Les Interconnectés publient un manifeste sur l'IA territoriale
A l'occasion du Forum des interconnectés qui s'est tenu à Rennes les 10 et 11 mars 2025, les grandes associations urbaines ont présenté un manifeste "politique" sur l'IA. Celui-ci s'inspire des remontées des concertations locales et s'accompagne d'une bibliothèque de cas d'usage. Parallèlement, un réseau d'élus a vu le jour à Cannes, centré sur l'IA au service de la performance des services publics.

© O. Devillers
Lancée en juillet 2023, la stratégie des "Intelligences Associées des territoires" s'est fixé trois objectifs:
- faire de l'IA un outil au service des politiques publiques territoriales,
- encadrer les déploiements par une réflexion éthique,
- analyser ses impacts sur les métiers de la fonction publique.
"On sentait, dans la continuité des travaux qu'on avait fait sur le numérique responsable et l'inclusion, le besoin d'aborder ce sujet de l'intelligence artificielle", a contextualisé Pierre Jannin, conseiller municipal délégué au numérique de Rennes, qui s'est beaucoup investi dans ces travaux.
Un manifeste qui définit les contours d'une IA responsable et territorialisée
Les travaux de la commission numérique, nourris de l'audition d'experts, ont débouché sur "un manifeste pour une IA responsable au service des territoires" présenté à Rennes le 11 mars 2025 au Forum des Interconnectés. Quatre axes structurent cette vision de l'IA territoriale responsable :
- L'axe social : garantir une IA équitable et non-discriminante, avec une transparence des algorithmes et des données.
- L'ouverture et la démocratie : définir des cadres éthiques locaux et mettre en place des modes de gouvernance partagée.
- La formation et la sensibilisation : former aux techniques, mais aussi aux limites et aux biais possibles.
- L'utilité et la proportionnalité : s'assurer que l'IA répond réellement à des besoins territoriaux et que son impact est maîtrisé.
Le manifeste place les territoires comme gardiens de ces principes car pour Franckie Trichet, président des Interconnectés, "ils sont le maillon de la proximité, celui sur lequel les citoyens ont le plus de confiance". "Ce n'est pas la technologie pour la technologie, mais la technologie qui doit répondre à des besoins, en matière de transition sociale, écologique et démocratique", ajoute Pierre Jannin.
Des concertations locales qui valident l'approche
Pour nourrir leur réflexion et assurer que leur vision colle au terrain, les Interconnectés ont lancé en septembre 2024 un cycle de concertations territoriales. 25 territoires (sur 35 candidatures) ont participé à cette concertation "auto-gérée" puisque le gouvernement de l'époque n'a pas répondu à leur demande de soutien de l'initiative.
Ces concertations ont pris des formes très diverses. Jeux sérieux à Arras avec une "bataille de l'IA", "débats de l'IA" avec l'écosystème local à Nantes, "Apéro-IA" a la communauté de communes du Pays du Coquelicot. Ces concertations font apparaître des constantes qui confirment le manifeste : la nécessité d'une IA vraiment "utile", la primauté accordée à l'humain, le besoin de régulation et la nécessité d'accompagner la population pour faire monter tout le monde dans le train de l'IA. Autre constante : une peur tenace sur les effets potentiels de l'IA sur le travail.
Près de la moitié des concertations n'ont cependant été menées qu'en interne, reflet de la nécessité pour les collectivités de s'approprier pleinement le sujet avant de le porter sur la place publique. Il s'agissait notamment d'apporter une réponse au développement du "Shadow AI" – pratique de l'IA générative dans le dos de la DSI – constaté par beaucoup de collectivités. Ces concertations ont enfin été l'occasion de bâtir une stratégie IA, comme à Tours Métropole, de définir des cas d'usages comme à Cannes-Pays de Lérins ou encore d'élaborer une charte éthique comme à Nancy, charte qui a pris la forme d'une "boussole de l'IA" à Nantes métropole.
Une bibliothèque d'IA territoriale pour guider et inspirer
Parallèlement, les Interconnectés ont ouvert une "bibliothèque d'IA territoriale" qui répertorie, à ce jour, 21 projets. Cet outil s'inscrit dans une logique de mutualisation des expériences. Elle se fixe comme objectifs de "recenser des cas d'usage, de documenter les méthodes et moyens déployés et de cartographier les acteurs et les solutions". Elle est le fruit d'un travail collectif impliquant l'Ecolab du ministère de l'Ecologie et la Banque des Territoires. L'organisation des fiches reprend ainsi les métadonnées des expériences présentées sur la plateforme de la Banque des Territoires Numérique360. Les projets sont classés dans 6 thématiques : transformation écologique et énergétique, attractivité et développement, citoyenneté, santé et solidarité, mobilités, gouvernance et socles technologiques, administration et organisation interne. Elle propose des filtres par type de collectivité et cible (interne, citoyens…).
Sa spécificité est de comporter des champs en accès restreints pour disposer de contacts et connaitre les "ratages", l'idée étant d'inciter les collectivités à ne pas reproduire ce qui ne marche pas. Au-delà des cas d'usages, la bibliothèque recense enfin les chartes et stratégies IA/Data des territoires qui apparaissent comme des préalables au déploiement de l'IA territoriale.
› Un réseau alternatif d'élus sur l'IA au service de la performance publiqueLes Interconnectés ne sont pas les seuls à se positionner sur l'IA territoriale. A la suite du World AI Cannes Festival 2025, en février dernier, un collectif d'élus, parmi lesquels les présidents de l'Association des maires de France (AMF) et de Départements de France, a annoncé la création d'un réseau dédié à l'intelligence artificielle. Cette initiative, menée en partenariat avec la Joint European Disruptive Initiative (JEDI), vise à intégrer l'IA dans les collectivités pour optimiser les services publics, renforcer la participation citoyenne et affronter des défis comme la gestion des ressources et l'urgence climatique. Le réseau prévoit des rencontres avec des scientifiques et des startups, un suivi trimestriel des avancées, et le lancement de projets collaboratifs. Un sommet annuel, débutant en 2026, offrira aux élus un espace d'échanges sur l'IA territoriale. Selon David Lisnard, président de l'AMF, adopter l'IA est "un devoir pour améliorer la performance publique" tout en respectant les libertés individuelles et la sécurité des données. François Sauvadet, président de Départements de France ajoute : "l'IA n'est pas une option", il s'agit "d'offrir des services plus réactifs, d'anticiper les besoins des citoyens et garantir une gestion efficace des ressources publiques". |