Déserts médicaux - Les jeunes médecins favorables aux infirmiers de pratique avancée
Dans un communiqué du 23 avril, doublé d'une tribune dans le quotidien Le Figaro, le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR) apporte un sérieux coup de pouce au déploiement des infirmiers de pratique avancée (IPA). Prévus par l'article 119 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 (devenu l'article L.4301-1 du code de la santé publique), ceux-ci peinent en effet depuis lors à émerger.
Une délégation de certaines activités
L'article 119 de la loi de 2016 prévoit que "les auxiliaires médicaux relevant des titres Ier à VII du présent livre [infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychomotriciens..., ndlr] peuvent exercer en pratique avancée au sein d'une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ou au sein d'une équipe de soins en établissements de santé ou en établissements médicosociaux coordonnée par un médecin ou, enfin, en assistance d'un médecin spécialiste, hors soins primaires, en pratique ambulatoire".
Cette pratique avancée peut comporter notamment des activités d'orientation, d'éducation, de prévention ou de dépistage, des actes d'évaluation et de conclusion clinique, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et paraclinique, ainsi que des prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale obligatoire, des prescriptions d'examens complémentaires et des renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales. Il s'agit ainsi de déléguer, sous le contrôle du médecin, certains actes aux auxiliaires médicaux, à commencer par les infirmiers. Parmi les objectifs de la mesure figure très clairement celui de contribuer à la lutte contre les déserts médicaux en démultipliant les intervenants.
Si la première "Journée nationale de l'infirmière en pratique avancée" s'est tenue à Paris le 1er décembre dernier, le décret qui doit permettre de concrétiser la pratique avancée est toujours en cours de rédaction, près de deux ans et demi après la loi. Il bute notamment sur la liste des pathologies susceptibles d'être prises en charge dans ce cadre, et plus particulièrement sur la question des spécialités. Même si ce décret est finalement publié - il pourrait intervenir dans les prochains jours -, il restera encore deux autres décrets à prendre sur le référentiel de formation des IPA et sur la prise en charge par l'assurance maladie.
"Les infirmiers de pratique avancée ne prendront la place de personne"
Dans ce contexte, la prise de position de ReAGJIR - qui représente les remplaçants en médecine générale, les généralistes jeunes installés depuis moins de cinq ans et les chefs de clinique de médecine générale - constitue une avancée significative. L'organisation estime ainsi que "les infirmiers de pratique avancée ne prendront la place de personne, mais viendront compléter l'offre de soins proposée à la population". De façon symbolique la tribune publiée dans Le Figaro est d'ailleurs signée par des médecins et des infirmiers.
Les signataires estime toutefois qu'"il est essentiel que le décret encadrant cette nouvelle pratique en définisse les contours autant dans sa pratique en tant que telle que dans l'organisation entre professionnels de santé".
Autre question à régler : la tribune rappelle en effet que "les premiers IPA sont appelés à exercer majoritairement à l'hôpital et il ne faudrait pas que la médecine dite 'de ville' (exercée en dehors de l'hôpital par des libéraux) soit mise de côté".
Vingt organisations écrivent une lettre ouverte à Agnès Buzyn
Autre signal positif en faveur de la pratique avancée : une vingtaine d'organisations du secteur sanitaire et médicosocial ont signé, le 18 avril, une lettre ouverte à la ministre des Solidarités et de la Santé. Parmi les signataires figurent bien sûr ReAGJIR, mais aussi le Collège de la médecine générale et des syndicats de médecins comme les généralistes de la CSMF, le Syndicat de la médecine libérale ou MG France. Le Syndicat national des infirmiers libéraux et certains acteurs de l'aide à domicile, comme Adessadomicile, sont également sur la liste.
A travers cette lettre ouverte, les signataires portent à la connaissance de la ministre leur "demande commune de développer la pratique avancée infirmière en soins primaires". Sans prendre position sur ce qui peut encore les opposer, ils appellent à la publication rapide du cadre réglementaire, en affirmant qu'"il est indispensable que les textes réglementaires concernant les infirmières et les infirmiers exerçant en pratique avancée (IPA) intègrent un domaine d'intervention comprenant les spécificités des parcours et prises en charge en médecine générale, et notamment les pratiques en équipe de soins primaires". Plus précisément, ils proposent "la modification, dans le décret IPA, du domaine d'intervention 'pathologies chroniques stabilisées' [qui limite l'intervention à huit pathologies chroniques stabilisées, ndlr] en 'pathologies chroniques stabilisées, polypathologies, actions de prévention et autres prises en charge en soins primaires'". Une façon d'élargir nettement le champ d'application de la pratique avancée.
J.-N. E / P2C