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Mobilité - Les Français plébiscitent les modes de déplacement alternatifs à la voiture en solo

Un Français sur deux utilise régulièrement les transports publics et la crise économique tend à faire reculer l'usage de la voiture individuelle, à leur profit mais aussi en faveur des modes alternatifs, selon la dernière enquête de l'Observatoire de la mobilité durable de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) publiée ce 28 octobre.

Les utilisateurs des transports publics sont des adeptes de l'intermodalité et, avec la crise, sont de plus en plus nombreux, à recourir aux nouveaux modes de déplacements alternatifs à la voiture en solo. Tel est l'un des principaux enseignements livrés par l'Observatoire de la mobilité 2014 dans une enquête réalisée par l'Ifop* pour le compte de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) présentée ce 28 octobre. Cette 4e édition de l'Observatoire se démarque des précédentes enquêtes menées en 2008, 2009 et 2010 en étant exclusivement centrée sur les seuls utilisateurs des transports publics urbains. Elle intègre aussi tous les modes de déplacement du quotidien, trains régionaux compris.
Elle s'est d'abord intéressée aux habitudes des usagers. Un Français sur deux utilise ainsi régulièrement les transports publics (bus, métro, tramway, RER et TER), les utilisateurs les plus réguliers étant les Franciliens (76% contre 44% pour les provinciaux), les habitants des agglomérations de plus de 100.000 habitants (70% contre 27% dans les agglomérations plus petites), les jeunes de 18 à 34 ans (65% contre 44% chez leurs aînés) et les catégories sociales supérieures (61% contre 47% pour les autres catégories). Les deux modes les plus empruntés par les utilisateurs réguliers des transports collectifs sont le bus (69%), qui domine largement en province, et le métro (47%). Viennent ensuite le tramway (39%), le RER (24%) et le TER (23%). Les deux tiers des habitués des transports collectifs utilisent en plus la voiture ou le vélo. Les trois quarts possèdent d'ailleurs une voiture qu'ils utilisent pour certains (43%) presque tous les jours et dans une moindre proportion (39%) au moins deux fois par semaine. Loin d'être en opposition frontale, les différents modes de transport sont donc choisis en fonction de leur zone de pertinence et au quotidien les voyageurs pratiquent aussi bien l'intermodalité en combinant par exemple, pour un même déplacement bus, tramway et train, la multimodalité (bus le lundi, voiture le mardi, vélo le jeudi…) que la pluri-modalité (bus à l'aller et tram au retour, par exemple).
86% des sondés ont déclaré prendre les transports collectifs pour rendre visite à leur famille ou à leurs amis et 85% pour faire leurs achats et aller dans les établissements administratifs ou de santé. Ils sont par contre proportionnellement moins nombreux (66%) à les utiliser pour rejoindre leur lieu de travail ou d'études. "C'est un enjeu de progression", reconnaît Jean-Pierre Farandou, vice-président de l'UTP, et patron de Keolis, qui ajoute que se rendre en transports en commun au travail est "possible dans un nombre de cas plus important qu'on ne le croit" : entre 2003 et 2013, le nombre d'habitants y ayant accès est passé de 19,7 à 21,8 millions.
Interrogés sur les raisons qui les poussent à utiliser les transports en commun, 53% des sondés ont cité la commodité. En échappant aux problèmes de stationnement et d'embouteillage, ils sont jugés à la fois plus pratiques et moins stressants que la voiture individuelle. 28% des sondés déclarent toutefois les emprunter parce qu'ils n'ont simplement pas le choix tandis que 18% citent comme principale motivation la préservation de l'environnement. Parmi les raisons qui les convaincraient d'utiliser plus les transports en commun, 35% des personnes interrogées citent d'abord les difficultés de circulation, 26% la hausse du prix de l'essence, 16% la volonté de faire baisser la pollution et 11% la hausse du prix du stationnement. Les voyageurs apparaissent aussi comme les meilleurs ambassadeurs des transports publics puisque 82% les recommandent autour d'eux : 38% vantent leur commodité, 28% leur modicité tarifaire, 26% leurs vertus écologiques et 18% leur rapidité. Les critères jugés essentiels pour la qualité de service sont la ponctualité (54%), la fréquence (50%) et la sécurité (lutte contre les incivilités, les agressions…). Interrogés sur les mesures qui leur sembleraient les plus efficaces pour faciliter la circulation des bus, 30% proposent d'augmenter le nombre de voies réservées, 24% de créer des lignes express pour desservir certains grands équipements (hôpitaux, universités…) et 22% de faire diminuer la circulation automobile. Quant aux moyens d'améliorer la sûreté des transports en commun, huit voyageurs sur dix se prononcent à la fois pour un renforcement de la vidéoprotection et de la présence humaine. 73% évoquent la lutte contre la fraude et 62% l'interdiction de la mendicité.
L'enquête s'est aussi intéressée aux impacts de la crise économique sur les comportements des usagers des transports publics. 41% ont ainsi déclaré avoir réduit leurs déplacements en ville depuis la crise, sans que celle-ci soit précisément datée. "Avec la crise, on assiste à une diminution de l'usage de la voiture, au profit de modes alternatifs, plus que des transports en commun", a commenté Jean-Pierre Farandou soulignant qu'"il faut construire une offre de transport qui intègre (ces) modes". Ainsi, les utilisateurs de voiture individuelle ont été 47% à avoir diminué leurs déplacements en ville et seulement 7% à les augmenter. Les utilisateurs de transports publics ont été 36% à les augmenter contre 11% qui les ont diminués alors que les utilisateurs de co-voiturage ont été 10% à les diminuer et 57% à les accroître.

