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Jeunesse - Les jeunes "invisibles" méconnaissent souvent l'action des missions locales

Une partie des jeunes NEET (Neither in Employment, Education or Training) français est non repérée et non accompagnée. Dans leur rapport sur l'insertion professionnelle des jeunes qu'ils ont remis à la ministre du Tavail le 24 janvier 2017, France Stratégie et la Dares parlent de "jeunes invisibles" qui méconnaissent encore l'existence et l'action des multiples acteurs de terrain en contact avec les jeunes, en particulier celles des missions locales.

 

France Stratégie, organisme de réflexion rattaché à Matignon, et la Dares, le service d'études et de statistiques du ministère du Travail ,ont remis le 24 janvier à Myriam El Khomri leur rapport sur l'insertion professionnelle des jeunes, résultat de la concertation sur l'insertion professionnelle des jeunes lancée le 27 septembre 2016 avec les partenaires sociaux et les organisations de jeunesse.
Le constat est sévère. Sur quarante ans, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans a fortement augmenté en France, passant de 7% à 24%. Comparé aux autres pays européens, il "se situe dans la moyenne haute", soit au cinquième rang sur 16 pays étudiés, après la Grèce, l'Espagne, l'Italie et le Portugal mais loin devant l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas. Le taux d'activité des 15-24 ans est également faible, de 4,5 points inférieur à la moyenne européenne en 2015. Enfin, la proportion de "NEET" (Neither in Employment, Education or Training), les jeunes de 15-29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, reste plus élevée (17%) en France que dans les pays nordiques et en Allemagne. Contrairement à d'autres pays de l'Union européenne, il n'a pas reculé depuis 2013.

Des jeunes qui passent à travers les mailles du filet…

Malgré la création dans notre pays, au cours de ces dernières années, de nombreux dispositifs ciblés (contrats aidés, programmes d'accompagnement et de formation de plus en plus individualisés : Civis, ANI Jeunes de 2011 sur l'accompagnement des jeunes demandeurs d'emploi, écoles de la 2e chance, garantie jeunes…), quantité de jeunes passent à travers les mailles du filet et n'ont recours à aucune offre d'insertion sociale et professionnelle. Le non-recours "repose sur des ressorts multiples", souligne l'étude : "la non-connaissance (l'offre n'est pas connue), la non-demande (l'offre est connue mais n'est pas demandée), la non-proposition (l'offre n'est pas proposée ou n'est pas activée par l'intermédiaire social) et enfin la non-réception (l'offre est demandée mais n'est pas reçue)."
Parmi ces jeunes qui ne font pas valoir leurs droits, certains ne se sentent pas concernés : "Ils ignorent ou se passent des prestations et des services auxquels ils pourraient prétendre." La notion de "droits sociaux" parle peu aux jeunes, qui peuvent se décourager face à certaines démarches. Le rapport note également "un manque d'information sur les missions locales". Celles-ci "ne sont pas citées par les acteurs scolaires, elles n'ont pas de communication à destination du grand public, leur existence demeure ignorée d'une partie des jeunes ou leur offre de services est méconnue".
Les phénomènes de non-recours sont également liés à "l'inégale capacité des opérateurs à mettre en place un suivi des jeunes selon les territoires". En effet, les NEET ne sont pas répartis de façon homogène sur le territoire national. Les DOM, le Nord, le bassin lorrain, le pourtour méditerranéen, la Corse et certaines zones rurales enclavées concentrent plus de jeunes en difficultés. Or, "les écarts entre les territoires ne sont pas compensés par des moyens plus importants là où il y en aurait le plus besoin". Les moyens des missions locales sont ainsi "faiblement corrélés avec leur activité". Le rapport souligne que "certaines missions locales situées sur les territoires les plus en difficulté sont parmi les moins financées (c'est notamment le cas en Seine-Saint-Denis), alors même que les ressources des missions locales déterminent leur taux de couverture des jeunes".
La part des jeunes de 16 à 25 ans en contact avec leur mission locale varie "de 10% quand ils dépendent des missions locales les moins dotées à 35% dans le ressort des missions locales les mieux dotées". Et en milieu rural, c'est pire : "Alors qu'environ un jeune sur quatre [sur ces territoires] est non inséré, "les missions locales en milieu rural parviennent difficilement à mailler des territoires peu denses et étendus. Elles ne sont pas facilement accessibles." Le risque des jeunes les plus vulnérables d'être non repérés et non accompagnés est donc accru sur certains territoires.

Garantie jeunes : hétérogénéité entre missions locales

A propos de la garantie jeunes, le document reprend à son compte le constat du rapport intermédiaire sur l'évaluation de ce dispositif : "La médiation active n'a été que partiellement appliquée par les missions locales, du fait d'une importante hétérogénéité entre missions locales." France stratégie pointe aussi, à l'instar de la Cour des comptes, la complexité que représente pour les acteurs de terrain en contact avec les jeunes la multitude des dispositifs. La Cour note en particulier, qu'"il n'existe pas d'échelon clair et légitime de coordination des acteurs et programmes différents". Ainsi, les programmes des régions ou des PLIE peuvent se voir recouvrir ou concurrencer par des dispositifs lancés et financés par l'Etat. "La multiplicité des instances de décision peut engendrer des situations d'injonctions difficiles à concilier et nuisibles à l'efficacité des programmes", souligne France Stratégie.
Par ailleurs, le rapport relève qu'un certain nombre de jeunes ne sont pas inscrits à Pôle emploi ou n'ont pas de relations avec les conseillers de Pôle emploi lorsque leur suivi est délégué aux missions locales. Les axes de progrès des conventions locales entre les deux réseaux prévoient cependant de "renforcer une meilleure appropriation et mutualisation des offres de service de chacun des réseaux".
En ce qui concerne les relations entre les missions locales et les entreprises, France stratégie observe que "la responsabilité qui leur a été donnée au titre de la prescription exclusive des emplois d'avenir puis de la Garantie Jeunes les a indéniablement conduites à développer leurs relations avec les entreprises". Depuis quelques années, elles ont ainsi entrepris de créer des "équipes emploi" composées de conseillers dédiés. Du côté des PME/TPE, ces liens permettent de faciliter les conditions de recrutement. Reste que les difficultés périphériques rencontrées par certains jeunes (logement, transport, santé…) sont des obstacles importants pour leur insertion.
Pour les jeunes les plus fragiles pour qui l'acquisition d'une autonomie est plus compliquée, la fonction de veille des missions locales auprès des entreprises "est importante à développer au moins en début de parcours". Toutefois, son développement "reste encore hétérogène". Le rapport note que "si certaines missions locales se sont inscrites activement dans une relation étroite avec les services de Pôle emploi et dans une propre activité de prospection, d'autres restent à mi-chemin et centrées sur leur fonction d'accueil et d'accompagnement des jeunes".