n’avons eu ni les unes ni les autres." Non sans une certaine amertume, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, a jugé le 23 février, que la situation des stations de ski n’était "plus tenable pour des milliers de professionnels et de familles". Mais "ce ne sont pas que les stations de ski qui sont touchées. C’est toute la montagne qui risque de couler", a-t-il alerté, à l’occasion d'assises consacrées à l'avenir des Alpes du Sud. Il a indiqué que la région avait voté, vendredi dernier, un plan d’investissement d’urgence de 8 millions d’euros pour les stations de ski. "Des projets sont prêts. Il manquait un soutien franc et massif pour les réaliser", a-t-il déclaré.
Mais au-delà des nombreuses aides d’urgence (nationales et régionales) et en attendant le plan montagne promis par le gouvernement début février (voir notre article), les régions souhaitent préparer l’avenir. Renaud Muselier a ainsi annoncé le doublement à 200 millions d’euros des aides versées par la région pour ses territoires de montagne. "Nous avons investi 100 millions d’euros dans notre politique montagne lors des cinq dernières années. Pour les cinq prochaines années, nous y investirons 200 millions d’euros", a-t-il précisé. La moitié sera consacrée au développement économique, social et culturel des vallées de montagne, l’autre moitié sera fléchée plus spécifiquement vers les stations de ski, via des "contrats stations de demain". A travers ces contrats, 49,7 millions d’euros ont été engagés par la région entre 2016 et 2020 permettant de financer 182 projets pour un investissement total de 200 millions d’euros. Au programme : modernisation des remontées mécaniques, amélioration des réseaux de neige de culture, "opérations de diversification touristique, hivernale et estivale, de l’offre touristique, de nouvelles expériences client", "connectivité des stations à leur territoire et leur numérisation".
Proposer une alternative crédible au tout ski
"Au tournant du XXIe siècle, les conséquences du changement climatique nous obligent à repenser le modèle des stations. Des investissements massifs étaient nécessaires pour rattraper un retard relatif sur les Alpes du Nord", a justifié Renaud Muselier. "En attendant un éventuel plan montagne du gouvernement, nous, c’est maintenant que nous nous engageons", a-t-il également insisté. La région a commandé une étude prospective sur l’avenir des stations des Alpes du Sud dont les résultats seront connus d’ici l’été. L’objectif : "tirer les conclusions de cette crise et proposer des alternatives crédibles au 'tout ski' dans les stations villages de moyenne montagne". Un travail similaire et inédit avait été diligenté par le département de l’Isère il y a quelques années. La région ouvrira aussi "dans les prochains jours" une vaste consultation sur l’avenir de la montagne "ouverte à tous les habitants des Alpes du Sud" sur sa plateforme participative Sudopolis.
La région Auvergne-Rhône-Alpes - qui couvre trois massifs : Alpes du Nord, Massif central et Jura - a elle aussi décidé de se porter au chevet de ses massifs, lors de son assemblée générale les 23 et 24 février avec un investissement massif de 400 millions d’euros comportant à la fois des mesures d’urgence et un plan de relance pour la montagne.
Accompagner "les oubliés des aides de l’Etat"
Là encore il s’agit de prendre les devants alors que les dispositifs gouvernementaux tardent à se mettre en place. "Pour l’heure, les professionnels en montagne ne disposent d’aucune visibilité : aucune date de réouverture des remontées mécaniques n’est envisagée", argue le conseil régional, dans son dossier de presse, indiquant que les annonces gouvernementales du 2 février "présentent encore un certain nombre d’angles morts et, sans aide ou compensation, de nombreux acteurs de nos montagnes pourraient disparaître". La région dont le président Laurent Wauquiez était monté au créneau le mois dernier (voir notre article) se propose ainsi d’"accompagner les oubliés des aides de l’Etat" : entreprises nouvellement créées ou reprises, cabinets médicaux et professionnels de santé, centres de vacances indépendants, clubs de ski, viticulteurs de montagne…
Par ailleurs, elle met en place des prêts à taux zéro de 10.000 à 300.000 euros pour les PME situées dans une station de montagne, ou dans une intercommunalité de station de montagne. Ces prêts seraient financés par le programme européen React EU, le nouvel instrument de cohésion créé dans le cadre de la relance européenne (la France est amenée à percevoir 3 milliards d’euros par ce biais).
70 millions d'euros pour la relance en Auvergne-Rhône-Alpes
La région compte parallèlement déployer un plan de relance de 70 millions d’euros "visant à préparer l’avenir de nos montagnes" autour de quatre axes : le développement de l’activité hivernale (hébergement, aides aux petites stations, ascenseurs valléens, soutien aux classes de neige…), diversification de l’offre touristique toute l’année ("tourisme 4 saisons"), promotion de la montagne durable (investissements dans la transition écologique des stations), soutien aux acteurs économiques avec un fonds de soutien de 15 millions d’euros. En Auvergne-Rhône-Alpes, le tourisme hivernal en station "représente 120.000 emplois directs et près de 400.000 emplois indirects, pour un chiffre d’affaires avoisinant les 7,5 milliards d’euros". "La décision de ne pas ouvrir les remontées mécaniques en 2021 – intervenant après la fermeture anticipée en mars 2020 – représente un véritable cataclysme économique et social pour la montagne, mais plus globalement pour notre région, voire pour notre pays", s'alarme le conseil régional.
On rappellera que l'Occitanie - autre grande région de montagne - avait lancé fin 2018 un plan d'investissement pour la montagne de 800 millions d'euros à horizon 2025 (voir notre article).
Plan montagne : qu’en disent les maires de stations ?
Avec 120.000 emplois directs et induits, les stations sont des "moteurs essentiels" pour les territoires de montagne mais leurs modèles sont "fragilisés par la conjonction de plusieurs facteurs dont les plus évidents sont les facteurs environnementaux, socio-économiques et de gouvernance territoriale", souligne l’Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM) dans sa contribution au plan montagne préparé par le gouvernement, mise en ligne le 17 février. "Le tout ski est un modèle à revisiter, aussi bien en termes de fréquence que de durée des pratiques", estime-t-elle, constatant "une soif de la découverte du milieu naturel et humain et de l’ensemble des sports pleine nature, dans un milieu qui demeure largement préservé". Il est nécessaire de "favoriser l’accompagnement des stations dans leurs démarches, tant du point de vue du support à l’investissement dans des projets structurants que dans les démarches administratives et l’ingénierie projet".