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Décentralisation - Les propositions des acteurs de la "territoriale" pour la nouvelle étape de la décentralisation

A l'appel du Centre national de la fonction publique territoriale, les principaux acteurs de la territoriale - élus, agents et leurs représentants syndicaux, institutions - viennent d'émettre des propositions dans le domaine des ressources humaines territoriales. Le but étant que celles-ci trouvent leur place dans le prochain projet de loi sur la décentralisation. Quasi unanimement, ils ont souhaité un statut conforté et des institutions mieux coordonnées.

Le projet de loi sur la nouvelle étape de la décentralisation, qui sera déposé au mois de novembre pour être discuté à partir de janvier au Sénat, constitue une "fenêtre" pour améliorer le fonctionnement de la fonction publique territoriale. De plus, il serait opportun que le texte prévoie des mesures destinées à accompagner les transferts de personnels qui découleront des réorganisations. Pour alimenter la réflexion du gouvernement et les amendements parlementaires, l'ensemble des acteurs de la fonction publique territoriale a émis des propositions lors d'une rencontre organisée le 25 septembre, au Palais du Luxembourg à Paris, par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).
Au programme : quatre séquences consacrées respectivement au recrutement, à la formation et à la carrière des agents, ainsi qu'à l'organisation institutionnelle de la fonction publique territoriale.

Recrutement : "ouvrir des portes latérales"

En ce qui concerne le recrutement, l'adaptation de ses modalités doit se poursuivre sans remettre en cause le principe du concours. Valérie Chatel, présidente de l'association des DRH des grandes collectivités, a plaidé pour que soient aménagées "des portes latérales". Pour diverses raisons. La première étant la nécessité aujourd'hui de favoriser l'accès à la fonction publique pour des populations qui y sont peu représentées. "Il faut réfléchir à la mise en place de mécanismes de préparation aux concours pour des personnes qui ne pensent pas à la fonction publique, mais qui pourraient être efficaces en son sein", a préconisé Dominique Bolliet, maire-adjoint à la ville de Lyon. Une piste qui pourrait être couplée avec une diversification de la composition des jurys de concours et de recrutement dans le but d'éviter un phénomène de "reproduction sociale", a estimé Valérie Chatel.
Autre idée versée à la réflexion : le développement des concours sur titres, en particulier pour les professions réglementées. Sans remettre en cause la nécessité d'un égal accès à la fonction publique, cela permettrait d'attirer plus facilement les personnes correspondant à ces profils. Autre voie d'entrée dans la fonction publique territoriale à développer : l'apprentissage, qui aujourd'hui ne concerne que 5.000 jeunes par an. Mais il faudra pour cela mettre fin à un certain nombre de freins juridiques et revaloriser l'image de l'apprentissage, qui aujourd'hui est "négative".
S'agissant des concours, il faudrait poursuivre la professionnalisation du contenu des épreuves et améliorer leur organisation. Plusieurs pistes ont été avancées en ce sens, telles que la mise en place d'un calendrier national, la réalisation d'un recensement des besoins de recrutement à l'échelle nationale et une coordination renforcée entre les centres de gestion. La décision de ces derniers d'organiser le concours d'attaché territorial tous les deux ans n'est pas un progrès, a critiqué, au passage, la directrice générale adjointe d'une commune de l'agglomération rennaise. En cas d'échec à une session, il faut à un candidat quatre ans pour décrocher son inscription sur une liste d'aptitude, a-t-elle fait remarquer. Un employeur peut-il encore, au moment de l'embauche d'un contractuel, demander à celui-ci de passer le concours, alors que les épreuves sont organisées tous les deux ans, s'est interrogée, de son côté, la responsable emploi et compétences d'un conseil général.

Plans de formation : encore un effort !

En matière de formation, la loi du 19 février 2007 a permis des avancées, notamment en mettant en place de nouveaux outils (le droit individuel, le livret individuel, la reconnaissance de l'expérience professionnelle) et en renforçant d'autres (la validation des acquis de l'expérience, le plan de formation, le bilan de compétences). Mais cinq ans après, le bilan est assez mitigé. Le droit individuel à la formation et la reconnaissance de l'expérience professionnelle sont encore peu utilisés, tandis que seulement 40% des collectivités ont aujourd'hui un plan de formation. Un taux bien trop faible pour François Deluga, le président du CNFPT. L'établissement chargé de la formation des territoriaux a besoin de s'appuyer sur ces plans pour répondre de manière "plus fine et plus réactive" aux besoins de formation des collectivités, a-t-il souligné. Pour progresser, les assemblées élues devraient avoir pour obligation de prendre une délibération sur le plan de formation, a proposé Vincent Potier, directeur général du CNFPT.
Au-delà, c'est une véritable culture de la formation qu'il s'agit de développer, a souligné Antoine Breining, président de la FA-FPT. "L'employeur doit être davantage moteur dans le déclenchement de la formation", a corroboré Adeline Hazan, maire de Reims et présidente de Reims métropole. "Celle-ci est encore trop vécue comme un passage obligé, et pas comme un outil permettant d'améliorer le fonctionnement de la collectivité", a-t-elle constaté. Elle a suggéré que, concrètement, l'entretien d'évaluation soit "plus approfondi".
Autre sujet à remettre sur le métier : les formations d'intégration des agents des catégories A et B. Autrefois considérées comme trop longues (90 jours pour un attaché), elles sont jugées au contraire beaucoup trop courtes depuis la réforme (5 jours). "Comment en si peu de temps transmettre auprès des jeunes les valeurs du service public, faire prendre conscience du rôle des collectivités dans le développement durable et insister sur la déontologie indispensable à avoir ?", s'est interrogé le directeur général du CNFPT.
Par ailleurs, de nouveaux outils de formation seraient justifiés, pour répondre en particulier au problème du reclassement, devenu plus aigu depuis la réforme des retraites. La création d'un droit à la formation au profit des personnes exerçant des métiers pénibles physiquement ou usants psychiquement, et l'instauration d'un bilan de compétences tous les dix ans, ont été mises en avant.