Anne Lenormand

*Enquête réalisée du 8 au 15 septembre 2014 auprès d'un échantillon de 2.119 personnes âgées de 18 ans et plus

L'UTP défend une augmentation des tarifs
"Le transport public n’est pas payé à son juste prix. Les voyageurs ont le sentiment d’un coût élevé alors que ce n’est pas le cas", a souligné l’UTP lors de la présentation des résultats de l'Observatoire de la mobilité durable 2014. Elle met en avant le "ratio recettes sur dépenses", passé de 39% en 2003 à 31% en 2013. Une dégradation due au fait que la dépense par voyage est passée de 1,45 euros à 1,54 euros au cours de cette période (+6%) alors que dans le même temps, la recette par voyage a baissé de 12%, passant de 0,54 euro à 0,48 euro. "Cet effet de ciseau trouve son origine dans la conjonction de deux phénomènes", explique la fédération professionnelle : une offre croissante pour desservir de nouveaux territoires et améliorer la qualité du service, ce qui génère des dépenses, et une fréquentation qui augmente plus vite que les recettes (+39% de trafic voyageur en dix ans). La surface des territoires desservis a ainsi augmenté de près de 50% en dix ans mais, du fait de l'étalement urbain, les territoires couverts sont 25% moins denses qu'en 2003. Les réseaux de moins de 100.000 habitants comptent ainsi en moyenne 275 habitants par km2. Cette diminution de la densité de la population desservie crée ainsi "une situation très préjudiciable à l’équilibre économique des réseaux de transport public urbain", souligne l'UTP. Dans le même temps, les recettes par voyage ont baissé, en raison de faibles augmentations des tarifs, d’une logique d’abonnements peu chers et de la mise en œuvre de tarifications sociales.
L’UTP constate également que les tarifs pratiqués en France sont parmi les plus bas d’Europe, avec un billet à 1,70 euro à Paris, contre 1,90 euro à Bruxelles, 2,60 euros à Berlin et 5,80 euros à Londres. Le constat est le même pour l’abonnement mensuel (68,46 euros à Paris contre 78 euros à Berlin et 148,80 euros à Londres), qui, sur la France entière n’a augmenté que de 1,1% entre 2003 et 2013.
La fédération recommande donc que les titres de transport suivent "les mêmes évolutions que l’offre et la fréquentation". Elle se prononce contre la gratuité des transports, pour des raisons économiques, civiques et environnementales car "la gratuité favorise l’étalement urbain" et qu'il faut "accorder du respect à ce service public de première nécessité". En revanche, elle promeut l’idée d’une tarification sociale, modulée en fonction des revenus du foyer du voyageur et non plus en fonction de son statut car "les jeunes actifs disposent d’un pouvoir d’achat moyen plus faible que certains retraités et sont pourtant peu concernés par les réductions tarifaires".