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Crise financière et économique - Les régions à l'heure des plans de relance

Compétentes en matière de développement économique, les régions sont en ordre de bataille pour lutter contre les effets de la crise sur les entreprises. Un peu partout, elles développent leurs propres plans de relance.

La France, comme les autres pays européens, s'apprête à vivre au ralenti et les entreprises sont les premières à en faire les frais. D'après les derniers chiffres publiés par l'Insee, le produit intérieur brut (PIB) devrait chuter de 0,8% au dernier trimestre et l'activité devrait se contracter de 0,4% au premier trimestre 2009. D'où l'idée qui commence à germer d'un deuxième plan de relance après celui validé le 19 décembre 2008 par le Conseil des ministres, de l'ordre de 26 milliards d'euros. A tout le moins, l'exécutif veut accélérer les mesures déjà adoptées. Les collectivités territoriales se sont elles aussi mises en ordre de bataille pour aider les PME à faire face à leurs difficultés annonçant ça et là leurs propres plans de relance. Si l'on y ajoute le plan de 200 milliards de l'Union européenne, c'est donc une fusée à trois étages qui est progressivement mise en place pour juguler les effets de la crise. Mais l'impact n'est pas le même sur tout le territoire. "Certaines régions ne ressentent pas encore les effets de la crise", explique Anne Wintrebert chargée de mission à l'Association des régions de France (ARF). Ainsi en Languedoc-Roussillon ou en Picardie, des filières, comme l'agroalimentaire ou le bâtiment, ne sont pas encore touchées. En revanche, ailleurs, comme en Ile-de-France, et dans certains secteurs, l'automobile en particulier, les effets sont bel et bien là. "La crise agit en fait comme un révélateur des faiblesses structurelles, détaille Anne Wintrebert, les entreprises déjà fragiles avant la crise sont les plus impactées, celles qui étaient saines avant la crise résistent."
Côté gouvernance des actions, les préfets ont parfois pris les devants sans solliciter les régions, organisant des réunions avec les banquiers. "Dans beaucoup de cas, les conseils régionaux n'ont pas été sollicités, assure ainsi l'ARF, même si dans certaines régions, comme en Picardie ou en Franche-Comté, des comités de pilotage réunissant préfet, conseil régional et banquiers, ont pu être mis en place."
En quête de légitimité économique, les régions ont saisi l'occasion pour s'imposer aux côtés de l'Etat. Certaines ont mis en place des cellules de crise internes pour mieux gérer les actions à entreprendre. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur a quant à elle convoqué tous les établissements bancaires pour discuter des actions à mettre en place et fait maintenant le tour des départements pour communiquer sur les dispositifs existants. "Les régions lancent des actions supplémentaires pour lutter contre la crise, détaille l'ARF, mais elles tentent aussi de communiquer davantage sur ce qui existe." L'augmentation de l'effort d'investissement, la diminution des délais de paiement et l'augmentation des taux d'avance (de 5 à 15%) dans les marchés publics font partie des principaux leviers utilisés par les régions pour aider les entreprises. Elles ont aussi toutes redoté leurs fonds de garantie mis en place avec Oséo pour démultiplier leur capacité de garantie et les sociétés de capital-risque. Autres leviers utilisés : la formation professionnelle, en Franche-Comté et en Picardie notamment, et des  efforts sur l'innovation pour préparer l'après-crise.

 

57 millions en Rhône-Alpes

Si les leviers principaux sont toujours les mêmes, les actions mises en place sont très variées. Souhaitant se placer "en première ligne", la région Rhône-Alpes a mis en place mi-décembre 2008, un plan de soutien à l'économie et l'emploi de 57 millions d'euros avec trois axes prioritaires : l'investissement, la formation et les entreprises. 9,3 millions d'euros seront ainsi consacrés à la formation des jeunes et des salariés d'entreprises en difficulté, au soutien à la création d'emplois aidés ou dans les secteurs de la santé et de la solidarité. Autre initiative : la région Ile-de-France a décidé de mobiliser près de 190 millions d'euros pour lutter contre les difficultés d'accès au crédit qui affectent les TPE et les PME. Elle envisage notamment de renforcer le fonds régional de garantie pour démultiplier l'accès des PME franciliennes au crédit, de renforcer le capital-investissement régional, et crée un fonds de prêts d'honneur. La région compte aussi lancer dès début 2009 une aide régionale dédiée à la sauvegarde et à la restructuration d'entreprises en difficulté. Cette aide, d'un montant maximum de 300.000 euros, vise à permettre aux PME bénéficiaires, confrontées à des difficultés économiques mettant en jeu leur survie, de rétablir au plus vite leur situation. La région Aquitaine a elle aussi mis en place des dispositifs spécifiques. Elle a créé mi-décembre 2008 un comité de pilotage financier régional. Réunissant un représentant de chaque banque du comité régional des banques, du conseil régional et d'Oséo, il est chargé de suivre les entreprises en difficulté pour leur trouver des solutions rapidement. La région réfléchit également à la mise en place d'un fond de soutien au développement régional. L'idée serait de permettre à une région de créer, à sa demande, un fonds dédié au soutien du développement régional, qui serait alimenté pour partie par le dépôt de fonds libre de la collectivité, lesquels seraient déposés, non plus au Trésor mais auprès de banques régionales. Objectif : permettre à ce fonds d'allouer aux TPE et PME des prêts à taux intéressants. Autre initiative régionale : la région Poitou-Charentes a annoncé en octobre le lancement d'un plan de soutien au développement des PME, d'un montant de six millions d'euros. Les départements ne sont pas en reste. Certains ont mis en place des actions spécifiques pour contrer les effets de la crise sur les entreprises. En Seine-Maritime, un plan d'actions a été adopté, avec quatre volets principaux : le sauvetage des PME sous forme de crédits, avec une nouvelle aide de trésorerie accordée aux PME qui présentent des difficultés passagères, une aide à la restructuration des PME en difficulté, l'aménagement des dispositifs existants (prêts et avances) et l'implication renforcée dans les plans de revitalisation de territoires.

"L'Etat décide à la place des collectivités en les étranglant financièrement"

Au-delà de ces initiatives locales, l'ARF s'est également positionnée pour le compte de toutes les régions et a fait des propositions au Premier ministre pour soutenir les PME. Six mesures ont ainsi été avancées par Alain Rousset, président de l'ARF. Elles consistent notamment à agir sur les encadrements communautaires, en accroissant par exemple les taux de financement public : les aides à l'investissement des PME et les aides à finalité régionale (AFR). Alain Rousset doit rencontrer le 14 janvier 2009 Nelly Kroes, commissaire européenne chargée de la concurrence, pour aborder le sujet. Autre mesure avancée : relever la sécurité des emprunts en constituant des fonds de garantie ouverts aux emprunts des PME, constituer des fonds de mobilisation de créance auxquels les collectivités publiques apporteront leur garantie, ou encore permettre aux collectivités de garantir les opérations d'escompte. Mais si les régions s'investissent fortement dans ce domaine, jugé prioritaire actuellement, elles regrettent encore de n'avoir pas été associées à la conception du plan de relance imaginé par le gouvernement. "Il n'y a eu aucune concertation préalable", a récemment affirmé Alain Rousset, lors du dernier Congrès de l'ARF, alors que 2,5 milliards d'euros sont à la charge des collectivités territoriales. Les régions se plaignent que "l'Etat décide à la place des collectivités locales tout en les étranglant financièrement".


 

Emilie Zapalski