Aides à la rénovation énergétique : une prime et une plateforme Anah dès 2020
Après l'opération de séduction entamée pour simplifier le dispositif de l'éco-prêt à taux zéro, le gouvernement entend massifier les aides à la rénovation énergétique en lançant dès janvier 2020 une prime qui se substitue au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE).
Bientôt la fin du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Ce coup de pouce fiscal sur les dépenses engagées pour des travaux d'amélioration de l'efficacité énergétique réalisés dans l'habitation principale, va progressivement disparaître d'ici à 2021. Pour céder la place à un tout autre dispositif, une aide directe versée aux classes moyennes et modestes, en fonction de leurs revenus. Une promesse présidentielle du candidat Macron qui, après avoir été reportée, a été détaillée en juin dans le discours de politique générale d'Édouard Philippe. Une concertation a été lancée et les professionnels du bâtiment ont exprimé fin août leurs doléances - le tout à un rythme accéléré. A l'heure où sa restitution se termine, on sait qu'elle débouchera sur un dispositif qui rebat les cartes et fera inévitablement débat dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2020, présenté le 27 septembre prochain. "C'est une réforme d'ampleur, on en a bien conscience, les bases sont solides mais certains volets s'ajusteront dans le temps", reconnaît-on au cabinet d'Emmanuelle Wargon, lors d'un point presse organisé ce 24 septembre au ministère de la Transition écologique.
Une aide versée au moment des travaux
Fidèle à sa ligne, déplorant l'efficacité du dispositif actuel bénéficiant pour près de moitié aux ménages les plus aisés, c'est à dire ceux dont les revenus sont situés dans les 9e et 10e déciles de la population, le gouvernement ambitionne une montée en charge en deux temps de son aide désormais "plus simple, plus juste et plus efficace". Dans un premier temps, dès janvier 2020, la prime issue du CITE mais aussi de l'aide de l'Anah "Habiter mieux" agilité, bénéficiera aux demandeurs les moins aisés (déciles 1 à 4). Jusqu'alors, ces ménages échappaient quasiment au dispositif et pour cause, cet avantage fiscal ne les concerne pas s'ils sont non imposables et, s'ils le sont, le crédit d'impôt restait proportionnel à leurs dépenses. "Sortir de la logique fiscale et du pourcentage pour passer à une prime unifiée Habiter mieux agilité-CITE versée en euros et en une fois dès la fin des travaux, c'est une vraie nouveauté. Elle facilitera le passage à l'acte et apportera plus de stabilité à ce dispositif qui été fortement chahuté ces dernières années", souligne-t-on dans ce même ministère.
Une plateforme dans une logique de parcours client
Concrètement, une plateforme gérée par l'Anah va être lancée pour centraliser les demandes formulées sur la simple base d'un devis de travaux et pour verser l'aide une fois qu'ils sont réalisés, sur présentation de la facture. "On sera dans une logique de parcours client", décrit-on au ministère. Tout sera-t-il fin prêt en janvier ? Un certain flou règne sur le timing et les moyens - sélection du prestataire d'instruction de l'Anah, besoins de recrutement au sein de l'Agence - que le débat budgétaire devrait, espérons-le, dissiper. Un chiffre du ministère donne en tout cas un avant-goût de l'ampleur du changement : d'environ 100.000 dossiers de demandes Anah traitées par an, il faudra sans tarder passer à 500-600.000 dossiers ! Se pose aussi la question du contrôle des travaux proposés, réalisés et de leur efficacité. Des annonces sont attendues dans ce sens du côté de la DGCCRF.
Nouvelle évolution en 2021
Dès 2021, les ménages aux revenus intermédiaires, situés entre les 5e et 8e déciles, bénéficieront de la prime unifiée. D'ici là, le CITE sera maintenu pour eux en 2020. Les ménages les plus aisés seront en revanche exclus du dispositif. Des fédérations professionnelles ont pourtant pointé le risque que ces ménages se détournent de la rénovation énergétique au profit de l'embellissement. Un risque que le gouvernement semble endosser, en rappelant qu'ils pourront toujours prétendre aux aides versées par les énergéticiens (CEE). La question sera néanmoins débattue certainement dans le cadre du PLF pour 2020. Quant à l'éligibilité des copropriétés à ces aides, elle se fera aussi dans un deuxième temps, sachant qu'une ordonnance est en cours pour simplifier le droit des copropriétés : "L'idée est que les copropriétés bénéficient d'un barème dédié, avec une offre clés en main." Enfin, les propriétaires-bailleurs n'intégreront pas le dispositif unifié avant 2021.
Prime au geste
Autre nouveauté, le montant de la prime unifiée sera "déterminé à partir des économies d'énergie que les travaux permettent de réaliser et non plus proportionnellement à leur coût", avance-t-on au ministère. Des barèmes d'aides, calibrés à partir d'études réalisées par l'Ademe et le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) et des retours des professionnels, seront communicables dans les prochains jours. Le montant de ces aides variera en fonction de l'efficacité énergétique des "gestes" effectués, c'est dire des travaux réalisés ou de l'équipement installé. Parmi les gestes bien soutenus forfaitairement figureront par exemple l'isolation des murs par l'extérieur ou par l'intérieur. Le ministère espère aussi que la massification aura à terme pour effet de faire baisser les coûts de certains travaux. Le versement en euros, l'intégration de plafonds par geste soutenu et la centralisation effectuées par l'Anah sont par ailleurs avancés comme des moyens pour lutter contre l'effet inflationniste observé sur les devis des travaux, "par exemple dernièrement pour les pompes à chaleur". Il n'empêche que cette réforme s'engage avec des bases encore fragilisées par l'important manque et surtout l'éparpillement des données dans ce domaine. Un observatoire national de la rénovation énergétique vient justement d'être discrètement lancé. "Il sera piloté par le commissaire général au développement durable Thomas Lesueur. Le besoin est il est vrai pressant. Mais les statisticiens n'ont pas la même vision du temps", conclut-on au ministère.