Archives

Accès aux soins - Un simple décret crée cent médecins de plus

Un décret du 28 mars 2018 met fin à un incroyable imbroglio juridique, remontant à un autre décret de 2013, en autorisant l'inscription universitaire des personnes ayant validé la formation du résidanat et n'ayant pas soutenu leur thèse. Autrement dit en autorisant une centaine d'étudiants en médecine, ayant suivi avec succès tout le cursus médical mais n'ayant pas, pour diverses raisons, soutenu leur thèse avant l'année universitaire 2010-2011, à devenir enfin médecin et à pouvoir exercer leur profession en France.

Un cavalier législatif dans la loi Montagne

Pour en arriver à cette solution après cinq années de galère pour les intéressés, il a fallu d'abord en passer par une loi, en l'occurrence la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne... Son article 93, perdu dans les "dispositions finales et diverses" du texte - et introduit, après diverses péripéties, par le ministère de la Santé en accord avec le conseil de l'Ordre -, constitue en effet un splendide exemple de cavalier législatif. La loi n'a en effet rien a voir avec les études médicales, si ce n'est - de façon lointaine - son article 22, exonérant de la moitié de leurs cotisations les médecins retraités qui continuent d'exercer leur activité ou effectuent des remplacements dans les zones de montagne.
L'article 93 de la loi Montagne prévoit qu'"un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions et les modalités selon lesquelles les personnes ayant validé en France la formation pratique et théorique du résidanat de médecine et n'ayant pas soutenu, dans les délais prévus par la réglementation, la thèse mentionnée au premier alinéa, peuvent être autorisées à prendre une inscription universitaire en vue de soutenir leur thèse, après avis d'une commission placée auprès des ministres chargés de l'Enseignement supérieur et de la Santé. Ce décret précise que l'autorisation est conditionnée à l'engagement d'exercer en zone sous-dotée".

Un engagement d'exercer durant deux ans en zone sous-dotée

Contrairement à la situation qui prévaut désormais, le décret de 2013 ne laissait à cette centaine de médecins retardataires aucune possibilité de rattrapage ou possibilité de dérogation. Mieux : les intéressés ne pouvaient même pas effectuer des remplacements en qualité d'aide-soignant ou d'infirmier, puisque ceux-ci sont réservés aux étudiants... La seule possibilité pour les intéressés était donc de valider leur troisième cycle et de partir exercer à l’étranger... Un comble alors que débats et rapports parlementaires ne cessent d'évoquer l'aggravation des "déserts médicaux".
Le décret du 28 mars 2018 organise le dénouement de cet imbroglio. Les intéressés auront ainsi six ans pour prendre une inscription universitaire afin de soutenir leur thèse (soit directement, soit après un complément de formation) et obtenir ainsi le diplôme d'Etat de docteur en médecine. Le décret précise aussi les modalités de dépôt du dossier, ainsi que la composition et les missions de la commission nationale chargée de proposer aux ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur d'autoriser les anciens résidents en médecine à s'inscrire à l'université pour y soutenir leur thèse.
Enfin, le décret précise que le dossier des candidats doit comprendre "un engagement sur l'honneur d'exercer la médecine, pour une durée ne pouvant être inférieure à deux ans, dans une ou plusieurs zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins" (l'article 93 de la loi Montagne ne précisait aucune durée).
Une fois inscrits à l'Ordre, ces anciens résidents devront transmettre au ministère de la Santé une attestation de leur agence régionale de santé (ARS) confirmant qu'ils exercent bien en zone sous-dotée.

Référence : décret n°2018-213 du 28 mars 2018 relatif à l'inscription universitaire des personnes ayant validé la formation du résidanat et n'ayant pas soutenu leur thèse (Journal officiel du 30 mars 2018).

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis