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Violence scolaire - Les deux tiers des professeurs de ZEP confrontés à la violence

La première enquête de victimation menée dans le secondaire traduit les fortes inégalités des enseignants face à l'insécurité.

Une vague de désaffection va-t-elle succéder à la crise des vocations dans l'Education nationale ? En tout cas, 29,6% des personnels du secondaire disent envisager "souvent ou très souvent" de quitter leur métier, selon une enquête de victimation de grande échelle présentée le 26 février au ministre de l'Education Vincent Peillon. Une majorité des professeurs qui aspirent à d'autres horizons se disent harcelés dans le cadre de leur fonction, d'autres se sentent ostracisés au sein de l'équipe professionnelle. "Le harcèlement est un facteur de décrochage professionnel", en concluent les auteurs de cette enquête conduite par Eric Debarbieux, le délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire installé en novembre dernier.
Ce travail publié à l'occasion d'un point d'étape de l'action de cette délégation ministérielle doit guider la politique de lutte contre les violences à l'école. Il montre que 37% des personnels ne sont pas satisfaits du climat qui règne dans leur établissement, avec de fortes inégalités : 41,1% en ZUS contre 25,6% ailleurs. Des résultats jugés "inacceptables" par Eric Debarbieux, fondateur en 1998 de l'Observatoire des violences scolaires.
Si une faible minorité de professeurs ne se considèrent pas respectés (14%), ils sont près de 22% à ressentir une appréhension avant de prendre leur service. Sans surprise, ce "syndrome de la boule au ventre" est particulièrement sensible chez les professeurs de ZUS (28,4% contre 19,1% ailleurs) et chez les nouveaux titulaires. "Cette appréhension est liée à la répétition des microviolences et incivilités (à 32,4%) à la relation aux élèves (à 28,4%) et à la relation à la direction (à 15,4%)", indiquent les auteurs.
Près d'un tiers des professeurs constatent de la violence dans leur établissement. Une proportion qui double lorsqu'on est en zone d'éducation prioritaire (62,4%). 20% des enseignants de ZEP se sentent en insécurité à l'intérieur de l'enceinte. Les violences restent cependant essentiellement verbales, ce qui conforte une précédente enquête conduite en 2012 en Seine-Saint-Denis. "On n'est pas dans une école à feu et à sang", a tempèré le délégué ministériel, en présentant ces résultats. Les faits de violence physique sont plutôt rares (5,1% des répondants bousculés violemment, 0,9% frappés), avec un cas reporté de blessure avec arme. La "cyberviolence" comme le harcèlement sur internet reste très marginal (1,3%).

Pistes d'action

Face à ce climat, 60% des personnels ne se sentent pas suffisamment préparés et la moitié d'entre eux estiment que la discipline n'est pas suffisamment appliquée, mais avec un clivage net entre professeurs et administration. "Il y a là une coupure essentielle entre les cadres et les enseignants. C'est aussi une coupure entre les victimes et les non victimes", constatent les auteurs.
Ces résultats doivent permettre de dégager des "pistes d'action" a déclaré Vincent Peillon, notamment en matière de formation, au sein des futures Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE). Le tronc commun comprendra "un ou plusieurs modules portant spécifiquement sur les problématiques liées au climat scolaire et notamment sur le repérage et le traitement des cas de harcèlement", indique le ministère dans son point d'étape des travaux de la délégation ministérielle.
Le ministère souhaite aussi "revoir les sanctions et punitions, pour aller vers une justice réparatrice". "Les sanctions permettant la réparation et la responsabilisation des élèves sont davantage susceptibles d'avoir un effet éducatif et d'empêcher l'élève de récidiver", peut-on lire dans le document du ministère. En clair, un élève qui aurait endommagé plusieurs fois un extincteur pourrait se voir imposer des heures de travaux d'intérêt collectif auprès de pompiers. Un guide des pratiques alternatives à l'exclusion sera donc publié en juin prochain, il sera accompagné d'un vademecum à l'usage des associations, collectivités locales, collèges et lycées.
Vincent Peillon a annoncé vouloir améliorer le réseau d'alerte et d'accompagnement des victimes. Des "protocoles de prise en charge" seront opérationnels dès le mois de mai. Le ministre s'est enfin félicité du "premier bilan positif" des 500 assistants de prévention et de sécurité (APS), installés à la rentrée 2012 afin de soutenir les équipes des établissements les plus exposés. Les trois quarts de ces APS ont plus de 26 ans et tous ont un niveau minimum Bac+2. "Dans les établissements difficiles [...] leur aide contribue à améliorer effectivement et durablement le climat scolaire", selon ce bilan.