Elections - Les députés votent une réforme d'ampleur de la gestion des listes électorales
La promesse que le président de la République a faite en octobre 2014 de permettre à tout électeur de pouvoir s'inscrire sur les listes électorales jusqu'à trente jours avant un scrutin ne sera pas réalisée avant plusieurs années. La date précise sera fixée par un décret qui sera publié dans le courant de 2018. Ainsi en ont décidé les députés lors de l'examen, puis du vote, le 31 mai, de la proposition de loi ordinaire et des deux propositions de lois organiques déposées par Elisabeth Pochon (Socialiste) et Jean-Luc Warsmann (LR).
Pour eux, il était totalement exclu de décider d'une mise en œuvre des nouvelles modalités d'inscription électorale d'ici l'élection présidentielle d'avril-mai 2017. Ils ont fait valoir, d'une part, la tradition selon laquelle on ne change pas de telles règles à moins d'un an d'un scrutin et, d'autre part, la complexité technique du dossier. Celle-ci est liée en particulier à la mise en place d'un répertoire électoral unique, qui requiert "entre 12 et 16 trimestres", selon une étude remise au gouvernement.
Dématérialisation des échanges entre l'Insee et les communes
C'est une réforme en profondeur du système d'établissement des listes électorales que les députés viennent de décider. Alors qu'aujourd'hui, la plupart des électeurs doivent être inscrits au 31 décembre sur la liste électorale de leur commune pour pouvoir voter à un scrutin organisé l'année suivante, il sera possible de faire une demande d'inscription au plus tard trente jours avant l'élection. Pour rendre possible cette mesure, l'Insee aura la charge de tenir un répertoire électoral unique, dont seront extraites les listes électorales communales. En outre, les échanges d'informations entre l'Insee et les communes seront entièrement dématérialisés, ce qui nécessitera à la fois un effort d'équipement des communes et la formation des agents communaux.
Par ailleurs, la compétence en matière d'inscription ou de radiation sera transférée des commissions administratives aux maires. Maintenues, les commissions verront leur rôle modifié : elles exerceront un contrôle a posteriori des décisions prises par le maire. A noter aussi : leurs réunions seront publiques et, dans les communes de plus de 1.000 habitants, l'opposition en fera partie.
Parmi les autres changements, on notera qu'avoir la qualité de contribuable local depuis deux ans dans une commune permettra d'être inscrit sur la liste électorale de cette commune, alors qu'aujourd'hui la durée minimale est de cinq années consécutives.
En outre, la procédure d'inscription d'office, qui s'applique aujourd'hui aux personnes qui ont 18 ans au plus tard la veille du jour du premier tour du scrutin, sera élargie aux jeunes qui atteignent l'âge de 18 ans entre les deux tours d'un scrutin, ainsi qu'aux personnes qui acquièrent la nationalité française.
Un enjeu crucial pour la démocratie
Les députés ont aussi décidé que les Français établis hors de France ne pourront plus être inscrits à la fois sur la liste électorale d'une commune et sur la liste électorale d'un consulat. Ils devront choisir entre l'une et l'autre.
Dans un rapport remis en décembre 2014, Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann avaient sévèrement critiqué la procédure actuelle d'établissement des listes électorales (voir notre article du 18 décembre 2014). Dans leur rapport sur les propositions de lois, ils dressent les mêmes constats. Déconnecté des élections et ne prenant pas en compte la mobilité des électeurs, le calendrier d'inscription "joue un rôle déterminant dans l'éloignement de millions d'électeurs de l'institution électorale". Ils indiquent que quelque 3 millions de personnes ne sont pas inscrites sur les listes électorales et qu'environ 6,5 millions sont "mal-inscrites" – elles sont inscrites dans un bureau de vote ne correspondant plus à leur lieu de résidence effectif. Les commissions administratives chargées de dresser la liste électorale de chaque bureau de vote ne garantissent pas l'établissement impartial et régulier de ces listes, regrettent-ils aussi.
Le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur les propositions de lois, qui doivent à présent être examinées par le Sénat.