Les maires de petites villes s'inquiètent de la "réduction des leviers de financement"

Le bilan des budgets des communes comprises entre 2.500 et 25.000 habitants est positif pour 2023. Mais l'Association des petites villes de France (APVF), qui fédère leurs élus et organise ses 26es Assises à Amboise ces 19 et 20 septembre, est préoccupée. Pour faire face aux énormes besoins d'investissements en matière de transition écologique, les marges de manœuvre des petites villes sont réduites, notamment en matière fiscale, comme le révèle une étude de la Banque postale.

A l'instar du bloc local dans son ensemble, les petites villes ont plutôt bien tiré leur épingle du jeu, en 2023, sur le plan de leurs finances. C'est ce que met en évidence une analyse des comptes des 4.122 communes dont la population est comprise entre 2.500 et 25.000 habitants, etude réalisée par la Banque postale. Bon indicateur de leur santé financière, l'épargne brute de ces communes (c'est-à-dire, au sein de la section de fonctionnement du budget, la différence entre les recettes et les dépenses) a progressé de 6,6% en moyenne l'an dernier par rapport à 2022, pour atteindre 5,5 milliards d'euros, selon cette étude rendue publique à l'occasion des assises annuelles que l'Association des petites villes de France (APVF) organise ces 19 et 20 septembre à Amboise. Ce "bas de laine" a un rôle essentiel, car il sert à financer les remboursements d'emprunts et les dépenses d'investissement.

L'an dernier, les dépenses de fonctionnement des petites villes (30,2 milliards d'euros pour les seuls budgets principaux) ont progressé de 4,7%, principalement sous l'effet de la croissance de la masse salariale, ainsi que des achats et charges externes. Simultanément, les recettes de fonctionnement se sont accrues de 5%, en lien avec la progression de 7,1% des valeurs locatives cadastrales, qui servent de base aux principaux impôts locaux. 

Investissement record en 2023

Le résultat positif de l'épargne brute des petites villes en 2023 contraste avec celui de l'année précédente. L'indicateur des petites villes avait baissé de 1,9%, sous le coup d'une augmentation des dépenses de fonctionnement (+5,9%) plus vive que celle des recettes de fonctionnement (+5,1%). Les finances des petites villes étaient passées dans le rouge, en particulier du fait de l'explosion des dépenses d'énergie et de la hausse du point d'indice des agents publics de 3,5%, décidée en milieu d'année (voir notre article sur l'analyse des comptes 2022 des petites villes).

L’amélioration de la situation financière des petites villes en 2023 "a profité" à l’investissement qui, avec une croissance de 11,5% par rapport à 2022, a dépassé, "pour la première fois, en volume, le niveau de référence de 2013 pour atteindre plus de 10 milliards d'euros" (hors remboursement de la dette), se félicite l'APVF. Une donnée que l'étude éclaire. Elle met notamment en évidence d'importantes disparités entre les petites villes en matière d'investissement. Car, si un quart des communes concernées investissent plus de 485 euros par habitant, un autre quart des communes de la strate dépensent moins de 198 euros dans ce domaine. La moyenne se situant à 388 euros par habitant.

Signaux alarmants

Les petites villes pourraient avoir connu un bref répit. Les remontées du terrain laissent en effet entrevoir des résultats 2024 moins positifs. Interrogés au printemps par l'APVF sur "leur situation financière à l’issue de l’exercice 2023 et les perspectives 2024", 220 petites villes ont témoigné de leurs difficultés (voir notre article sur les résultats de l'enquête). Près de 54% d'entre elles estimaient que leur épargne nette – c'est-à-dire l'épargne disponible pour financer l'investissement – diminuerait cette année, un tiers des communes indiquant qu'elle serait stable. Les petites villes qui devraient voir leur épargne nette progresser, seraient très minoritaires (seulement 12%). Ces conditions pourraient nuire à l'investissement des petites villes, lequel pourrait être stable globalement cette année. S'il se confirmait, un tel résultat serait médiocre, car, traditionnellement, l'investissement connaît une accélération sur la période de la fin du mandat municipal.

Ces prévisions ont de quoi nourrir l'inquiétude des maires de petites villes, alors qu'une récente étude de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et de la Banque postale (voir notre article) estime que les investissements des collectivités en faveur du climat devraient progresser au minimum de 11 milliards d'euros par an et en moyenne d'ici à 2030 (par rapport à l'année 2022 où ils avaient atteint 8,3 milliards d'euros) pour atteindre les objectifs de la planification écologique.

Recherche de financements

Pour financer ce "mur d'investissement", les marges de manœuvre des petites villes sont globalement limitées, ce qui renforce l'inquiétude de leurs responsables. Au vu de leurs encours de dette, 55% des petites villes peuvent recourir à l'emprunt sans problème et 23% peuvent l'envisager "avec modération", selon les analyses de la Banque postale. Pour 22%, cette utilisation est "compliquée" : ces communes ont besoin de plus de six années d'épargne brute pour rembourser leur dette. Sur la trésorerie aussi, les possibilités sont inégales d'une petite ville à une autre. 54% d'entre elles peuvent piocher facilement dans leurs réserves et 35% peuvent le faire dans des proportions plus réduites. Pour 11% d'entre elles, cela s'avère "délicat", car la trésorerie ne dépasse pas trente jours de dépenses.

Ainsi en va-t-il des petites villes dans leur ensemble. Mais des analyses plus fines révèlent que les communes des strates les plus peuplées (entre 15.000 et 25.000 habitants) peuvent mobiliser moins facilement les leviers que constituent la dette et la trésorerie.

Fiscalité : les marges sont faibles

Pour se financer, les communes ont encore la possibilité d'alourdir la fiscalité. Mais la capacité d'action d'une majorité de petites villes (56%) est jugée "compliquée", 27% ne pouvant bouger les curseurs qu'"avec modération" dans ce domaine et 17% seulement ayant encore de franches possibilités. Et les marges de manœuvre fiscales sont faibles quelle que soit la strate démographique des communes étudiées. Les choses ne devant pas s'arranger avec le prix de l'eau qui "va exploser" et la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui grève les dépenses des collectivités dédiées au traitement des ordures ménagères, s'inquiétaient ce 19 septembre des élus locaux présents à Amboise aux Assises de l'APVF.

Au total, la moitié des petites villes "peut théoriquement actionner au moins deux leviers", parmi ceux de la dette, de la trésorerie et de la fiscalité, résume la Banque postale. "L'autre moitié des petites villes peut rencontrer assez rapidement des difficultés de financement". Ce qui est plus souvent le cas des communes dont la taille est comprise entre 15.000 et 25.000 habitants. En comparaison, 71% des communes de France peuvent agir sur deux leviers, indique l'étude.

La sévère dégradation des finances publiques et les mesures d'économies que pourrait prendre le gouvernement pour y faire face ne contribuent pas à rassurer les élus locaux. Les maires de petites villes n'ont pas manqué d'évoquer ces nouvelles menaces lors des débats de cette première journée des Assises de l'APVF à Amboise (voir notre article de ce jour).