Politique de la ville - Pour l'Irdsu, les réformes ne peuvent pas attendre 2014

Une pierre de plus dans le jardin de la politique de la ville. L'enquête annuelle de l'Irdsu auprès des professionnels de la politique de la ville et du développement urbain social révèle un profond sentiment de malaise. "Dégradation de la situation socio-économique pour les habitants, et notamment chez les jeunes, dégradation du climat social, recul des moyens budgétaires et humains des services publics de droit commun, perte de crédit et de légitimité de l'Etat local [sic], renforcement des déséquilibres entre collectivités, difficultés persistantes à articuler l'urbain, l'économique et l'environnemental, recul de la démocratie participative", sont là les principaux constats des 63 réponses (provenant de chargés de mission, chefs de projet et autres fonctions relatives à des structures en charge de la politique de la ville) reçues en ligne par l'Inter-réseaux des professionnels du développement social urbain.
Plutôt que de rassurer, les récents discours de François Fillon, le 8 novembre 2010 à Garges-lès-Gonesses (lire notre article ci-contre), et de Maurice Leroy, le 6 décembre à Gennevilliers (lire notre article ci-contre), ont attisé les craintes sur l'avenir de la politique de la ville. Quand le Premier ministre annonce "des contrats urbains de cohésion sociale expérimentaux sur une trentaine de sites" grâce à "des engagements concrets de l'Etat, des collectivités territoriales et de Pôle emploi", et que le ministre de la Ville préconise le retour du droit commun, l'enquête montre que, pour les professionnels, la "sanctuarisation" doit se faire dans tous les quartiers prioritaires, avec l'urgence de pallier le "décalage entre les enjeux, renforcés par la dégradation de la situation économique, et les moyens consacrés aux quartiers par les pouvoirs publics".

Remobiliser l'Etat local

Ces mêmes professionnels souhaitent "la réaffirmation d'un vrai caractère interministériel pour la politique de la ville", soit "un conseil interministériel des villes [CIV] régulier [le calendrier de celui du gouvernement Fillon II s'étant révélé intenable, ndlr], un secrétariat général du CIV organisé pour interpeller les autres ministères, un Conseil national des villes pleinement légitimé". Les acteurs de la politique de la ville réclament encore "un message politique national" pour relancer les projets de territoire sans attendre les échéances électorales (2012 pour les nationales et 2014 pour les locales) et pour soutenir cette politique dont dépendent des millions de Français. Ce qui se fera sans aucun doute par une remise à plat de cette géographie prioritaire tant attendue et tant redoutée. Qu'elle soit nécessaire personne ne semble le contester, mais qu'elle soit faite "en dépit d'une véritable concertation", ces professionnels le craignent.
Dans un communiqué du 13 décembre, qui reprend les grandes lignes de son enquête, l'Irdsu demande par conséquent au gouvernement de se remobiliser dès 2011 sur cinq priorités : des services publics de droit commun dans tous les quartiers, surtout auprès des territoires les plus en difficulté ; la prise en compte par l'Etat de la capacité des acteurs locaux à construire leur projet ; la remobilisation des services de l'Etat local sur la plus-value des projets de territoire ; et un engagement prioritaire sur l'articulation entre les différents axes de la politique de la ville (urbain, social, économique, environnemental).
"Notre pays peut et sait rassembler ses forces lorsque l'enjeu est important", affirmait le Premier ministre, le 8 novembre, en vantant la réussite du plan national de renouvellement urbain. Que Maurice Leroy ne soit pas "Merlin l'enchanteur", personne ne le conteste, mais qu'il sache rassembler "ses forces", c'est ce que les associations d'élus, les professionnels et les habitants de ces "territoires" espèrent.

"Ce n'est pas un problème de mesures, mais de volonté politique", selon Claude Dilain

Le président de l’association Ville et banlieue s'inquiète, dans un entretien vidéo du 14 décembre sur le site connexite.fr, du retard considérable des mesures préconisées, entre autres, par Nicolas Sarkozy pour réformer la politique de la ville.
"Accentuer l'effort de solidarité sur certaines villes, revoir la géographie prioritaire, sont des mesures annoncées par le président de la République qui, non seulement plusieurs années après n'ont pas été respectées, mais visiblement ne le seront pas avant 2013", regrette Claude Dilain.
La forte période électorale (les élections présidentielles) et des mesures (effort de solidarité entre autres) qui ne seraient pas populaires sont, selon le maire de Clichy-sous-Bois, des freins à cette réforme. "Et cela est très grave, car nous avons des villes qui souffrent, des habitants qui souffrent et qui se sentent de plus en plus exclus de la République." Pour l'élu, il ne manque que la volonté politique de faire changer les choses. "Ce n'est pas un problème de mesures mais de volonté politique." "Certains territoires sont exclus des services publics, du système économique, culturel, social. Il ne manque que la volonté de dire 'on va réintégrer ces territoires'." Pour mener à bien la réforme, "il faut mobiliser l'ensemble des ministères", selon Claude Dilain. Le rassemblement des forces voulu par Fadela Amara, ancienne secrétaire d'Etat à la Politique de la ville, et réitéré dans le discours de Maurice Leroy du 6 décembre dernier, semble une condition sine qua non pour mener à bien la politique de la ville. Si pour le président de Ville et banlieue, la nomination d'un véritable ministre à la place d'une secrétaire d'Etat à la Politique de la ville est une satisfaction, "l'impression d'avoir été entendus", il demeure, en constatant que les associations sont dans certains quartiers en "première ligne", "lorsqu'elles font de la délégation de service public",  le sentiment "qu'on a abandonné". Et le maire de réaffirmer qu'il faut donc bel et bien concentrer les efforts sur certaines villes mais "ne pas passer du tout au rien". Et de préconiser une réelle concertation, car "il y a une diversité de réponses à une diversité de problèmes". Claude Dilain craint, à l'instar des professionnels interrogés par l'Irdsu, "que les problèmes soient gérés par un comité de petits parlementaires sans avoir consulté d'acteurs sur le terrain". 

 

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