Sécurité civile - Les pompiers s'insurgent (toujours) contre les fermetures de casernes
Après dix années de baisse, les effectifs de sapeurs-pompiers volontaires semblent enfin repartir à la hausse. Ils étaient 193.756 fin 2014, selon les derniers chiffres de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises publiés le 22 septembre, à la veille du congrès des pompiers qui se tient du 23 au 26 septembre à Agen. C'est 1.442 de plus qu'en 2013, même si ce nombre inclut les quelque 500 pompiers du Sdis de Mayotte. Toutefois, on reste encore loin du niveau de 2003 (205.476) et de l'objectif de 200.000 en 2017 assigné par le président de la République. Et il est encore un peu tôt pour y voir les effets de l'Engagement national pour le volontariat de 2013, estime la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) pour qui la situation reste fragile. Certes, deux ans après la signature de cet engagement lors du congrès de Chambéry, la plupart des 25 mesures ont été prises au niveau national : accès aux logements sociaux proches des casernes, conventions avec les employeurs privés ou publics, notamment l'Association des maires de France, amélioration de la formation, lancement d'une grande campagne nationale d'information...
"Un malaise qui persiste"
Mais "dans les territoires, cette déclinaison a un peu de mal. Les remontées de terrain témoignent d'un malaise qui persiste", estime le colonel Eric Faure, président de la FNSPF. Face à la pression budgétaire, les sapeurs-pompiers volontaires "ont le sentiment d'être pris pour des supplétifs, d'être utilisés comme la variable d'ajustement budgétaire", commente-t-il. Un message qu'il entend faire passer au ministre de l'Intérieur qui se rendra sur place samedi 26 septembre et au président de l'Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, intervenant pour sa part ce vendredi. Eric Faure leur demande de mettre un terme aux fermetures intempestives de casernes décidées par des départements asphyxiés financièrement : environ 1.000 en dix ans. L'Engagement national prévoyait de pérenniser le maillage, mais celui-ci comporte désormais 7.015 centres de secours, avec 136 fermetures en 2014, dont la moitié dans un seul département. La tendance se poursuit, que ce soit en Corrèze, en Loire-Atlantique, dans la Vienne, le Calvados ou l'Hérault... "Les casernes sont à la fois le point de départ du secours, un élément du tissu social, un point de recrutement", souligne Eric Faure qui, seul en lice, sera réélu pour trois ans à la tête de la fédération au cours de ce congrès. La fédération s'insurge du fait que ces fermetures ont été décidées "sans aucune concertation, à l'encontre de la sanctuarisation du maillage territorial fixée par le président de la République" et qu'elles "s'inscrivent dans une logique d'économies à court terme" (voir aussi encadré ci-dessous).
Eric Faure déplore aussi le développement de l'utilisation des volontaires en gardes postées plutôt qu'en astreintes, pointant "le risque d'une requalification des sapeurs-pompiers volontaires en tant que travailleurs" au regard du droit européen. Il constate au passage que les pompiers sont les grands absents du comité interministériel aux ruralités du 14 septembre à Vesoul au cours duquel 21 nouvelles mesures ont été annoncées, notamment pour préserver les services publics de proximité. A cette occasion, le président de la République a rappelé son objectif : l'accès aux soins urgents pour tous en moins de trente minutes. Selon le gouvernement, 2 millions de Français se trouvaient à plus de trente minutes de soins urgents en 2012, ils ne sont plus qu'un million aujourd'hui. "C'est faux, on est stupéfait", s'agace Eric Faure. "En moyenne, l'intervention des sapeurs-pompiers est de douze minutes, rappelle-t-il. On ne parle que des médecins volontaires des Samu et on occulte la collaboration avec les sapeurs-pompiers volontaires."
Faire du 112 le numéro d'urgence unique
Les pompiers ont aussi une proposition à faire au ministre de l'Intérieur et aux départements : que le 112, numéro d'urgence européen, devienne le seul et unique numéro d'urgence en France. Ce qui impliquerait d'effacer la dizaine de numéros d'urgence qui se juxtaposent en France (le 15 du Samu, le 17 de la police, le 18 des pompiers, mais aussi le 112, le 114 pour les sourds et malentendants, le 115 de l'urgence sociale, le 119 pour l'enfance maltraitée…) et de mettre en place des plateformes uniques. "C'est une échéance à dix ans, on passerait de 450 sites aujourd'hui à 10 ou 20", précise Eric Faure. Cette rationalisation éviterait les déperditions d'appels (12% des appels reçus par les pompiers proviennent de transferts d'autres services) et assurerait des économies. "Nous n'avons plus les moyens de gérer ces centres d'appels d'urgence (...). On ne peut plus raisonner à l'échelle d'un département, mais à l'échelle d'un bassin de population de plusieurs millions d'habitants", poursuit-il, citant les exemples de Madrid ou de la Lombardie où ont été créées des plateformes uniques du 112 pour 6 et 10 millions d'habitants. La Finlande aussi possède seulement six centres d'appels du 112 pour tout le pays. Paris et la petite couronne ont déjà pris les devants : la préfecture de police et la brigade des sapeurs-pompiers de Paris lanceront une plateforme unique au premier semestre 2016.
Enfin, la FNPSF demandera d'attribuer le label "grande cause nationale 2016" à la prévention des accidents domestiques.
Michel Tendil
Le budget des Sdis "relativement stable" en 2014
Le total du budget des Sdis est "relativement stable (+1%)", constate la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) dans ses "Statistiques 2014" publiées le 22 septembre. A 4,1 milliards d'euros, leur budget de fonctionnement augmente de 2%. Mais les dépenses d'investissements (matériel incendie, constructions…) ont baissé de 4%, à 836 millions d'euros. En cinq ans, le budget des Sdis a progressé de 3,65% (hors inflation) : les charges de fonctionnement ont progressé de 6,94% et celles d'investissement ont baissé de 9,89%.
Cette tendance conforte les conclusions de l'Institut français de sécurité civile (Ifrasec), dans une
note datée de septembre 2015. L'Ifrasec constate une "maîtrise des dépenses de personnel" des Sdis entre 2011-2013 "avec une moyenne des trois exercices égale à +0,1 % par an". "Cela constitue un fait majeur dans le paysage de la fonction publique territoriale", souligne ce cercle de réflexion proche de la FNSPF. Les auteurs insistent aussi sur le fait que, si les volontaires assurent "69% du temps total passé en intervention", "les dépenses de personnel des Sdis sont corrélées à 99% à l'effectif des personnels titulaires ou contractuels, soit au total 51.473 agents en 2013". L'institut met en garde contre de "fausses-bonnes idées" pour faire face à la raréfaction des ressources budgétaires, comme la fermeture de petits centres d'incendie et de secours (CIS). Impliquant exclusivement des sapeurs-pompiers volontaires, cette solution "ne doit pas être liée à un enjeu d'économies". "Il n'y aucune corrélation entre les dépenses réelles de fonctionnement des Sdis et leur nombre de CIS", insiste la note.
M.T.