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Politique de la ville - Les professionnels du développement social urbain viennent à l'intercommunalité

Bonne nouvelle pour François Lamy, les professionnels de la politique de la ville sont favorables à un périmètre unique d'intervention. En revanche, ils ne sont pas encore tous d'accord sur son échelle... Un consensus apparaît bien sur la nécessité d' "articuler les échelles et les stratégies", "de l'ilot au bassin de vie". "C'est l'idée d'un périmètre de projet complexe qui se dessine", selon l'IRDSU (étant entendu que c'est le périmètre qui est "complexe"? et pas l'idée).

L'édition 2012 de l'enquête nationale menée par l'IRDSU (Inter Réseau des professionnels du développement social urbain) auprès des professionnels de la politique de la ville et du développement social urbain alimentera cette année la contribution de l'Inter-Réseaux à la concertation nationale lancée par François Lamy. En partant de la réalité du terrain vécue par 152 professionnels, l'enquête met à jour des consensus sur les orientations nationales que le gouvernement devrait prendre, ainsi que les marges de manoeuvre à introduire ou développer pour adapter la politique de la ville aux contextes locaux.
Il apparaît ainsi que 70% des professionnels ayant répondu à l'enquête jugent "souhaitable" de définir un "périmètre unique d'intervention" de la politique de la ville dans les territoires, croisant les différents critères (indicateurs socio-économiques, urbain, éducation, sécurité). Ils y voient trois intérêts : simplifier les zonages, cibler l'observation et concentrer davantage les moyens.
Quartier, commune ou communauté d'agglomération ? L'échelle de ce futur périmètre ne fait pas encore consensus. L'IRDSU note toutefois que "la majorité (des professionnels) évoque un périmètre large, qui correspond à une échelle stratégique, commune ou agglo". Un périmètre qui "permet à la fois d’avoir une vision globale et de prendre en compte un territoire complexe dans lequel la pauvreté peut être diffuse", car "les quartiers les plus en difficulté peuvent être hétérogènes et ces situations peuvent évoluer dans le temps". L’impact des requalifications et des relogements serait ainsi plusieurs fois cité en exemple pour illustrer la nécessité de cette approche globale ainsi que la nécessité d'une adaptation et d'une réactivité plus grande des politiques à l’évolution du territoire.
On n'en est pas encore à définir les "Crucs" ("contrat de rénovation urbaine et de cohésion sociale") tels qu'envisagés par le ministre de la Ville, qui fusionneraient, à l'échelle intercommunale, tous les dispositifs actuels spécifiques à la politique de la ville, mais on pourrait s'en rapprocher...

Pour une "gouvernance partagée"

La question du périmètre unique renvoie à celle de la gouvernance. L’idée d’un "chef de file" garant de la cohérence du projet intéresse les professionnels. 85% d'entre eux pensent qu’il serait utile d'en désigner un entre la commune et l’intercommunalité, pour assurer le pilotage du projet. Et parmi eux, 62% pensent que, sur leur territoire, c'est l'intercommunalité qui devrait jouer ce rôle. A la lecture des commentaires associés à ces réponses, l'IRDSU relève que les professionnels préfèrent à l'idée de "chef de file" celle de "gouvernance partagée". L'idéal qui se dégage de l'enquête serait de parvenir à "un partage des rôles, à définir localement, qui s’appuie sur la capacité de l’intercommunalité à avoir une vision globale et à mutualiser des moyens".
Dans ces conditions, l'intercommunalité revêt alors toutes les vertus ; elle est "garante de la cohérence d’ensemble des projets Politique de la ville"; elle peut "faire le lien avec les documents programmatiques de bassin (logements, transports, développement économique...)"; elle propose "un niveau suffisant pour mutualiser et/ou mettre en oeuvre des moyens d’ingénierie, d’observation, d’évaluation, de prospective, de communication..."

