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Crise - Les régions se tournent vers Bruxelles

L'ARF a profité de la Conférence sur la cohésion territoriale des 30 et 31 octobre à Paris pour demander à la Commission de suspendre la procédure de dégagement d'office et de "dézoner" provisoirement la carte des aides à finalité régionale.

Gouvernement et régions main dans la main ou presque, l'occasion est assez rare pour être soulignée. En ouvrant la Conférence sur la cohésion territoriale et l'avenir de la politique de cohésion, sous présidence française, jeudi 30 octobre, Hubert Falco et Alain Rousset ont tenu à afficher un front uni. L'objectif de cette rencontre, qui a réuni plus de 1.200 personnes pendant deux jours au palais des Congrès à Paris : avancer sur la définition de la "cohésion territoriale" et réfléchir à l'avenir de la politique de cohésion après 2013. Mais la crise économique a momentanément détourné la réflexion pour parer à l'urgence. La politique de cohésion instaurée en 1986 pour remédier aux écarts de développement entre régions européennes pourrait ainsi se voir "réquisitionnée" au profit des entreprises. Alain Rousset, président de l'Association des régions de France, a souligné le risque d'un manque de trésorerie pour les PME et a appelé la Commission à se montrer indulgente en matière de "dégagement d'office". Cette règle, qui prévoit le retrait des fonds non consommés au bout de deux ans, avait été instaurée en 2000 pour obliger à accélérer le lancement des projets. Mais "les banques sont beaucoup plus frileuses et il y a un risque de sous-consommation des crédits. Nous aurons besoin de tous les crédits pour que les projets ne tombent pas à l'eau", a alerté Alain Rousset, lors d'une conférence de presse. Il a également demandé à la Commission de "dézoner" la carte des aides à finalité régionale (AFR) "à titre exceptionnel", pendant une période d'au moins deux ans. La diminution de 55% de la couverture totale de la France "constitue la plus forte baisse enregistrée dans les pays de l'Union européenne", selon lui. Conséquence directe : "Des milliers de dossiers vont être beaucoup plus difficiles à monter." Revenir sur la carte AFR ne coûterait rien à l'Union européenne : "L'effort sera porté sur les collectivités qui pourront venir en aide en priorité aux projets de territoire."

 

Rendre l'argent plus disponible

De son côté, la Commission a fait savoir qu'elle travaillait "à rendre l'argent plus disponible dès à présent". Elle présentera un "paquet de mesures" en ce sens, le 26 novembre. Des assouplissements à la politique de cohésion pourront être apportés. "La crise va avoir un impact sur le marché du travail, au moins à court terme, a fait savoir Michael Ralph, le conseiller de Vladimir Spidla, le commissaire à l'Emploi. Il est clair que l'on pourra accepter des modifications des programmes opérationnels (du Fonds social européen) en cours." Le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, créé en 2006, sera également mis à contribution. Doté de 500 millions d'euros, il a déjà bénéficié à une douzaine de bassins d'emploi européens depuis un an, notamment aux salariés licenciés des fournisseurs de Peugeot-Citroën et de Renault, en France. Par ailleurs, l'Union européenne a créé des instruments financiers pour venir en aide aux PME. C'est le cas de Jeremie, un outil destiné à faciliter l'accès des PME et des TPE au crédit, et qui vient d'être mis en place dans la région Languedoc-Roussillon pour juguler les effets de la crise. La Commission propose également de relever les fonds propres de la Banque européenne d'investissement (BEI). Par ailleurs, le sommet européen du 7 novembre prochain à Bruxelles sera l'occasion d'examiner une demande de Nicolas Sarkozy concernant une facilité financière mobilisable de 12 milliards d'euros.
Mais la crise invite aussi à réfléchir à plus long terme sur l'avenir de la politique de cohésion. L'effort de solidarité qu'elle implique pourrait être mis à mal par les pays les "plus riches".

 

Voiture balai

Michel Delebarre, le vice-président du Comité des régions, a mis en garde contre deux tentations : "Celle qui consiste à dire qu'on n'a pas besoin de la politique de cohésion et que les politiques sectorielles suffisent et celle de laisser faire les Etats et de renationaliser la politique de cohésion." Mais "c'est un combat qui n'est pas gagné d'avance. La politique de cohésion ne doit pas être la voiture balai des politiques sectorielles", a-t-il ajouté, avant de souligner l'importance des études d'impact. "Avant de lancer des politiques pour l'agriculture, la recherche, les transports, il faut connaître les conséquences sur les territoires. Nous y serons vigilants : la politique de cohésion ne doit pas devenir une politique de réparation."
C'est donc dans ce contexte houleux qu'apparaît le concept de "cohésion territoriale", introduit par le traité de Lisbonne comme composante de la politique de cohésion. Un concept encore très flou. En publiant son livre vert au début du mois, la Commission a lancé les débats avec une consultation qui durera jusqu'en février 2009. Seul problème : chacun voudrait tirer la couverture à soi. "Il y a un lobbying fort de la part des îles, des zones côtières ou encore des zones de montagne pour définir la cohésion territoriale en fonction de leurs particularismes", a en effet constaté l'eurodéputé polonais Jan Olbrycht. D'où l'intérêt de ces deux journées de travail qui viendront alimenter les débats du conseil des ministres de l'Aménagement du territoire, les 25 et 26 novembre prochains, à Marseille, a expliqué Hubert Falco. Selon le secrétaire d'Etat à l'Aménagement du territoire, "la prise en compte de l'impact territorial dès la conception des politiques communautaires ne coûtera pas plus cher au budget communautaire mais aura des effets bénéfiques sur nos territoires".


 

Michel Tendil

 

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