Data : les tableaux de bord ont la cote dans les collectivités
La journée data organisée au Hub des Territoires le 21 janvier 2025 a été l'occasion de parler gouvernance, qualité et acculturation à la donnée. Nourrie des témoignages des lauréats de la "formation-action" à la data initiée par la Banque des Territoires, cette journée a permis de confirmer que l'appropriation des enjeux data concerne toutes les collectivités. Avec le succès de cette première session, un nouvel appel à candidature est lancé.
"La data ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen au service des politiques publiques territoriales." Ce message a été martelé lors de la journée "Tous concernés ! Mobiliser la donnée au service des territoires" organisée par les Interconnectés, en partenariat avec Intercommunalité de France le 21 janvier 2025 au Hub des Territoires, à Paris. L'occasion de dresser le bilan du programme "formation-action" initié voici un an par la Banque des Territoires dont dix collectivités ont bénéficié. Celui-ci reposait sur trois piliers :
- un projet d'usage concret,
- un binôme data/métier,
- l'internalisation des compétences.
"Notre idée était vraiment que les collectivités soient capables d'agir par elles-mêmes en partant d'un usage, il ne s'agissait pas de rédiger une charte ou de bâtir une stratégie", a rappelé Simon Chignard, l'animateur du programme. Une approche intensive avec trente heures de formation sur huit semaines, suivies d'un accompagnement individualisé sous forme de mentorat.
Des indicateurs pour l'interne
Les projets présentés, qui ont été nombreux à "pivoter" à l'issue de la phase d'investigation pour se concentrer sur un seul sujet, portaient en grande majorité sur la valorisation des données au bénéfice des services et des élus. Avec une récurrence : l'idée de créer un "tableau de bord" centré sur quelques indicateurs clés.
Dans les Côtes d'Armor, le binôme a développé une datavisualisation pour piloter les délégations de service public sur l''assainissement. "Ce programme nous a permis de "décomplexer" en voyant qu'on partageait tous les mêmes problématiques", confie Laurent Di Pasquale en charge du projet au département. Pour la CC Cœur de France, l'enjeu était de mieux connaître le tissu économique local et d'identifier les manques. L'EPCI a découvert à l'occasion de ce programme l'outil Deveco (notre article du 9 décembre 2024), conçu par l'ANCT, qu'il a adapté à ses besoins. Il a surtout été décidé d'ajouter une ligne "data" à tous les profils de poste de la collectivité.
Réponses aux besoins des élus
Le Grand Chalon a choisi de travailler sur la petite enfance, une compétence devenue obligatoire pour les intercommunalités. L'outil développé aide à cartographier les besoins en modes d'accueil et à anticiper les évolutions grâce à des indicateurs synthétiques. Au département de l'Hérault, l'équipe s'est concentrée sur la gestion des tensions d'approvisionnement en eau potable. L'agglomération de Montargis a développé un outil de suivi des aménagements cyclables. Bertrand Peyridieu, géomaticien, souligne que cet outil répond directement aux demandes des élus, souvent résumées en une question : "Combien de kilomètres de pistes cyclables avons-nous réalisés et pour quel coût ?" La communauté de communes de Lacq-Orthez, elle, s'est lancée dans la création d'un observatoire de la transition écologique, Valence-Romans agglomération s'intéressant au suivi de son plan climat-air-énergie territorial (PCAET), Loire-Forez agglomération à la fiscalité locale et la CC de Cayres-Pradelles à l'aide au tri des déchets.
Un patrimoine de données sous exploitées
Ces témoignages ont aussi montré que la donnée est l'affaire de tous, grandes et petites collectivités partageant aussi des difficultés communes, à commencer par le fait de considérer la donnée comme un patrimoine. "Il faut se rendre compte que la data que nous produisons dans les collectivités à une valeur, un intérêt, et qu'il faut maintenant monter en puissance pour valoriser cet actif", a plaidé Vincent Alleno, élu départemental et vice-président de Saint-Brieuc Armor Agglomération. Un avis partagé par Muriel Harguindeguy de la CC de Lacq-Orthez qui ajoute "qu'avant d'être nationales, la plupart des données sont locales et peuvent être vérifiées sur le terrain". Leur valorisation passe cependant par la "standardisation" a rappelé Emeline Gasnier de la région Hauts-de-France, qui anime un groupe de travail réunissant différents acteurs publics, dont des opérateurs publics de services numériques, pour élaborer des outils et clausiers communs.
Données moisies
Ces constats s'accompagnent d'une exigence forte vis-à-vis de l'État : disposer d'un référentiel de données qualifiées et régulièrement mises à jour. "J'entends trop souvent parler de données moisies ou obsolètes", a déploré Marlene Le Dieu de Ville, vice-présidente au numérique à la CC de Lacq-Orthez. Celle qui est aussi vice-présidente d'Intercommunalité de France appelle l'Etat à mettre à jour ses données "au moins une fois par an" et à désigner des interlocuteurs data pour les collectivités. Du côté des éditeurs de logiciels métier, les collectivités demandent une meilleure interopérabilité des outils, l'intégration systématique de clauses relatives à la propriété des données dans les marchés publics leur étant vivement conseillé. "La data nous appartient, et la data que vous produisez nous intéresse. C'est désormais inscrit dans toutes nos conventions", confirme Jean-Claude Cuvillier, DGS de la CC Cœur de France.
Prudence face à l'IA
Coté intelligence artificielle, les participants ont appelé à la prudence. "L'IA arrive un peu vite, on n'a pas encore fini de préparer la donnée", estime Jean-Claude Cuvillier. Une préoccupation partagée par Muriel Harguindeguy qui souligne que "l'IA appliquée à des données non qualitatives pourrait avoir des conséquences très dommageables." Aussi les collectivités privilégient-elles une approche progressive, méthodique, préférant consolider leurs bases de données thématiques avant d'explorer les possibilités offertes par l'IA. A ce stade l'IA est surtout évoquée pour la valorisation de documents comme les délibérations ou la personnalisation de la relation usager.
Nouvel appel à candidatures
Cette première édition a démontré qu'il était possible aux petites collectivités d'avancer sur le sujet de la donnée sans forcément disposer d'une stratégie data complète. Aussi une deuxième saison du programme "formation-action" data a été annoncée par la Banque des Territoires. Elle sera centrée sur les enjeux environnementaux. L'appel à candidatures est ouvert, avec un temps de recrutement court pour privilégier le temps de travail. Les collectivités intéressées sont invitées à se manifester rapidement pour rejoindre cette nouvelle promotion qui bénéficiera de l'expérience de leurs prédécesseurs.