Articulation, répartition, modulation… locales

"Du coup, note l'IRDSU, les questions de portage des crédits et de l’ingénierie restent à moduler, à répartir de manière fine entre commune et intercommunalité, en fonction de la manière locale d’articuler toutes ces dimensions." Pour améliorer l'ingénierie locale (48% considèrent qu'elle ne correspond pas aux besoins de leur territoire), le premier levier à actionner serait "la coordination entre les équipes existantes" (46%, devant la création de postes à 28%). Là encore, la coordination entre communes et agglomérations est souvent évoquée. Moins, toutefois que l’amélioration de l'organisation au sein même de la collectivité (autour du duo urbain/social, parfois dans une logique large Cucs/Agenda 21/PLU/Scot ou encore en ciblant l’articulation entre équipe Politique de la Ville et services de droit commun). L'un n'empêchant pas l'autre…
Les professionnels seraient donc prêts à reconnaître à l'intercommunalité "un rôle de pilotage stratégique, de coordination/animation et d’appui", mais ils rappellent immédiatement "le rôle important de la commune à une échelle de proximité avec les habitants comme avec les acteurs locaux" et certains notent "l’enjeu démocratique, la commune restant l’échelon direct pour lequel les habitants s’engagent lors des élections".
A noter qu'il reste des professionnels ("une minorité", assure l'IRDSU) qui réaffirment "le rôle prépondérant de la commune" pour le pilotage politique, technique et financier. Ce serait principalement du fait que, sur leur territoire, l’intercommunalité n’existe pas, ou que tous les quartiers concernés sont sur le territoire de la ville-centre ou encore parce que leur intercommunalité "n’est pas du tout une intercommunalité de projet” et n’est donc "pas en mesure de porter une vision stratégique".

L'engagement renforcé des conseils généraux et régionaux

La "gouvernance partagée” s’appuierait également sur un partenariat où le conseil général et le conseil régional mobiliseraient davantage leurs politiques de droit commun pour les quartiers prioritaires. La quasi-totalité des réponses appelle également à "un engagement" (ou à "un retour") de ces deux collectivités dans "un vrai partenariat" qui passerait par une participation effective (voir "obligatoire" pour certains professionnels) à la gouvernance des contrats ; une contribution à la définition des objectifs et des orientations du contrat (le conseil général autour des questions d’action sociale/insertion/prévention et le conseil régional autour des questions de développement territorial et de formation) ; une mobilisation de leurs expertises dans ces domaines et un appui aux acteurs locaux, notamment dans les phases de diagnostic et d’évaluation.
Certains professionnels évoquent le rôle que devraient jouer ces deux collectivités en termes de soutien à l’innovation, de pérennisation des dispositifs et de défense des territoires au niveau national sur des enjeux structurants comme les transports ou le développement économique.
Enfin, la majorité des professionnels insiste sur la nécessité d’un partenariat large et actif avec les autres acteurs institutionnels (CAF, Education nationale) ou locaux (bailleurs, associations...). En insistant sur le principe qu’un "vrai partenariat" doit les impliquer dès la phase de diagnostic/choix stratégiques et jusqu’à l’évaluation, même pour les acteurs locaux ou les opérateurs.

De la capacité des habitants à s'impliquer...

Quant aux habitants, non seulement leur place doit être renforcée, mais c’est en amont du projet de territoire que le développement de leur "pouvoir d’agir" doit être rendu possible. Au risque de se positionner à contre-courant des discours politiques dans l'air du temps, de part leur expérience de terrain, "beaucoup de professionnels posent la question de la légitimité ou de la capacité des habitants à s'impliquer", relève l'IRDSU, "ils proposent alors de développer des moyens et de l'ingénierie, dans les collectivités ou les associations, dédiés à l'accompagnement des collectifs d'habitants".
Concernant "l’Etat local" (DDCS, DRJSCS, délégués du préfet, Sgar...), "ce qui ressort principalement, c’est le souhait de revenir à une posture où l’Etat est véritablement partenaire du projet", observe l'IRDSU. "Ce qui passe par une présence active dans les instances et auprès des équipes." L'Etat local doit aussi être "l’arbitre" des débats entre acteurs locaux, "en mesure de rappeler les uns et les autres à leurs engagements". Les professionnels attendent également de lui d’avoir une fonction "ressources" en appui aux acteurs locaux, notamment pour l’information sur les dispositifs et les financements ou la mobilisation du droit commun. "Les délégués du préfet, par leur disponibilité et leur proximité, doivent alors jouer un rôle central dans ces fonctions de transmission d’information (descendante et montante), de soutien aux acteurs, de coordination et d’interface avec les services de l’Etat", commente l'IRDSU.