Les élus locaux consternés par l'annulation des financements affectés à la fibre
C'est par un décret que les associations d'élus et représentants des industriels ont été informés de la suppression de 155 millions d'euros de financements affectés au plan France très haut débit. Le détail par territoire n'est pas connu, mais la première des conséquences de cette décision pourrait être selon eux "l'enterrement" de l'objectif présidentiel du THD pour tous en 2025.
Le décret 2024-124 du 21 février 2024 liste toutes les lignes budgétaires objet d'annulations de crédits dans le cadre d'une décision prévoyant 10 milliards d'économies (notre article du 22 février 2024). Le plan très haut débit (THD) pour tous, autrement dit le déploiement de la fibre optique dans les territoires ruraux, en fait partie. Le programme 343 de la loi de finances est en effet amputé de 38 millions d'euros d'autorisations de programme – autorisations pourtant validées il y a moins de deux mois - et de 117 millions d'euros de crédits de paiement. Cette simple ligne a suscité une vive réaction du côté des associations d'élus locaux comme des industriels des réseaux.
Pas la moindre concertation
Dans un communiqué commun du 27 février 2024, l'AMF, Départements de France, France urbaine, l'Avicca, la FNCCR et les Interconnectés s'émeuvent d'une décision prise "sans la moindre concertation et sans même une information préalable des collectivités, de leurs associations, des opérateurs ni d’aucun représentant de la filière". Des annonces qui interviennent "alors même que les besoins de subventions des collectivités progressent d'année en année, du fait du rythme de déploiement accru de la fibre optique, soulignent les élus. Ces derniers s'inquiètent aussi de ce que cachent ces chiffres globaux, aucun détail n'ayant été fourni sur la liste des réseaux d'initiative publique (RIP) concernés par les annulations de crédits. Les associations soulignent enfin l'impact de ces décisions sur "l'équilibre économique" des RIP et estiment que ces coupes budgétaires marquent "l'enterrement de l'objectif présidentiel de généralisation du FttH en 2025".
Les territoires durables et connectés aussi concernés
La fédération des industriels des réseaux Infranum s'est jointe à ce concert d'indignation. S'interrogeant tout autant sur le qui, le où et le combien, Infranum s'inquiète de savoir si les travaux planifiés seront effectivement payés aux entreprises qui les réalisent. Mais c'est surtout la méthode que la fédération ne digère pas. Infranum déplore des décisions qui "balayent d'un coup de crayon la concertation entre l'Etat, les collectivités et les industriels" et "infirme toutes les promesses prises et répétées depuis 10 ans par le gouvernement". La fédération souligne aussi qu'au-delà du plan THD actuel, la décision du gouvernement est lourde d'interrogations sur l'ensemble des dossiers qu'elle défend depuis des mois : le financement des raccordements longs et complexes, le durcissement des réseaux face aux intempéries et au vandalisme, l'accompagnement de la fin du cuivre… La filière ajoute que le plan THD n'est pas la seule victime des foudres de Bercy. Infranum s'inquiète aussi des conséquences du rabotage du Fonds vert à hauteur de 400 millions d'euros alors que le gouvernement avait promis la mobilisation de ces crédits pour financer les projets de territoires durables et connectés.
A court terme, les acteurs de l'aménagement numérique demandent le détail des annulations, aucun conseiller ministériel n'ayant été en mesure de répondre à cette question. Les associations d'élus veulent aussi être reçues au plus vite par le gouvernement dans l'espoir d'obtenir des "mesures compensatoires".
Remettre à plat les dossiers numériques
L'association des collectivités gestionnaires de RIP est la première concernée par les annulations de crédits. Dans un courrier du 26 février, l'Avicca a demandé à être reçue au plus vite par le ministre de l’Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique pour "tenter de maintenir l'objectif de généralisation de la fibre à fin 2025". Elle souhaite pousser le gouvernement à "une grande remise à plat des sujets numériques" et à "construire une feuille de route numérique d'ici 2030". Dans les pistes évoquées par l'association figurent la "simplification" administrative des déploiements, la "redéfinition d'une solidarité sur les territoires", le verdissement du numérique et la révision de la fiscalité des télécoms. L'association défend notamment l'idée de taxer les principaux consommateurs de bande passante que sont les grandes plateformes et les éditeurs de services pour financer les infrastructures. Une taxe que l'Espagne a réussi à mettre en œuvre souligne l'Avicca.