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Pouvoirs locaux - Les élus français souhaitent une "ambassade des territoires" à Bruxelles

La Maison européenne des pouvoirs locaux français (MEPLF) installée à Bruxelles depuis trois ans devrait prochainement se renforcer. C'est ce qu'ont annoncé les responsables des cinq associations qui la composent (AMF, ADF, FMVM, AMGVF et APVF) lors d'un déplacement dans la capitale européenne, mercredi 12 novembre. "Notre souhait est de créer une véritable ambassade des territoires français", a déclaré Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, soulignant le manque de poids des élus français dans les débats européens. "Sur le sujet des services publics, notre pays n'a pas assez pesé dans les débats. Or, le service public français a certainement des vertus, il a apporté les preuves de son efficacité", a-t-il souligné, rappelant que 70% du droit français dérive des normes européennes.
La délégation d'élus, qui a rencontré successivement le président du Comité des régions, Luc Van den Brande, le président du Parlement, européen Hans-Gert Pöttering, la commissaire européenne en charge de la politique régionale, Danuta Hübner, a également pu s'entretenir avec le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, pour lui faire part de son inquiétude sur l'avenir des services sociaux. A moins de deux mois de la fin de la présidence française, le secrétaire d'Etat s'est contenté d'évoquer la possibilité d'introduire "un point d'ancrage" sur cette question, avant de passer le relais à la présidence tchèque.
Autre cheval de bataille des élus : la politique de cohésion et l'après-2013. Mais la fin de mandat des institutions européennes, qui seront renouvelées en 2009, n'a pas été propice aux prises de position fortes.

 

"On ne va pas tous être au niveau de la Bavière"

La commissaire Danuta Hübner s'est voulue rassurante, expliquant qu'il n'y avait "pas de volonté de limiter" cette politique. "Au contraire, nous pensons que son rôle va augmenter en Europe, on ne peut pas répondre aux défis globaux - changement climatique, démographie, énergie, compétitivité - sans l'engagement des régions et des territoires." Pourtant, les négociations budgétaires s'annoncent âpres avec une volonté de plus en plus affirmée de limiter les interventions aux régions des nouveaux Etats membres (aujourd'hui, plus de 80% des crédits de la politique de cohésion sont destinés à l'objectif "convergence", c'est-à-dire aux Etats et régions les plus pauvres de l'Union). Pour les élus, qui s'appuient sur les derniers rapports sur la cohésion économique et sociale, si l'écart entre régions tend à diminuer, les disparités au sein d'une même région, elles, s'accentuent. Les modes de calcul basés sur le PIB régional ne sont donc pas adaptés à cette nouvelle situation. "La classification des territoires selon les richesses est à revoir", a déclaré Michel Destot, le président de l'AMGVF, citant l'exemple de Grenoble "où l'on a des quartiers pauvres qui nécessitent une politique de solidarité". "Si on ne l'exprime pas nous-mêmes, Bruxelles pourrait les exclure des politiques européennes." D'où l'intérêt marqué de la MEPLF pour la "cohésion territoriale" introduite dans le traité de Lisbonne comme troisième composante de la cohésion aux côtés de l'économie et du social. Un concept encore vague qui fait l'objet d'un vaste débat en Europe (livre vert, consultation publique, etc.) pour lui trouver une définition commune. Pour Michel Delebarre, le vice-président du Comité des régions, la cohésion territoriale, "c'est permettre à tous les territoires d'avoir des perspectives d'avenir et de développement". "Faire que tous aient le même développement, ça ne marchera jamais, on ne va pas tous être au niveau de la Bavière", a mis en garde le maire de Dunkerque. Il a également proposé la signature de "contrats multi-niveaux pour contribuer à la cohésion territoriale en faisant converger un certain nombre de fonds", comme le suggère le député européen Jean-Marie Beaupuy dans son rapport sur la gouvernance et le partenariat aux niveaux national et régional adopté en octobre.

 

Réforme des collectivités territoriales

Les élus ont enfin profité de l'occasion pour ramener l'Europe dans le débat français sur la réforme des collectivités territoriales conduite par le comité Balladur. A commencer par le premier visé, Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France, qui a regretté que "dans ce débat, il y a une grande absente, c'est l'Europe". "A un moment où l'Europe se constitue sur des cohérences, j'espère qu'on aura le souci de regarder quelle organisation des territoires a été mise en place dans les autres pays", a-t-il déclaré, se félicitant au passage de la création, en juillet dernier, de la Confédération européenne des pouvoirs locaux intermédiaires (Cepli), un réseau qui regroupe l'équivalent des départements européens (provinces en Italie, kreis en Allemagne, etc.). "On ne peut pas dire que la France a le système territorial le plus performant", a pour sa part déclaré le vice-président du Comité des régions. "Entre les régions et les départements, l'Europe a déjà choisi : la mise en oeuvre des politiques européennes s'articule au niveau régional", a-t-il souligné, appelant aussi à une solution souple entre intercommunalités et départements, "plus adaptée aux territoires". Michel Delebarre a toutefois nuancé la portée de cette réforme. "Ma crainte, c'est qu'en ouvrant ce dossier, on aboutisse à du faux-semblant."

 

Michel Tendil