Rappeler les valeurs du service public

Sur le thème de la carrière des agents, les représentants syndicaux ont appelé à la vigilance face aux réorganisations et transferts de services à venir. Ces mouvements devront s'accompagner d'une harmonisation "par le haut" des conditions de travail et des régimes indemnitaires, a insisté Didier Pirot, secrétaire de la fédération Force ouvrière des services publics et de la santé. Les employeurs ont trouvé un défenseur par la voix de Pierre-Yves Blanchard. Le directeur général adjoint du CIG de la Grande Couronne a déploré la reprise en main par l'Etat, au cours des dernières années, de la gestion des carrières, s'agissant en particulier des conditions d'avancement de grade et de promotion. Il a pointé la mise en place de dispositifs contraignants (quotas). De son côté, Stéphane Pintre, président du Syndicat national des directeurs généraux de services des collectivités (SNDGCT), s'est inquiété pour la disponibilité et l'efficacité des agents, lorsque ceux-ci, de plus en plus nombreux, cumulent deux emplois, l'un dans le public et l'autre dans le privé. Autre inquiétude : le développement des nouvelles technologies de la communication, tels que les réseaux sociaux, qui incitent les agents à ne plus prendre en compte leur devoir de réserve.
Face à ces enjeux, entre autres, il serait pertinent de rappeler les valeurs du service public, ont estimé les participants, qui ont avancé l'idée d'une charte et même, pour certains, d'un "préambule au statut de l'élu".
Sur les sujets évoqués lors de la rencontre, il existe aujourd'hui entre les acteurs de la FPT "des consensus qui n'étaient pas présents il y a deux trois ans", a salué François Deluga. Faut-il y voir un signe de maturité de la FPT ? En tout cas, il s'agit là sans doute d'une chance pour son renforcement et, ainsi, pour la réussite de la prochaine étape de la décentralisation.

Thomas Beurey / Projets publics

Institutions : de petites "révolutions" en vue ?
Les présidents du CNFPT, du Conseil supérieur (CSFPT) et de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) étaient réunis côte à côte, ce 25 septembre. Un événement quasiment sans précédent. Mais qui pourrait se banaliser. Depuis un certain temps, l'ambiance s'est nettement améliorée entre les centres de gestion et le CNFPT. "On a arrondi les angles", reconnaît le président de la FNCDG, Michel Hiriart. "Entre nos institutions, la situation n'est pas idyllique, mais elle est normale... Il y a entre nous une convergence de vues sur quasiment tous les sujets", a admis de son côté François Deluga. Le retour de relations apaisées entre les deux organisations s'est traduit récemment par l'emménagement des collaborateurs de la FNCDG dans l'immeuble qui abrite le nouveau siège du CNFPT, à Paris. Une nouvelle étape sera franchie avec la convention que les deux partenaires signeront le 18 octobre prochain, lors du congrès de la FNCDG, qui se tiendra à Biarritz.
Depuis la loi de 2007, l'architecture institutionnelle de la FPT est nettement plus claire. "Par rapport à la situation d'il y a dix ans, les choses paraissent assez simples", a estimé François Deluga, qui a plaidé pour la stabilité de cette architecture. S'agissant de l'établissement qu'il préside, il a affirmé que la mutation induite par la loi de 2007 "commence à porter ses fruits". "Nous avons inversé la façon d'élaborer l'offre de formation", a-t-il précisé.
Contrairement au CNFPT, le Conseil supérieur et la FNCDG n'ont probablement pas encore vécu leur mue. "Le moment est venu que le CSFPT dispose de ses propres moyens", a estimé Philippe Laurent, président de cet organisme original, dont les moyens dépendent du CNFPT. Surtout, le maire de Sceaux a appelé à la "consolidation du collège des employeurs" du Conseil supérieur. Il s'agirait, dans le prolongement de la loi de février 2007, de donner aux élus du CSFPT qualité pour négocier des accords directement avec l'Etat et les organisations syndicales, au nom des employeurs territoriaux. "Un pas très important serait ainsi franchi", estime Philippe Laurent. "Face à l'Etat, les employeurs territoriaux ne sont pas forcément à égalité. Dans certaines négociations, il fallait se manifester très fortement pour donner nos positions", rappelle-t-il. Le gouvernement n'est pas forcément hostile à une telle évolution : de lui-même, il a convié le collège des employeurs du CSFPT aux réunions de l'agenda social.
De son côté, Michel Hiriart a défendu le souhait des présidents de centres de gestion de transformer la fédération en établissement public national. Légère, cette structure serait chargée de "coordonner" et de "mutualiser" les moyens des centres de gestion, notamment pour l'organisation des concours et des bourses de l'emploi.
Les présidents des trois institutions ont convenu de se rencontrer régulièrement pour améliorer la coordination entre leurs structures et défendre ensemble la fonction publique territoriale.
T.B.

 

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