Les jeunes et l'emploi : le Cese propose d'élargir les conditions d'accès à la garantie jeunes
Les jeunes ont plus de mal à accéder à l'emploi selon un avis du Cese qui avance plusieurs recommandations pour améliorer l'accès des jeunes au monde du travail et donner plus de sens au travail dans un avis adopté le 27 mars 2019. Parmi les propositions : l'élargissement des conditions d'accès à la garantie jeunes et plus de moyens pour les missions locales.
Élargir l'accès à la garantie jeunes, limiter les contrats courts ou renflouer les missions locales. Ce sont quelques-unes des 25 préconisations du Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans un avis adopté le 27 mars 2019 sur "Les jeunes et l'avenir du travail". Le conseil constate une dégradation des conditions d'accès à l'emploi des jeunes. "De 20 ans en 1975, l'âge moyen d'accès à un premier emploi stable est passé à 27 ans aujourd'hui", relève-t-il. Sur une cohorte suivie dans la base du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) en 1998, 72% des jeunes étaient en emploi cinq ans plus tard, alors que ceux de la génération de 2010 n'étaient plus que 62% dans la même situation en 2015. "Le retour à la formation ou l'installation dans des difficultés durables d'accès à un emploi stable sont de plus en plus fréquents", signale l'avis, avec une part de jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET, en anglais) passant de 10% à 17% et une part de jeunes ayant accédé à un CDI chutant de 40% à 32%... "Je crois que le pire des messages c'est de dire à un jeune qu'on n'a pas besoin de lui dans la société, s'est exclamée Muriel Pénicaud, ministre du Travail, qui assistait à la présentation de l'avis. D'abord c'est faux, on a besoin d'eux pour le futur, et quand il y a aujourd'hui dans notre pays 1,3 million de jeunes qui ne sont ni en emploi ni en qualification entre 16 et 30 ans, on va dans le mur."
Un élargissement des critères d'accès à la garantie jeunes
Fort de ces constats, le Cese propose de faire de la garantie jeunes un droit effectif et de mettre à l'étude un élargissement des critères d'accès (plafond de ressources) et un rallongement de la durée du dispositif au-delà d'un an si nécessaire. En effet, le conseil considère que la réduction du nombre de jeunes NEET doit être une priorité, qui passe par l'accès à un minimum de sécurité financière et à un dispositif de formation et/ou d'insertion sociale et professionnelle. La modification des critères d'éligibilité permettrait de prendre en charge 200.000 jeunes en garantie jeunes. À l'heure actuelle, l'objectif est de déployer plus de 100.000 places par an pour les jeunes en situation de précarité. Le Cese estime aussi qu'il faut adapter le développement de la garantie jeunes en fonction des spécificités des territoires.
Le Cese propose aussi de limiter les contrats courts, dans les entreprises mais aussi les administrations et de privilégier les CDI. Il s'adresse aussi aux pouvoirs publics pour qu'ils dotent les missions locales des moyens matériels, humains et juridiques adaptés, en particulier pour répondre à la nouvelle obligation de formation des jeunes jusqu'à 18 ans contenue dans le plan de lutte contre la pauvreté. Une obligation dont les missions locales ont été chargées et qui doit être effective en 2022. "Pour prendre en charge ce nouvel objectif, les missions locales doivent être accompagnées, dans le cadre du service public de l’emploi pour enrichir leurs pratiques professionnelles, précise l'avis. Les crédits qui leur sont alloués doivent donc être renforcés et ajustés à leurs nouvelles attributions." Le Cese demande aussi une évaluation des expérimentations de rapprochement entre les services de Pôle emploi et les missions locales, un sujet qui fait polémique depuis plusieurs mois.
Ouvrir le CPF aux primo-demandeurs d'emploi et primo-créateurs d'activité
Concernant le compte personnel de formation (CPF), le Cese conseille de l'ouvrir aux primo-demandeurs d'emploi ou primo-créateurs d'activité en le dotant d'un capital initial d'amorçage "financé sur fonds publics sans préjudice du financement de la formation professionnelle des actifs en emploi". Actuellement, selon les dispositifs prévus, ces publics ne disposent pas de l'expérience requise pour bénéficier d'un CPF approvisionné pour qu'une formation qualifiante soit envisagée. L'idée d'une offre de formation, financée par les fonds de l'insertion professionnelle et adaptée aux jeunes décrocheurs, est également avancée. Elle permettrait à ces jeunes non qualifiés d'obtenir la certification des compétences de base classiques liées à l'apprentissage (langue, écriture, compétences relationnelles, faculté d'apprendre à apprendre…), à l'image du dispositif CléA, destiné aux demandeurs d'emploi. Le Cese demande aussi à faire de la qualification pour toutes et tous une "grande cause nationale" en 2020. Autres idées : demander aux entreprises et aux branches professionnelles de proposer un accompagnement personnalisé pour les alternants diplômés en vue de favoriser leur accès à un emploi stable ou à une formation certifiante, créer un dispositif permettant aux employeurs de proposer de courtes périodes de découverte des métiers, de manière simple et sécurisée aux jeunes de moins de trente ans, et développer l’offre d’hébergement et de services sanitaires et sociaux dans des structures dédiées aux jeunes.
Vers un travail plus émancipateur et riche de sens
L'avis tente aussi de répondre au besoin des jeunes d'un travail plus émancipateur et riche de sens, avec quelques idées : promouvoir, dans le management, l’aptitude à accompagner les salariés dans le développement de leurs compétences, en particulier en début de vie active, créer des espaces de discussion, sur le lieu et pendant le temps de travail, favorisant l’expression directe des salariés sur leur travail et son organisation, ou encore définir des objectifs et des indicateurs de qualité de vie au travail.
Enfin, dernier aspect : l'accompagnement des transitions économiques, sociales et environnementales. Dans ce domaine, le Cese propose de développer les contrats de transition écologique en y incluant une dimension d'accompagnement des jeunes dans l'emploi et d'associer les salariés et leurs représentants par la consultation du comité social et économique sur la stratégie et le suivi de la démarche RSE (responsabilité sociale des entreprises) de l'entreprise.
Curieusement, malgré la dégradation de leur situation qui s'est accélérée avec la crise économique de 2008, les jeunes ont une vision plus optimiste de leur avenir professionnel qu'auparavant : 73% en 2015 contre 62,5% en 1997. Et "ces appréciations positives se maintiennent quelle que soit la nature du contrat et pour les différents niveaux de diplômes", précise l'avis. Si depuis plusieurs années, le taux de chômage des jeunes se situent autour des 20%, il connaît une légère décrue depuis quelques mois, pour se situer à 18,8% au dernier trimestre 2018 (source Insee). Une première depuis dix ans.