Politique de la ville - Les régions mettent près d'un milliard d'euros dans les quartiers

Comme elles s'y étaient engagées, les régions vont consacrer 924 millions d'euros de leurs enveloppes Feder et FSE au profit des quartiers, soit un peu plus des 10% prévus. 150 intercommunalités devraient en bénéficier. La région Ile-de-France donne le la : elle vient d'accorder 100 millions d'euros à 12 territoires. Pour les contrats de ville en cours de signature, c'est une manne à mobiliser. Mais il n'y en aura pas pour tout le monde.

Le compte y est. Le 13 février 2013, l'ancien ministre délégué à la Ville François Lamy et le président de l'Association des régions de France (ARF) Alain Rousset s'étaient engagés à mobiliser plus de 10% de leurs enveloppes Feder et FSE pour les quartiers en difficulté. Un engagement repris ensuite dans l'Accord de partenariat français 2014-2020 validé par Bruxelles en août 2014. Dans leurs programmes opérationnels, les régions - qui sont désormais autorités de gestion du Feder et d'un tiers du FSE - ont même fait un peu mieux que prévu : elles investiront 924 millions d'euros dans la politique de la ville, soit un peu plus de 10%. A cela s'ajoutent les 200 millions d'euros que l'Etat prendra sur sa propre enveloppe FSE qui doit être déléguée pour partie aux départements. A titre de comparaison, en 2007-2013, 90 millions d'euros du FSE (2%) et 535 millions d'euros du Feder (7%) avait bénéficié à 62 quartiers, appelés "programmes urbains intégrés" dans le jargon communautaire. Cette fois, environ 150 intercommunalités devraient être concernées, près du double.

"Les régions ne vont pas signer de chèque en blanc"

La France va ainsi au-delà de ce qu'exige Bruxelles : l'article 7 du règlement du Feder impose en effet qu'un minimum de 5% des crédits aillent en direction des "actions intégrées en faveur du développement urbain durable". Ce qui, au passage, permet à la Commission d'intervenir indirectement dans un domaine où elle n'a pas de compétence officielle. "La France est un pays exemplaire", a salué Normund Popens, le directeur général adjoint pour la politique régionale et urbaine de la Commission, jeudi 18 juin, lors d'un grand séminaire organisé à Paris par l'ARF et le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), coordonnateur de cette programmation européenne.
La journée du "18 juin" a quelque chose d'"ambivalent", "c'est Waterloo ou le sursaut de 1940", a fait remarquer Gilles Mergy, le directeur général de l'ARF. "En tout cas, les régions ont entendu l'appel du partenariat !"
L'implication des régions diffère cependant selon leurs caractéristiques. L'écart varie de 5% pour le Centre et Poitou-Charentes à 20% pour l'Ile-de-France.
A elles à présent de sélectionner les projets dans les territoires en organisant un appel à projets. "Les régions reconnaissent parfaitement le rôle pilote des collectivités locales. Pour autant, elles ne vont pas signer de chèque en blanc", a prévenu Gilles Mergy.

12 territoires sélectionnés en Ile-de-France

La région Ile-de-France, la plus généreuse dans ses enveloppes, mais qui compte aussi sur son territoire 3 des 5 millions d'habitants des quartiers de la politique de la ville, a pris les devants. Elle vient tout juste de sélectionner les projets de 12 agglos qui vont bénéficier d'une enveloppe de 100 millions d'euros. Cet argent financera des projets liés à l'efficacité énergétique, à la création et à la reprise d'activité, au développement technologique et à l'innovation… Lors de sa phase de diagnostic, la région a constaté "de véritables inégalités au niveau de l'expertise des territoires", a expliqué Roberto Romero, vice-président de la région Ile-de-France chargé des affaires internationales et européennes. Elle a donc décidé de monter une "brigade d'intervention mobile" composée d'experts territoriaux qui se déplaceront pour accompagner les collectivités dans leurs projets. Quant aux sept territoires écartés de l'appel, "ils ne resteront pas sur le carreau", a assuré Roberto Romero, ils seront éligibles à un autre appel à projets qui se tiendra entre juillet et septembre sur la base d'autres crédits régionaux, y compris européens.
Au plan national, un "réseau urbain national" est en train d'être constitué, sur le principe du "réseau rural français" mis en place lors de la précédente programmation pour les territoires ruraux. Regroupant les intercommunalités éligibles, il leur permettra d'échanger entre elles. "103 intercos de 18 régions sont d'ores et déjà intégrées dans cette démarche", a indiqué Marie-Caroline Bonnet-Galzy, commissaire générale à l'égalité des territoires. "Les régions sont favorables à la mise en place du réseau urbain national", qui permettra "une capitalisation des bonnes pratiques", s'est félicité Gilles Mergy pour qui "la complexité des dispositifs nécessite un tel réseau".

Contrats de ville

En période de disette budgétaire, le démarrage de cette programmation européenne intervient à point nommé pour financer une partie des contrats de ville en train d'être signés. Pour Marie-Caroline Bonnet-Galzy, il y a "une configuration astrale très favorable". La CGET a confirmé que les trois quarts des 400 contrats seront signés d'ici fin juillet. Mais tous ne pourront pas accéder à ces crédits. Tout d'abord parce que les régions ne visent pas exclusivement les quartiers de la nouvelle géographie prioritaire et peuvent avoir leur propre géographie. Ensuite, parce que le nombre de contrats de ville est nettement supérieur à celui des programmes urbains intégrés. "On n'est pas là uniquement pour répondre aux appels d'offres", a fait remarquer Jean-Claude Dardelet, vice-président de Toulouse Métropole. Selon lui, il faut que les agglos soient "associées à leur élaboration, sinon cela ne vas pas donner le succès escompté".
Pour les porteurs de projets qui n'auraient pu participer à cette rencontre, à noter que Profession banlieue organise une séance de rattrapage le 24 juin à Saint-Denis.