Les Interconnectés mettent le cap vers l'indépendance numérique

Face à une dépendance des collectivités aux solutions extra-européennes évaluée à 1,5 milliard d'euros annuels, les élus de la commission numérique des Interconnectés, France urbaine et Intercommunalités de France ont lancé le 9 avril 2025 une initiative pour reprendre en main leur destin technologique. Avec le projet Trajectoire d'indépendance européenne numérique (Tie Break), ils proposent d'évaluer leur niveau de dépendance numérique et de créer une bibliothèque de solutions souveraines.

Un collectif de 11 collectivités a présenté mercredi 9 avril 2025 à Station F, à Paris, l'initiative TIE Break" (Trajectoire d'Indépendance Européenne numérique), un projet visant à réduire la dépendance des territoires aux technologies numériques extra-européennes. Un projet promu par les interconnectés en présence d'entreprises françaises, d'institutions et de services de l'État.

Une dépendance numérique évaluée à 1,5 milliard d'euros

L'initiative s'inscrit dans les tensions géopolitiques actuelles avec la menace que celles-ci puissent un jour couper les tuyaux numériques. Mais c'est aussi le constat d'une dépendance qui s'est construite durant ces 50 dernières années avec l'informatisation puis la digitalisation des services publics. "Cette sédimentation s'est faite peut-être sans vision stratégique", regrette Francky Trichet, vice-président de Nantes métropole et président des Interconnectés. Et le résultat est une forte dépendance numérique : "84% des solutions numériques sont d'origine extra européennes, c'est un véritable colonialisme numérique", s'émeut Caroline Zorn, vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg.

Cette sujétion numérique a une traduction financière. "Avec 22 métropoles, 101 départements, 18 régions, 1.250 Intercos, 35.000 communes, nous parlons a minima de 1,5 milliard d'euros dépensés chaque année auprès d'acteurs économiques qui ne sont pas européens", évalue à la louche l'élu nantais. A ces coûts directs, il faut ajouter des coûts induits. Caroline Zorn cite le cas des cyberattaques, évaluées par l'Anssi à 118 milliards d'euros en 2024 pour la France, celles-ci exploitant souvent les vulnérabilités des logiciels américains. 

Un outil de diagnostic et une bibliothèque d'alternatives

Pour aller au-delà de ces ordres de grandeur, les Interconnectés ont décidé de mener des investigations plus poussées. Pour ce faire, elles vont s'appuyer sur un outil d'autodiagnostic conçu par Montpellier. Manu Reynaud, adjoint au maire de Montpellier, en a présenté la version "alpha". Pour sa collectivité, il montre une dépendance aux solutions extra-européennes – Microsoft en tête - à plus de 50% en prenant en compte les logiciels, infrastructures et ordinateurs de bureau. Ce diagnostic, en accès libre, doit aider les collectivités à bâtir une "trajectoire" pour sortir de cette dépendance.

L'étape suivante consistera à s'appuyer sur des alternatives "fiables, efficaces et maintenues, pour ouvrir le chemin vers des technologies de confiance pour l'Europe", comme le précise le communiqué. Les collectivités vont notamment regarder du côté des logiciels open source et des initiatives de l'Etat, dans l'objectif de constituer une "bibliothèque d'alternatives". Elle s'appuiera notamment sur les solutions conçues par l'incubateur de l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) et la suite numérique poussée par la direction interministérielle du numérique (Dinum). 

Levier de la commande publique

L'initiative vise également à agir sur le levier de la commande publique. "Les cahiers des charges sont rédigés pour que des géants du numérique puissent seulement y répondre", fustige Caroline Zorn, qui déplore "qu'on ne donne même pas la chance à une nouvelle politique industrielle française". En ligne de mire : la possibilité d'intégrer dans les clauses des marchés publics l'exigence de proposer des solutions, a minima, européennes. La ville de Bordeaux s'est engagée à "porter ces sujets au niveau européen" via l'association Euro Cities. 

Plus globalement, les élus demandent que l'Europe soit "très ferme sur l'application de la réglementation européenne en matière de numérique" et que "le futur cadre financier pluriannuel de l'Union européenne puisse flécher les moyens nécessaires à cette trajectoire d'indépendance numérique".

Appel à rejoindre l'initiative 

Les territoires pilotes lancent un appel aux collectivités à rejoindre le groupe de travail dédié, dont la première réunion est fixée au 22 mai. Les 11 collectivités déjà engagées sont Bordeaux Métropole, ville et Eurométropole de Strasbourg, Nancy, Marseille, Montpellier Métropole, Métropole de Nantes, Toulouse Métropole, Rennes, Communauté d'agglomération du Sicoval, région Occitanie et communauté urbaine d'Arras. 

L'initiative TIE Break sera également mise en avant lors de l'événement "Numérique en commun" programmé les 29 et 30 octobre 2025 à Strasbourg. 

 

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