Innovation - Les pôles de compétitivité sont-ils efficaces ?

En attendant l'audit des 71 pôles de compétitivité attendu pour le mois de juin, une étude réalisée par une équipe de chercheurs du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) se montre critique sur l'efficacité réelle de ce dipositif lancé en 2005 pour relancer l'innovation.

Intitulée "Les pôles de compétitivité : que peut-on en attendre ?", l'étude souligne notamment les limites de l'intervention étatique. Principales conclusions avec Philippe Martin, l'un des auteurs, professeur à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne.


Localtis : Quelles sont les conclusions de votre enquête ?

Philippe Martin : Nous avons cherché à mesurer le gain réalisé par une entreprise qui intègre une zone d'emploi où d'autres sociétés, travaillant dans le même secteur d'activités, sont regroupées. Notre conclusion est simple : s'il y a bien un gain, il est très modeste. Pour obtenir 5 à 8% de gain en productivité, il faut doubler le nombre de travailleurs situés sur la même zone d'emploi, ce qui correspondrait à un véritable bouleversement géographique pour la France. Pour nous, le gouvernement a mis trop d'attentes dans cette politique des pôles. Il y a des gains mais il ne faut pas attendre un miracle.


Comment jugez-vous les objectifs de cette politique des pôles ?

Ils ne sont pas clairs. L'Etat ne sait pas choisir entre des objectifs d'efficacité et des objectifs d'aménagement du territoire, avec une volonté de répartir, de manière équitable, les 71 pôles labellisés. Les objectifs devraient être avant tout d'ordre économique. L'Etat devrait aussi réfléchir à la façon dont il pourrait aider les entreprises à attirer des travailleurs. Les travailleurs français restent peu mobiles d'une région à l'autre. C'est une véritable problématique pour les entreprises. Sur ce point, les collectivités locales ont des efforts à faire, notamment en matière d'infrastructures publiques et de réglementations locales.


Les collectivités reprochent souvent au gouvernement de privilégier les "gros" pôles de compétitivité. Qu'en pensez-vous ?

Les collectivités veulent toutes avoir un pôle de compétitivité sur leur territoire. Elles souhaitent que l'Etat donne un peu à tout le monde. Or, ce "saupoudrage" de la politique des pôles, c'est l'inverse de ce qu'il faut faire. En revanche, c'est vrai qu'il faudrait davantage aider les petites et moyennes entreprises, et notamment les monoétablissements, à s'investir dans les pôles, plutôt que de subventionner des grandes entreprises qui n'ont pas forcément besoin de l'intervention de l'Etat pour développer leurs innovations.


Propos recueillis par Emilie Zapalski

 

Les PME, victimes d'un manque de considération ?

 

Outre le surnombre des pôles en France, la faible participation des PME est la critique la plus souvent formulée à leur égard. A y regarder de plus près, c'est davantage d'un manque de valorisation au sein des pôles dont elles souffrent. De fait, selon la Direction générale des entreprises (DGE), elles sont près de 4.000 à être impliquées dans un pôle, soit 80% du total. Elles emploient 126.000 salariés (soit un peu plus de 19% de la totalité des salariés des établissements). Certains pôles sont même presque exclusivement constitués de PME, précise la DGE. C'est le cas, par exemple, de Cap Digital en Ile-de- France, Cancer Bio Santé à Toulouse, ou Imaginove à Lyon. Toutefois ces chiffres doivent être relativisés, insiste le Comité Richelieu, car la DGE utilise une définition très large de "PME", incluant notamment les filiales des grands comptes. Et selon cette association représentative des PME innovantes, l'argent attribué aux pôles bénéficie avant tout aux grandes entreprises. En effet, selon une étude récente du Comité Richelieu, seuls neuf des dix-sept pôles mondiaux ou à vocation mondiale connaissent la part des aides accordées aux PME dans leurs projets de coopération technologique. Bien plus, les PME ne perçoivent que 26% du total des subventions distribuées par le Fonds unique interministériel. Près des trois quarts d'entre elles pensent qu'elles ne sont pas assez valorisées. La même proportion déclare n'avoir pas été consultée par la gouvernance du pôle. En somme, elles se sentent encore trop souvent mises à l'écart.

M.T.