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Les dysfonctionnements de MaPrimeRénov' étrillés par la Défenseure des droits

Impossibilité de créer un compte ou un dossier, de déposer en ligne les pièces justificatives, de modifier les éléments du dossier et finalement d’engager les travaux… : la Défenseure des droits pointe, dans une décision publiée ce 17 octobre, "de graves dysfonctionnements techniques récurrents" du dispositif public d'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' qui peuvent conduire les usagers les plus précaires à se retrouver dans une situation encore plus difficile.

Mise en place en 2020 et pilotée par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), MaPrimeRénov' constitue le dispositif phare élaboré par l'État pour aider les Français modestes à rénover leur logement afin de réduire leur consommation d'énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre. Dans son projet de budget 2023, le gouvernement a d'ailleurs prévu de porter à 2,5 milliards d'euros l'enveloppe qui lui est consacrée (voir notre article du 27 septembre 2022). Mais les démarches pour l'obtenir sont émaillées de "graves dysfonctionnements techniques récurrents", dont pâtissent en premier les foyers les plus démunis auxquels MaPrimeRénov' est justement destinée, souligne la Défenseure des droits, Claire Hédon, dans une décision publiée ce 17 octobre.

500 réclamations reçues en deux ans

L'autorité indépendante indique avoir reçu près de 500 réclamations en deux ans relatives aux difficultés rencontrées par les demandeurs de l’aide pour faire valoir leurs droits et a constaté de nombreux écueils dans le traitement des demandes. Certains usagers ont par exemple engagé leurs rénovations après avoir reçu l’accusé de réception autorisant le démarrage des travaux et sont toujours en attente, depuis 2020, de l’aide à laquelle ils peuvent prétendre en raison de l’impossibilité technique de finaliser leurs demandes, notamment par le téléversement de leurs factures sur leur espace. "Ces blocages pour de très nombreux dossiers précarisent les demandeurs les plus fragiles économiquement, déplore la Défenseure. Face à la nécessité de se chauffer l’hiver, et en attente du versement de 'MaPrimeRénov’', qui peut atteindre plusieurs milliers d’euros, certains foyers ont été dans l’obligation de contracter des prêts bancaires ou familiaux pour financer les travaux et payer les artisans."

Une nouvelle fois (voir notre article du 6 juillet 2022), Claire Hédon pointe "les effets pervers du tout dématérialisé". Les demandes d’aide dans le cadre de "MaPrimeRénov’" doivent en effet être obligatoirement réalisées par le biais d’un formulaire rempli en ligne sur la plateforme dédiée. La Défenseure des droits a alerté l’Anah sur les conséquences de la dématérialisation totale de la procédure qui conduit selon elle à priver certains bénéficiaires potentiels d’une aide et crée une "rupture d'égalité devant le service public". Elle rappelle que "la réalisation des démarches administratives dématérialisées doit demeurer une possibilité ouverte à l’usager et non devenir une obligation. L’usager doit pouvoir choisir le mode de communication le plus approprié à sa situation lorsqu’il échange avec l’administration."

À l'Anah de remédier aux dysfonctionnements

La Défenseure des droits réclame des comptes à l'Anah dans un délai de trois mois. L'Agence doit ainsi "remédier" aux dysfonctionnements de la plateforme MaPrimeRénov "pour résoudre définitivement les difficultés techniques" affectant le dépôt des dossiers de demande d’aide et diminuer les délais de traitement des dossiers confrontés à des difficultés. Elle doit aussi "améliorer l’information des usagers notamment par la mise en place d’interlocuteurs qualifiés voués à assurer un meilleur suivi des dossiers et des réclamations et la communication dans les décisions des éléments d’analyse de nature à les justifier", "prendre l’attache de ses ministères de tutelle afin de mettre en place un canal de dépôt des demandes en complément de la procédure dématérialisée" et "régulariser l’ensemble des demandes d’aide n’ayant pu aboutir en raison de difficultés imputables à la mise en œuvre du dispositif, telles que les dysfonctionnements techniques rencontrés sur la plateforme, les délais de traitement des dossiers ou l’absence de prise en compte des avis de dégrèvement".

Contactée par l'AFP, l'Anah "prend acte" des recommandations tout en assurant qu'une "immense majorité des dossiers se déroulent sans encombre". Selon l'agence, le dispositif a rencontré "un fort succès" avec plus d'1,25 million de bénéficiaires. Elle assure par ailleurs que le délai moyen d'instruction des dossiers complets est "de 15 jours ouvrés".

Le ministre délégué au Logement, Olivier Klein, a également jugé "très marginal" le nombre de dossiers en souffrance. "MaPrimRénov représente un grand progrès pour les citoyens", a-t-il ajouté en soulignant qu'auparavant, il pouvait s'écouler "plus d'une année" entre la réalisation des travaux et le versement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), nom du précédent dispositif d'aide. "En 2021, les 2,1 milliards d'euros de budget de MaPrimRénov' ont bénéficié à 80% à des ménages modestes et très modestes", poursuit encore Olivier Klein.